Cette pièce est une commande, faite par Mazarin. Ce dernier a fait représenter en 1647, dans une salle du Palais Cardinal (l'actuel Palais royal) un opéra italien, l'Orfeo de Rossi. Ces représentations ont provoquées des critiques, en particulier sur le coûts de ces spectacles. Mazarin pense qu'un spectacle français, qui réutilise les décors et la machinerie, sophistiquée conçue par Torelli, un Italien qui vient à cette occasion en France, serait mieux accueilli. Corneille reçoit donc une somme d'argent pour écrire un texte dès 1647. Mais la mise sur la scène du spectacle n'est pas simple : la saison théâtrale 1648-1649 est quasiment supprimée par la Fronde. Après une accalmie en 1649, Corneille prend un privilège en octobre pour publier le Dessein de la tragédie d'Andromède, qui est une sorte de canevas détaillé, permettant aux futurs spectateurs de suivre le spectacle. La pièce est finalement donnée en février 1650, après l'arrestation des Princes.
La pièce appartient à ce qu'on appelé « la comédie à musique » ou « tragédie à machines ». Il y a une musique, composée par Charles Coypeau dit D'Assoucy (elle est en grande partie perdue), mais elle n'a pas la même importance que dans un opéra à proprement parlé. Corneille précise qu'il n'a employée la musique « qu'à satisfaire les oreilles, tandis que les yeux sont arrestés à voir descendre ou remonter les machines, ou s'attachent à quelque chose qui les empêche de prêter attention à ce que pourroient dire les acteurs, et qu'il s'est bien gardé de rien faire chanter qui fût nécessaire à l'intelligence de la pièce ». le texte est donc plus important pour lui, et la musique un ornement présent à certains moments spectaculaires.
La place des décors et machines est en revanche plus centrale. Corneille écrit : « Les machines ne sont pas, dans cette tragédie, comme les agréments détachés : elles en font le neoud et le dénouement, et y sont si nécessaires que vous n'en sauriez retrancher aucune que vous ne fassiez tomber tout l'édifice. ».
Cela nécessite quelques précision sur le décor du théâtre classique. Au début du XVIIe siècle, les spectacles ont hérité le principe du théâtre à mansions ou compartiments du théâtre du moyen-âge. Il y avait plusieurs compartiments, en général un par acte, qui figurait les différents lieux de l'intrigue. Les comédiens se déplaçaient au fur et à mesure du déroulé de l'histoire, les compartiments inutilisé étant masqués par des rideaux. Les tragi-comédies, et les premières tragédies et comédies du XVIIe siècle utilisent ce type de décors. A partir de la réforme du théâtre, et en particulier du moment où l'unité de lieu s'est imposé, il n'y avait plus qu'un seul décor, pour la tragédie il s'agissait de ce les décorateurs de l'époque appelaient « le palais à volonté », une salle du palais dans laquelle toute l'action pouvait prendre place. L'arrivée de Torelli marque une autre étape, le changement de décor à vue. Différents décors habillent la pièce, grâce aux machineries inventées par les Italiens, ils changent devant les yeux éblouis des spectateurs. Torelli, le premier et le plus célèbre de ces Italiens venus en France a été d'ailleurs surnommé « Le grand sorcier » ou « Le magicien de Fano ». Ces machineries ont été une grande attraction du théâtre de l'époque, et ont donné lieu à toute une production à succès, dans l'opéra (que ses promoteurs présentaient comme le spectacle le plus fidèle au théâtre antique, dans lequel la musique était présente), mais aussi dans des pièces de théâtre, parfois mixtes, dans lesquelles la musique pouvait avoir aussi une place, même si était secondaire. Andromède est peut être la pièce de ce genre qui a connue la plus grande célébrité à l'époque.
La trame d'Andromède provient d'un récit mythologique célèbre : Cassiope, le reine d'Ethiopie est tellement fière de la beauté de sa fille, qu'elle défie les dieux. Qui se vengent en faisant venir un monstre marin. Une jeune fille doit lui être livrée, après un tirage au sort. Après plusieurs jeunes filles, c'est le tour d'Andromède d'être désignée. Son fiancé, Phinée, se désespère sans beaucoup d'efficacité. Mais Persée, présent dans la cour d'Ethiopie, agit et tue le monstre venu dévorer Andromède. le roi veut la lui donner en mariage. Phinée tente de tuer le héros avec une troupe armée, mais il est défait et tué. le mariage peut avoir lieu, les dieux viennent chercher tout ce beau monde pour le célébrer dans les cieux.
Le noeud de la pièce n'est pas la victoire de Persée sur le monstre, mais sa lutte avec Phinée pour la main d'Andromède, la venue du monstre servant presque le héros dans la conquête de sa belle.
Cette pièce n'est plus vraiment jouée depuis le XVIIe siècle, où elle a connue un immense succès, l'essentiel de l'intérêt ayant été le spectacle fastueux pour les yeux. Elle est surtout une curiosité, une oeuvre de commande, même si on reconnaît la patte de Corneille dans les vers. Elle illustre parfaitement un pan de la production dramatique de l'époque, qui a sans doute plus vieilli que d'autres pièces.
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Dix septième siècle de secrets d'alcôves et d'intrigues, mythes et divinités se jouent et se déclament aux planches parisiennes.
De Vénus à Persée, les Néréides se font vengeresses tandis que le ciel se fait hôte pour ces divinités en devenir.
Intrigues et cabales se suivent et se heurtent aux rimes des tirades.
A découvrir ou redécouvrir.
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PHORBAS : Soudain j'entends des cris qu'on ne peut achever ;
J'entends gémir les uns, les autres se sauver ;
J'entends le repentir succéder à l'audace ;
J'entends Phinée enfin qui lui demande grâce.
" Perfide, il n'est plus temps ", lui dit Persée. Il fuit :
J'entends comme à grands pas ce vainqueur le poursuit ;
Comme il court se venger de qui l'osait surprendre ;
Je l'entends s'éloigner, puis je cesse d'entendre.
Acte V, Scène 5.
Assez souvent le ciel par quelque fausse joie
Se plaît à prévenir les maux qu'il nous envoie ;
Du moins il m'a rendu quelques moments bien doux
Par ce flatteur espoir que j'allais être à vous.
Mais puisque ce n'était qu'une trompeuse attente,
Gardez mon souvenir, et je mourrai contente.
Vivez, vivez, heureux amants
Dans les douceurs que l’amour vous inspire
Vivez heureux, et vivez si longtemps,
Qu’au bout d’un siècle entier on puisse encore vous dire :
Vivez, heureux amants.
Il est fort extraordinaire qu’une femme dont la fille est en âge d’être mariée ait encore d’assez beaux restes pour s’en vanter si hautement.
Extrait de l'Argument.
Qu’elle est lente, cette journée
Dont la fin me doit rendre heureux !
Chaque moment à mon cœur amoureux
Semble durer plus d’une année.
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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