Étudiant, c'est
Wilhelm Reich qui m'a initié à la sexologie. Dans “
La fonction de l'orgasme”, ce psychanalyste positionne la promotion des plaisirs sexuels et de l'orgasme en 1927 !
De la sexologie étudiée dans les années 1985, il ne me restait plus que le souvenir traumatisant de pratiques mécanistes aux bougies.
La sexologie a bien évolué et les cartes de la conception du plaisir des femmes et des hommes sont aujourd'hui rebattues.
Écrit comme un livre scientifique, une thèse de sexologie, “
Les révolutions de l'orgasme” est ambitieux comme son titre.
Je vais essayer de vous le présenter modestement en faisant appel à des citations (ici et dans la rubrique ad hoc).
N'y voyez pas une défilade de ma part ni ce que certains nommeront une débandade, mais c'est ainsi vous dévoiler un peu de son contenu en tentant de rester fidèle à la pensée de
Magali Croset-Calisto .
Elle présente ainsi l'objet et le projet de son livre : “il se construit comme une architecture qui souhaite élargir la pensée sur les différentes modalités masculines et féminines du jouir contemporain. Pour ce faire, il convoquera différents champs d'étude, de la neurobiologie et des sciences sexologiques en passant par la psychanalyse et la sociologie jusqu'aux confins des représentations modernes de la jouissance dans les arts, les lettres et les nouvelles technologies.”
En guise d'introduction "(permettons nous l'expression)" nous dit-elle, posons une définition initiale : “Du côté des sciences, il est désormais établi que l'orgasme correspond à un processus neuro-psychologique complexe marquant le paroxysme de la réponse sexuelle.
Lié à un plaisir comportant des similitudes entre les deux sexes, l'orgasme se caractérise par des contractions rythmiques des muscles pelvipérinéaux accompagnées d'une activation du système nerveux et une tension musculaire généralisée”, c'est simple et clair, et bien non car “pour dire les choses simplement : le mystère de l'orgasme demeure. Mystère que la littérature tente régulièrement de sonder par-delà l'expertise scientifique…”
La sexologue, psychologue et addictologue remet d'abord en scène le clitoris oublié : "Grâce aux travaux de quelques chercheurs aussi courageux qu'audacieux, le clitoris a finalement pu être envisagé malgré tout depuis une dizaine d'années.”
Cet écrit d'une femme ne pouvait que relever les représentations sociales qui ont modelé la sexualité de l'homme et conséquemment de la femme : “A considérer l'histoire androcentrée de la sexualité des femmes, il est possible aujourd'hui d'avancer l'idée que la construction de l'orgasme vaginal (provenant des hommes et essentiellement pour eux) définit non pas le fonctionnement sexuel des femmes, mais plutôt le désir sexuel des hommes.”
Une des conceptions révolutionnaires est que : ”Ce que j'ai nommé l'orgasme dual - qui correspond encore dans les mentalités au clivage entre orgasme vaginal et orgasme clitoridien - n'a pas plus lieu d'être. Pourquoi ? parce que la représentation datée de ces deux zones clivées laisse désormais la place à une globalité, une sphère intégrant différentes zones d'un tout dédié au plaisir en général (que ce dernier soit externe ou interne).”
Démonstratifs et convaincants, les chapitres sont construits savamment avec une conclusion qui introduit le chapitre suivant ainsi : “En gommant le clitoris de l'anatomie féminine, la société est passée à côté de la sexualité des femmes durant des siècles. Et si tel était le cas de la sexualité des hommes ? “
Son propos est d'affirmer que pour l'homme la révolution passe par la découverte de son point P. : “Reconnu depuis la nuit des temps, l'orgasme prostatique dérange toujours autant les hommes. Il donne lieu à des résistances essentiellement psychologiques et socioculturelles dans la mesure où les hommes qui décident de l'expérimenter peuvent se sentir réifiés voire "féminisés''. Un sentiment de perte du pouvoir viril…”
A ceux qui auront à coeur d'approfondir l'orgasme prostatique et le "milking", je vous laisse lire le livre (Magali me remerciera, je crois, de ne pas tout vous livrer !).
Le titre du livre n'est pas usurpé. Il s'agit bien d'un chamboulement des conceptions de la sexualité qui devient globale : “Centré sur le vagin, l'orgasme dual féminin a fait son temps. Centré sur le pénis, l'orgasme monofocal masculin l'a fait tout autant. Désormais, place à l'orgasme global où les corps se réérotisent et récupèrent la multiplicité de leur potentiel orgasmique.”
Par la suite, elle passe en revue les pensées des pionniers sur la sexualité.
J'ai d'abord trouvé dommage que cette partie, généralement située en début de livre, prenne place après les révolutions précédemment énoncées.
J'ai ensuite compris que
Magali Croset-Calisto avait structuré son ouvrage comme l'orgasme : “1 -L'excitation. Les révolutions d'aujourd'hui
2 -Le plateau. (et nous y sommes) Histoires d'orgasmes
3 -Climax.
4 -La résolution. Les orgasmes inavoués”, ajoutant même après la conclusion deux pages sur le post-coïtum !
Pour alléger cette chronique, je me bornerai à lister les têtes de chapitres rapportés aux auteurs :
“-
Freud et la théorie sexuelle.
-
La fonction de l'orgasme selon
Wilhelm Reich.
- Éros et civilisation selon
Herbert Marcuse.
-
Freud et Einstein : Eros face à Thanatos.
- Alfred Kinsey : le Dr sexe du xxeme siècle.
- William Masters et
Virginia Johnson : le couple “sexpert”.
-
Lacan et la jouissance.
- Foucault et l'histoire de la sexualité.
-
Shere Hite, figure de la sexologie moderne”.
Que du lourd en penseurs…
Après cette petite moitié du livre, suivent un chapitre sur l'addiction sexuelle, - on n'en attendait pas moins d'une addictologue - et des chapitres sur le traitement et les prises en charge des dyspareunies, du vaginisme et de la vulvodynie pour la femme ainsi que de l'éjaculation précoce et des dysfonctionnements érectiles chez l'homme aujourd'hui, - on n'en attendait pas moins d'une sexologue -.
Moins attendus sont les passages dédiés à l'orgasme musical avec son point d'orgue : le concerto N°2 de Rachmaninov et à l'orgasme culinaire !
Désolé de finir au galop cette chronique, mais je dois vous proposer son regard posé vers l'avenir : “Avec l'arrivée d'internet et des écrans dans les ménages, les scripts de la sexualité ont changé. le rapport à soi aussi.”
D'autant que le confinement a parfois modifié les modes de rencontres entre les individus.
Au changement induit par le télétravail correspond celui de l'amour distancié marqué par l'explosion de la vente des sextoys et qui s'appuie sur les écrans et le numérique.
“Mais que les sceptiques se rassurent, tout comme le livre numérique n'a pas détrôné le livre papier, ou comme le Streaming n'a pas tué le cinéma, le sexe virtuel ne détrônera certainement pas la sexualité dite réelle. Tout comme le travail et le télétravail, les consultations et les téléconsultations, le présentiel et le distanciel sexuels ne sauraient s'abolir entre eux. Ils sont complémentaires et représentent des agirs différents au nom d'une seule et même quête : la pulsion de vie.”
L'auteur finit sur la sexualité de demain, celle de la cybersexualité et du Moi-cyborg, j'avoue en laisser un peu pour les jeunes des générations X et surtout Y et Z qui grandissent avec Internet.
La conclusion reprend brillamment et lie toutes les idées qui sont résumées.
Cet ouvrage est une riche actualisation qui déstabilise les conceptions sexologiques jusque-là établies. Il propose quelques mots que mon correcteur souligne et qu'il vous faudra parfois chercher dans le dictionnaire : Climax, milking, sapiophile, coregasm, EIO, EISP, flashlight, squeezing, sexting …
Pour finir, je vous ferai part des “préliminaires” du livre pour vous inciter à cette lecture : “Puissent ces pages vous transporter un peu et vous questionner beaucoup sur les mystères du sexe et de l'amour. Puissent ces pages vous accompagner sur les mille et un chemins des plaisirs de votre vie. Car nul autre endroit au monde ne saurait être aussi révélateur des individus que celui de l'alcôve et du lit.
Bien Sexo-logiquement vôtre,
Magali Croset-Calisto”