Finale fantaisie

La pagaille de mots et d'images, de jeux et d'impromptus que j'ai fait surgir au fil des pages est trompeuse, infidèle. Elle dit le contraire de ce que je voulais dire. Elle fait une nouveauté de ce qui n'en sera plus jamais une. Un événement, d'une absolue routine.
Puisqu'il ne se passe plus rien, ou si peu. Puisqu'il ne nous arrive plus rien, ou si peu. Je suis nul avec le rien, je l'ai toujours été. Je le fuis, le nie, ou l'enrobe de son contraire, le bon gros tout trop bien écrit. A moins que ce ne soit la littérature qui soit nulle avec le rien - je vous jure, c'est ce que j'ai pensé un instant, histoire de me dédouaner. Et c'est vrai : mille ans de littérature seraient incapables de raconter l'extrême ressemblance de nos semaines, le train-train lambinard de nos heures. La littérature n'aime l'héroïsme qu'avec un enjeu, une signification supérieure, pas s'il a pour but la survie de quatre retraités. Sur son versant moderne, la littérature aime le néant de l'ordinaire, le temps qui ne passe plus ou le voyage au bout de la salle de bains, mais seulement si cet ordinaire est un vertige, le seuil de la folie. Pas s'il consiste à claudiquer jusqu'à la terrasse pour arroser les bacs ou à biffer la liste des courses sur la porte du frigo.