La pièce a sans doute été créé pendant la saison 1645-1646 au théâtre du Marais et publiée en 1646. Ce fut l'un des plus grands échecs de
Corneille, qui le justifie par la fait que l'idée d'une sainte menée au bordel semblait trop choquante et trop insupportable au public, et il se congratule de « la pureté de notre théâtre ».
Il faut dire que le débat sur la légitimité du théâtre bat son plein, et que le parti dévot condamne le théâtre, et en particulier le théâtre chrétien, qui met sur la scène des saints personnages. le théâtre est « un vain plaisir », et les chrétiens ont pour guide "l'Église, et non une salle de spectacle". Depuis la mort du cardinal de Richelieu en 1642, grand défenseur du théâtre, ce parti s'exprime avec beaucoup plus de force, au point que la reine Anne d'Autriche qui apprécie ces spectacles, reçoit un écrit du curé de
Saint-Germain, mettant en cause les pièces, surtout italiennes. Elle en vient à consulter des évêques, des docteurs de la Sorbonne se prononcent, dont certains considèrent que le théâtre constitue un pêché mortel. .
Dans ce contexte, Théodore est presque unanimement condamnée au XVIIe siècle. L'amour divin est jugé trop proche de l'amour profane dans cette pièce. Derrière le paravent du martyre, du saint personnage, se cachent les tentations de l'amour, de la luxure, d'une vie loin de Dieu.
Corneille n'écrira plus de pièce chrétienne après l'échec de Théodore.
Corneille s'est inspiré pour sa pièce des Annales de Baronius, une vaste histoire de l'Église. Il a quelque peu rassemblés des éléments ayant trait à Théodore avec d'autres se rapportant à la vie de sainte Agnès.
Théodore et Didyme, deux jeunes chrétiens, sont amoureux l'un de l'autre. Mais Théodore a consacré sa virginité à Dieu. Théodore est aussi aimée par Placide, le fils du gouverneur d'Antioche, ce qui déclenche la haine de Marcelle, la femme du gouverneur, car un mariage a été décidé entre Placide et sa fille Flavie, qui aime le jeune homme, au point de se laisser mourir face à son indifférence. Marcelle décide d'agir contre Théodore. Elle l'oblige à reconnaître sa religion. Théodore doit être menée en guise de punition au bordel. Mais par un stratagème, Didyme arrive à la délivrer. Marcelle est déchaînée, après la mort de sa fille, elle poignarde Théodore et Didyme, puis se suicide. Placide suit Théodore dans la mort.
Au final, le personnage principal de la pièce est Placide. C'est son absence d'amour pour Flavie et son amour pour Théodore qui déclenche la tragédie. Théodore, en bonne chrétienne qui respecte les préceptes de l'église n'affiche pas sa foi, elle essaie même de ruser pour ne pas se déclarer, et ne le fait que lorsque Marcelle ne lui laisse pas le choix. Placide est responsable, mais non coupable, il essaie de sauver Théodore et Didyme, affronte Marcelle, ce que son père n'ose pas faire, se débat jusqu'au bout.
La pièce présentent des caractéristiques qui la rapprochent d'une pastorale, déjà le principe de la chaîne amoureuse : Flavie aime Placide qui aime Théodore qui aime Didyme et encore plus Dieu. Certains passages sont très proches des dialogues amoureux des pastorales, il y a les parents qui s'opposent aux amours des jeunes gens, les intrigues. Les censeurs de la pièce ne se sont pas vraiment trompés, lorsqu'ils ont relevé cette présence de l'amour profane dans l'oeuvre de
Corneille.
Théodore au final, n'est pas le personnage central de la pièce, celui qui suscite le plus l'intérêt du spectateur. Encore moins Didyme, bien pâle. le centre de gravité de la pièce est l'opposition entre Placide et Marcelle. le premier en parfait galant, sachant trousser les phrases amoureuses selon les conventions du XVIIe siècle, et faisant preuve de noblesse et de courage face à la fureur et à la cruauté de Marcelle. Cette dernière est une véritable furie, femme de pouvoir, qui veut tout régenter et décider, une figure impressionnante, le mal déchaîné.
C'est vraiment une excellente pièce, la figure de Marcelle, terrible, véritablement sadique, d'une redoutable intelligence, est vraiment impressionnante, et domine les autres protagonistes. La construction de la pièce, est très réussie, entre coups de théâtre, et rigueur et maîtrise de l'intrigue.