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EAN : 9782011849359
136 pages
Hachette Livre BNF (01/04/2013)
2.7/5   5 notes
Résumé :
La représentation de cette tragédie n’a pas eu grand éclat, et, sans chercher des couleurs à la justifier, je veux bien ne m’en prendre qu’à ses défauts, et la croire mal faite, puisqu’elle a été mal suivie. J’aurais tort de m’opposer au jugement du public : il m’a été trop avantageux en d’autres ouvrages pour le contre-dire en celui-ci...
Extrait de l'épitre de Pierre Corneille à la cour.

Cette épître, qui parut dans l’édition originale de Th... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La pièce a sans doute été créé pendant la saison 1645-1646 au théâtre du Marais et publiée en 1646. Ce fut l'un des plus grands échecs de Corneille, qui le justifie par la fait que l'idée d'une sainte menée au bordel semblait trop choquante et trop insupportable au public, et il se congratule de « la pureté de notre théâtre ».

Il faut dire que le débat sur la légitimité du théâtre bat son plein, et que le parti dévot condamne le théâtre, et en particulier le théâtre chrétien, qui met sur la scène des saints personnages. le théâtre est « un vain plaisir », et les chrétiens ont pour guide "l'Église, et non une salle de spectacle". Depuis la mort du cardinal de Richelieu en 1642, grand défenseur du théâtre, ce parti s'exprime avec beaucoup plus de force, au point que la reine Anne d'Autriche qui apprécie ces spectacles, reçoit un écrit du curé de Saint-Germain, mettant en cause les pièces, surtout italiennes. Elle en vient à consulter des évêques, des docteurs de la Sorbonne se prononcent, dont certains considèrent que le théâtre constitue un pêché mortel. .

Dans ce contexte, Théodore est presque unanimement condamnée au XVIIe siècle. L'amour divin est jugé trop proche de l'amour profane dans cette pièce. Derrière le paravent du martyre, du saint personnage, se cachent les tentations de l'amour, de la luxure, d'une vie loin de Dieu. Corneille n'écrira plus de pièce chrétienne après l'échec de Théodore.

Corneille s'est inspiré pour sa pièce des Annales de Baronius, une vaste histoire de l'Église. Il a quelque peu rassemblés des éléments ayant trait à Théodore avec d'autres se rapportant à la vie de sainte Agnès.

Théodore et Didyme, deux jeunes chrétiens, sont amoureux l'un de l'autre. Mais Théodore a consacré sa virginité à Dieu. Théodore est aussi aimée par Placide, le fils du gouverneur d'Antioche, ce qui déclenche la haine de Marcelle, la femme du gouverneur, car un mariage a été décidé entre Placide et sa fille Flavie, qui aime le jeune homme, au point de se laisser mourir face à son indifférence. Marcelle décide d'agir contre Théodore. Elle l'oblige à reconnaître sa religion. Théodore doit être menée en guise de punition au bordel. Mais par un stratagème, Didyme arrive à la délivrer. Marcelle est déchaînée, après la mort de sa fille, elle poignarde Théodore et Didyme, puis se suicide. Placide suit Théodore dans la mort.

Au final, le personnage principal de la pièce est Placide. C'est son absence d'amour pour Flavie et son amour pour Théodore qui déclenche la tragédie. Théodore, en bonne chrétienne qui respecte les préceptes de l'église n'affiche pas sa foi, elle essaie même de ruser pour ne pas se déclarer, et ne le fait que lorsque Marcelle ne lui laisse pas le choix. Placide est responsable, mais non coupable, il essaie de sauver Théodore et Didyme, affronte Marcelle, ce que son père n'ose pas faire, se débat jusqu'au bout.

La pièce présentent des caractéristiques qui la rapprochent d'une pastorale, déjà le principe de la chaîne amoureuse : Flavie aime Placide qui aime Théodore qui aime Didyme et encore plus Dieu. Certains passages sont très proches des dialogues amoureux des pastorales, il y a les parents qui s'opposent aux amours des jeunes gens, les intrigues. Les censeurs de la pièce ne se sont pas vraiment trompés, lorsqu'ils ont relevé cette présence de l'amour profane dans l'oeuvre de Corneille.

Théodore au final, n'est pas le personnage central de la pièce, celui qui suscite le plus l'intérêt du spectateur. Encore moins Didyme, bien pâle. le centre de gravité de la pièce est l'opposition entre Placide et Marcelle. le premier en parfait galant, sachant trousser les phrases amoureuses selon les conventions du XVIIe siècle, et faisant preuve de noblesse et de courage face à la fureur et à la cruauté de Marcelle. Cette dernière est une véritable furie, femme de pouvoir, qui veut tout régenter et décider, une figure impressionnante, le mal déchaîné.

C'est vraiment une excellente pièce, la figure de Marcelle, terrible, véritablement sadique, d'une redoutable intelligence, est vraiment impressionnante, et domine les autres protagonistes. La construction de la pièce, est très réussie, entre coups de théâtre, et rigueur et maîtrise de l'intrigue.
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Si je n'ai pas trop apprécié le personnage de Théodore – trop pure à première vue, trop monolithique, si je n'ai pas apprécié les références religieuses comme motivations, c'est que j'ai des mauvais souvenirs de Polyeucte, étudié pendant plusieurs mois en hypokhâgne jusqu'au dégoût. Cependant, les thématiques principales sont plus l'amour et le pouvoir que la religion, dans la mesure où, si Théodore affirme sa foi, elle ne la prêche pas, elle ne cherche pas à convertir les autres, elle ne reprend même pas les dogmes. Amour et pouvoir, deux thématiques très cornéliennes finalement.
Néanmoins, j'ai trouvé Théodore progressivement plus intéressante, notamment par ses sentiments pour Didyme : elle veut certes conserver sa virginité pour Dieu, mais elle aime sur terre, de façon profane. Elle s'éloigne d'ailleurs de Didyme, pour son salut et le sien, pour ne pas céder à la tentation.
le renversement des genres qui m'a intéressée, même si Corneille ne l'aurait pas formulé ainsi. En effet, Placide apparaît comme un jeune amant tout dédié à son amour, qui pleure beaucoup, mais sans agir par la violence. Il négocie plutôt que sortir ses armes, il est du côté de l'émotion, pas de l'action. de même, son père n'est pas montré en tant qu'homme politique, mais comme un père justement qui pense à son fils, à sa famille, à sa femme qu'il aime. La virilité et l'amour du pouvoir se trouvent, comme souvent chez Corneille, dans le personnage féminin. Marcelle rejoint ainsi d'autres héroïnes de Corneille (Cléopâtre, Médée...) qui veulent le pouvoir et l'exercent, qui sont prêtes à la violence, qui dominent les hommes, en assumant aussi leurs désirs physiques – elle prétend aimer son beau-fils, Placide, comme un fils, comme le fiancé de sa propre fille, mais n'y aurait-il pas du désir incestueux de son côté ? C'est pour moi cette figure qui domine la pièce et l'intrigue, à l'origine de son déclenchement et de sa conclusion dans la violence et le crime, qu'elle commet elle-même. La fin est donc très violente, très noire, avec de nombreux morts.
Une pièce différente de Corneille, avec ses défauts, mais aussi de nombreuses qualités et qui mérite d'être découverte.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
CLÉOBULE : Voyez ce qu'est Valens, voyez ce qu'est Placide.
Voyez sur quels États l'un et l'autre préside,
Où le père et le fils peuvent un jour régner,
Et cessez d'être aveugle et de le dédaigner.
THÉODORE : Je ne suis point aveugle, et vois ce qu'est un homme
Qu'élèvent la naissance, et la fortune, et Rome :
Je rends ce que je dois à l'éclat de son sang,
J'honore son mérite et respecte son rang ;
Mais vous connaissez mal cette vertu farouche
De vouloir qu'aujourd'hui l'ambition la touche,
Et qu'une âme insensible aux plus saintes ardeurs
Cède honteusement à l'éclat des grandeurs.
[...]
J'honorerai Placide, et j'aimerais Didyme.

Acte II, Scène 2.
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Mon sort des deux côtés mérite qu'on le plaigne :
L'une me persécute, et l'autre me dédaigne ;
Je hais qui m'idolâtre, et j'aime qui me fuit,
Et je poursuis en vain, ainsi qu'on me poursuit.
Telle est de mon destin la fatale injustice,
Telle est la tyrannie ensemble et le caprice
Du démon aveuglé qui sans discrétion
Verse l'antipathie et l'inclination.
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Que ne puis-je aussi bien immoler à Flavie
Tous les chrétiens ensemble, et toute la Syrie !
Ou que ne peut ma haine avec un plein loisir
Animer les bourreaux qu'elle saurait choisir,
Repaître mes douleurs d'une mort dure et lente,
Vous la rendre à la fois et cruelle et traînante,
Et parmi les tourments soutenir votre sort,
Pour vous faire sentir chaque jour une mort !
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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