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sur 1957 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une bonne grosse claque. Voilà ce que vous prendrez en pleine face en lisant « La Zone du Dehors ». Premier roman écrit par Alain Damasio en 1992, puis retravaillé par l'auteur il y a quelques années, l'ouvrage cherche a répondre à une question au premier abord d'une grande simplicité mais qui, au fond, relève d'une complexité abyssale : comment, aujourd'hui en Occident, se révolter ? Contre qui ? Contre quoi ? Pourquoi? En six cent pages, Damasio nous propose non pas LA réponse mais UNE réponse, inspirée des écrits de Nietzsche, Foucault ou encore Deleuze, et qui dénonce avec virulence ces belles sociétés de contrôle qui font notre fierté, celles « de codes souples et de normes poisseuses, qui désamorcent, rognent la rage, adoucissent, assouplissent, régulent et strangulent. » J'en vois déjà qui commencent à reculer en se disant : « Oulà, un auteur engagé qui nous assomme de ses idées politiques et déballe sa propagande sous couvert de science-fiction, très peu pour moi ! » Et bien détrompez-vous car « La Zone du Dehors » est tout autre chose. Contrairement à des auteurs comme Terry Goodkind, qui arrive avec ses gros sabots pour nous marteler à coups de burin dans ses romans les grands principes de sa fameuse politique objectiviste (apparemment très en vogue aux États-Unis...), Damasio a, lui, le bon goût de ne pas prendre ses lecteurs pour des imbéciles incapables d'aligner deux idées à la suite.

Le roman qu'il nous offre est ainsi infiniment complexe et demandera aux lecteurs un gros travail d'attention et de réflexion, mais qui se révélera finalement payant. L'auteur frappe dur, fort, et met le doigt là où ça fait le plus mal : sur ces systèmes et ces actions qui rythment et régulent notre quotidien sans que l'on y prête parfois même plus d'attention. Par habitude, par lassitude... « L'espèce humaine, en pays riche, est en passe de devenir invertébrée. » Voilà le triste constat ici dénoncé. La multiplication des caméras de sécurité dans les rues ; les inepties débitées chaque jour par les médias qui « conforment plus qu'ils n'informent » ; ces panneaux, affiches ou slogans infantilisant qui nous rappellent encore et encore LE « bon » comportement à adopter (« Ne pas mangez trop salé, trop gras, trop sucré. », « Pratiquez une activité physique régulière », « A consommer avec modération »)..., c'est de tout cela que veut nous faire prendre conscience Damasio qui, pour mieux marquer les esprits, force évidemment le trait par le biais de la science-fiction. L'action prend ainsi place dans une société du futur (pas si éloignée que ça, cela dit...) dite « idéale » : la ville de Cerclon, petit modèle de démocratie constituant l'une des premières colonies spatiales nées de la quasi disparition de la Terre, ravagée par la Quatrième Guerre Mondiale ayant rendu une bonne partie de la planète inhabitable.

Outre la qualité de la réflexion proposée, « La Zone du Dehors » séduit ainsi également par celle du décor imaginé par Damasio. Les rouages qui régissent le système politique de la ville de Cerclon sont notamment très bien pensés, qu'il s'agisse de la hiérarchisation des individus se traduisant en lettres qui indiquent la place exacte occupée dans la société, ou encore de la séparation radicale des espaces riches/pauvres au moyen des nouvelles technologies. Comme dans « La Horde du Contrevent », les personnages constituent également l'un des plus gros points forts du roman. Capt et ses discours idéalistes plein de fougue ; Kamio et son souci constant du respect de la morale ; Slift et son incroyable témérité..., ce n'est pas sans tristesse que l'on quitte tous ces êtres attachants dont je sais qu'ils me hanteront longtemps. Reste, pour clore cette pluie d'éloges, à mentionner le style incomparable de l'auteur qui offre à ses lecteurs des moments de pure beauté, parfois lyriques, parfois incisifs mais toujours d'une incroyable poésie. Si « La Horde du Contrevent » m'avait permis de complètement m'évader en embarquant pour un voyage extraordinaire, « La Zone du Dehors », elle, a le mérite de nous faire profondément réfléchir, non seulement sur notre société mais aussi sur nous, nos modes de vies, nos aspirations, nos petites révoltes au quotidien.

Quoi de mieux, pour finir, que les mots de l'auteur lui-même, ces mots qui, pour beaucoup, ne manqueront pas de résonner longtemps : « Déchirez la gangue qui scande « vous êtes ceci », « vous êtes cela », « vous êtes... ». Ne soyez rien : devenez sans cesse. L'intériorité est un piège. L'individu ? Une camisole. Soyez toujours pour vous-même votre dehors, le dehors de toute chose. »
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> Salut michemuche tu fais quoi ce soir?
< Salut bison, ce soir je vais au vaisseau écouter boule de chat.
> C'est qui boule de chat ? une chanteuse, un groupe de rock ?
< Pfff !! nan, tu viens d'où le bison, de la planète terre ou de cerclon ?
< Dis moi bison ( coup d'oeil à droite coup d'oeil à gauche) tu serais pas une balance du président A , j'ai pas envie de me faire encuber tu comprend
> Pas de soucis michemuche je suis clean, pas de digicode sur l'ongle ou une quelconque puce identitaire, je ne suis pas clastré ni encarté.
< Bienvenue à la volte mon cher bison, ce soir il y a une réunion au vaisseau avec boule de chat, elle a connue le bosquet dans toute sa splendeur, les membres historiques de la volte : Capt, Kamio, Brihx, et Obffs, unis comme les doigts de la mains, les SUR- VOLTES
> Super michemuche, il y aura des gens connus à la réunion ?
< Oui bison du beau monde, il y a rabanne, stockard, cardabelle, casusbelli, koalas et même bouledegom et j'en oublie surement.
< Tiens bison je te donne le mot de passe sans quoi tu vas faire vitrine.
" Change l'ordre du monde plutôt que tes désirs "
< Surtout bison reste discret tu es un radieux, tu fais parti des voltes, maintenant ta vie est dans la zone du dehors, tu peux participer à la fondation d'Anarkhia 1, première polycité volutionnaire du cosmos habité !
" La maturité de l'homme, c'est d'avoir retrouvé le sérieux qu'on avait au jeu lorsqu'on était enfant ".
Si vous avez envie de découvrir " La zone du dehors" après mon billet c'est que j'aurai accompli ma tache, ce premier roman d'Alain Damasio est une pure merveille.
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Lecture de pleine nuit jusqu'à ce que la fatigue l'emporte à 6h du matin, lecture sidérante et dévorante, lecture de rage, happée, captivée... Lecture de veille, de réveil, dans tous les sens du terme.
Après le bouleversement de la Horde du contrevent, je repoussais celle-ci, craignant la fin de l'idylle, la déception, le désamour qui parfois nous éloignent, irrémédiablement, d'un auteur adoré ; heureusement, il n'en fut rien.

Les hommes de la Volte sont-ils les enfants ou les ancêtres de ceux de la Horde? Ils sont en tout cas leurs frères, frères surhumains que Nietzsche, dont la flamme court tout au long cette dystopie, appelait de ses voeux, frères trop humains où chacun se reconnaîtra, interrogeant ses failles, ses fulgurances, ce qui fonde son humanité : "Aucun destin n'est inéluctable, l'arborescence des possibles nous tisse le sang aux poignets".

Interrogeant aussi, et c'est une différence majeure avec La Horde du Contrevent, notre société post-moderne et son devenir, la tyrannie de nos démocraties molles qui endorment nos révoltes ( "nous n'avons jamais été aussi proches de ce que j'estime être le summum du pouvoir : une aliénation optimum sous les apparences d'une liberté totale"), la frontière fragile qui transforme la résistance en terrorisme, la tension entre morale et liberté, idéal et efficacité, la volonté de puissance.

Ce n'est pas un livre qui se donne facilement, ni qui se donne à tous. La lecture est ardue, lecture de combat qui se heurte à la chair incomparable d'une écriture ambitieuse, et doit la saisir, s'y heurter, l'escalader, s'y éprouver :
"Un! L'homme en vie, vitaliste, aux aguets
tout en explosion, frication,
ressenti, éprouve et épreuve."

Roman de paroles, de circulation de la parole, à l'image des concertos des Voltés, c'est aussi un roman d'action et de tension dramatique, de suspens efficace, de lutte armée, de trahison, de résistance.

L'univers est somptueux, on y retrouve les éléments chers à Damasio qui construisent aussi celui de la Horde : la matérialité et l'énergie, la métamorphose, l'élan et la friction, à travers un langue qui sans cesse elle aussi se transforme, éprouve ses limites, les dépasse, expérimente, saisit et dynamite, s'y frotte, explose; la langue d'un poète tout autant que celle d'un romancier :

"Leur voix articulait de la roche et du sable, et dans leur frottement sourd montaient des animaux mythiques, méduses s'immisçant flottantes à travers les rideaux d'ammoniac ou tigres pourpres entraperçus dans les brumes du Dehors [...]"

"Change l'ordre du monde... plutôt que tes désirs... Tes désirs sont désordres..."



Lien : http://solasubnocte.blogspot..
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Voilà un roman fascinant, d'une très grande richesse, un de ceux dont les thèmes abordés ne laissent pas indifférents et qui laisse dans son sillage beaucoup de réflexions et de questions sur ce qu'est le devenir de nos sociétés démocratiques. Je vais essayer d'ajouter mon commentaire de lecture aux très nombreux et remarquables que j'ai pu lire ici.

Une de mes proches, qui me parle depuis des années de sa passion pour Damasio, un auteur de science-fiction dont la production est rare, m'a prêté ce roman, préférant que je commence par celui-là plutôt que par la Horde du Contrevent, dont j'ai lu depuis les critiques dithyrambiques, dont celle en tous points remarquable de mon amie babeliote Chrystèle, qui a choisi, et ce n'est pas un hasard, le titre du livre pour pseudo.

Deux réserves pour commencer.
D'abord sur l'écriture. Pour moi qui suis d'un certain âge et plutôt habitué à l'écriture fluide d'un Kundera ou d'un Modiano, à celle sinueuse de Proust ou de Woolf, cette écriture éruptive, parfois grossière m'a déconcerté. Mais, aussi j'ai.été extrêmement séduit par la construction du récit avec ses différentes voix, ses inventions de langage; à ce propos le récit du séjour du héros Capt dans le Cube est époustouflant.
Et puis, et j'ai lu que cela avait été relevé par une autre babeliote, la place des personnages féminins dans le récit est bien faible, souvent le faire-valoir des hommes, telle BCDT alias Boule de Chat. C'est quand même dommage pour un récit libertaire d'avoir une tonalité non pas machiste, mais «masculino-centrée », car tous les leaders sont des hommes!

Malgré ces deux réserves, c'est un roman que j'ai trouvé vraiment très original, aussi bien dans la trame du récit que dans la dimension philosophique qui le sous-tend.

Nous sommes en 2084, soit 100 ans après Orwell, et ce n'est pas un hasard.
Une colonie d'environ 7 millions d'humains s'est installée sur un satellite de Saturne, des humains qui ont quitté la Terre ravagée par des conflits pour bâtir ce qui est présumé être le « Meilleur des Mondes ». Ils ont bâti Cerclon I, une immense ville constitué de cercles avec un cube central. Dans cette ville, tout est fabriqué par l'Homme, pesanteur, air que l'on respire, mais aussi organisation urbaine en lien avec l'organisation sociale. Tout est géré, tout est sous contrôle sous les apparences d'une démocratie idéale.
Mais en réalité, et le roman nous le montre progressivement, ce doux régime démocratique est celui, d'abord, du consumérisme poussé à l'extrême, avec par exemple ces stupéfiants chariots « intelligents » qui choisissent dans les rayons selon vos goûts, avec les médias omniprésents qui vous conditionnent pour tout, et puis, celui de la perte de l'identité puisque vous ne pouvez plus être Dupont ou Dupond, vous êtes un « dividu », vous n'existez que par le Clastre (un hybride de Classe, Caste, Castre?) un classement de la population à partir de notations réalisées par tous les collègues pour tous leurs collègues (excepté les moins de 12 ans, les retraités et ceux qui ont été déclassés définitivement) et qui sont compilées tous les deux ans par un ordinateur, le Terminor (contraction de Terminator?). Ainsi, vous n'existez et ne résidez dans Cerclon I que par les lettres que le Clastre vous attribue, depuis les 1- lettrés, de A à Z qui habitent le cube central du gouvernement de Cerclon (avec tout en haut, A, le Président), puis les 2-, 3-, 4-, 5-lettrés ( en bas de l'échelle) qui habitent selon leur classement dans un des cercles de Cerclon, le dernier de la Clastre étant non pas ZZZZZ, mais, étant donné la taille de la population, QZAAC! Et ainsi vous pouvez tous les deux ans, monter ou descendre dans l'échelle sociétale, changer de lettres, …et de zone de résidence.
Et puis, il y a le contrôle de tous par tous, dont le témoignage le plus frappant est au centre de chacun des 5 cercles une tour panoptique qui permet à chacune et chacun de surveiller tous les résidents de cette «prison» dorée, car tous les immeubles sont transparents et même leur façade arrière est visible grâce à un ingénieux système de miroirs.
Et enfin, la chirurgie a fait des progrès magnifiques, permettant à tout un chacun d'être un être « augmenté ».
L'ensemble de ces «progrès », qui nous sont décrits au cours de l'action du roman, fait froid dans le dos, car nous percevons que tout cela est déjà en marche de nos jours: les choix de consommation dirigés selon nos goûts enregistrés par les géants de l'internet, le traçage, les caméras de surveillance, l'appréciation quantifiée des professionnels dans les entreprises, mais aussi toutes ces notations anonymes de tout et n'importe quoi, qui fleurissent sur le net et sur les réseaux sociaux, la réalité virtuelle et enfin les évolutions du modelage humain.

Le roman est l'histoire présente et à venir de cercloniens qui rejettent cette société normative, de leur combat, et de leur construction difficile d'une société utopique qui se veut plus libre, plus décentralisée, dans la « Zone du Dehors », cette partie inhospitalière du satellite de Saturne.
Le début de l'intrigue est celui d'un tournant dans ce groupe de cercloniens, qui avait choisi jusqu'à présent une mode de protestation non violente, après la condamnation à mort de son leader, Zorlk, qui avait assassiné le Président précédent. Sous l'impulsion de Capt, un enseignant universitaire, et de ses acolytes rassemblés dans une cellule dénommée Bosquet, une stratégie d'action plus radicale et violente est décidée, et celles et ceux qui font ce choix entrent dans la « Volte » le préfixe Ré ayant été supprimé pour bien signifier la volonté d'aller de l'avant.
Je ne dévoilerais pas le fil de l'intrigue, et tous ces aspects passionnants, romanesques, car il faut dire que Damasio est un conteur prodigieux, et philosophiques, car une grande place est réservée aux débats, qu'il s'agisse de ceux de Capt avec ses amis, avec ses étudiants, et même avec A, le Président.

Il faut noter que ce récit vif, flamboyant, plein de rebondissements, évite aussi le machinéisme, la vision simplificatrice, qui est parfois le défaut des romans de SF. Ainsi en est il des interrogations et des doutes de Capt sur le bien-fondé de l'action violente. Ainsi on verra que la construction de villages indépendants dans la Zone du Dehors se traduit par l'apparition de cités gangrenées par la drogue et où une mafia prend le pouvoir.
Enfin, ce qui est original dans ce récit, et ce doit être volontaire, c'est qu'il se termine par un nouveau projet vers «plus loin », et qu'il est une sorte de « work in progress ». Cela traduit, je pense, que face à un monde normalisé et contraint, il faut prendre le risque de la liberté et que cela n'est pas simple.

En conclusion, un très beau roman, une anticipation astucieuse de ce que pourrait devenir notre monde, avec en creux tous les travers émergents de notre époque, le poids des médias, du contrôle de nos vies par internet, de l'artifice dans nos vies.
Mais je ne partage pas la vision utopique de l'auteur sur la libération humaine par une (ré)volte libertaire.
J'ai lu que Damasio était proche du mouvement des « gilets jaunes ». Si j'approuve le fait que l'on ne peut continuer avec notre société actuelle, avec son information biaisée en continu, dont la tendance est que les décisions se prennent d'en haut, où le pouvoir démocratiquement élu est trop loin des réalités humaines, je trouve que la volonté de liberté individuelle absolue se heurte à la nécessité pratique du vivre ensemble dans nos gigantesques sociétés modernes. Et les phalanstères et les communautés hippies, entre autres, ne sont pas allées bien loin dans la « Zone du Dehors ».
Mais l'intérêt des romans d'anticipation de qualité, c'est qu'il participent à l'éveil de votre conscience, et en ce qui concerne celui-ci, à nous inciter à être vigilants face au soft power de nos démocraties, à nous interroger en permanence sur les incitations normatives au sein de nos sociétés, sur les limites à définir à la surveillance de nos vies. Mais ce roman laisse entière pour moi la question de la révolte, de son bien-fondé, de son efficacité.

Enfin, quelques derniers mots pour saluer l'inventivité de l'auteur, dans ses jeux avec les mots, ses titres de chapitres étonnants, ses inventions typographiques.
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La zone du dehors est publié la première fois en 1999, puis en 2007 et une nouvelle édition en 2015 avec deux postface de l'auteur. Ce livre a reçu le prix européen utopiales 2007.
C'est un livre de science-fiction, un roman d'anticipation.

La zone du dehors est le premier livre de science-fiction que je lis et j'ai adoré !

Nous sommes en 2084, totalement contrôlé sans force tout en nous laissant croire que nous n'avions jamais été aussi libres. C'est une société de contrôle nouvelle génération.
Pucés dès la naissance, nous sommes suivi à la trace où nous allons. En entrant dans un magasin, ils peuvent savoir si nos revenus nous permettent d'acheter. Dénoncer les habitants qui s'opposent au gouvernement permet de gagner des points, qui augmentent notre statut social. Nous sommes que des lettres et moins nous en avons plus nous avons de pouvoir.

J'ai dévoré la première moitié du livre : le contexte, les personnages, les actions, les références philosophiques, ... sont captivants. le milieu m'a tenu en haleine notamment sur la décision que prendra un des héros. La deuxième moitié est plein de surprises. La fin pointe la limite d'un système politique.
Tout le long, ce livre questionne et amène à réfléchir. J'ai très apprécié l'engagement politique par l'intermédiaire des personnages qui se questionnent, doutent, réfléchissent, agissent et militent.
Un grand bravo à l'auteur. Je recommande +++

Mon prochain livre de science-fiction sera La horde du contrevent du même auteur recommandé par des collègues de promo.
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En 2084, on retrouve une part du 1984 d'Orwell, totalitaire et laveur de cerveaux, avec cette touche qui fleure bon les années 2000, de sécurité et d'entre-soi dans un simulacre de démocratie.
Dans ce monde où rien ne bouge, la Volte lance des turbules, emmenée par le Bosquet, cinq hommes imaginatifs et prêts à beaucoup pour réveiller les sept millions d'individus qui se laissent classer par tous et pour tout.
On voit dans ce roman une esquisse de la Horde du Contrevent : le récit change parfois de narrateur, mais moins, les personnages sont tout aussi allumés, mais leur monde est plus proche du nôtre et surtout ils sont moins nombreux.
Le message politique est quant à lui parfaitement clair : à se laisser engluer dans la démocratie indirecte, la technocratie et le politiquement correct, nous perdrons ce qui fait de nous des artistes et des poètes, une part du génie humain, et c'est bien dommage. Il faudrait donc se bouger, créer des espaces en-dehors des règles habituelles et savoir s'affranchir de l'auto-censure.
Je comprends que la clarté de ce message déplaise aux bien-pensants, mais le roman reste de qualité et le style flamboyant, surtout dans les discours.
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C'est du gros, c'est du lourd, c'est du corrosif -et pourtant, c'est élégant et émouvant. C'est du Damasio, alliage pur de politique, de philosophie et de poésie.
Soit l'astéroïde Cerclon I, bordé par Saturne et peuplé de Terriens ayant fuit une planète ravagée par la 4ème guerre mondiale. On est en 2084 dans une démocratie optimale ("souriez, vous êtes gérés"), où chacun est jugé et surveillé, et personne n'y trouve à redire -sauf les excités de la (ré-)Volte, groupuscule anarchiste (et forcément "terroriste") qui ambitionne simplement de mettre un peu de vie ( de "vif" !) dans ces non-vies.
J'avoue, j'ai eu du mal à entrer dans le roman. Les 200 premières pages sont très denses, exigeantes, trop rhétoriques pour mon pauvre esprit. Mais une fois que la réflexion cède à l'action (car "réfléchir, c'est fléchir deux fois")... wow ! Plus moyen de lâcher le bouquin ! J'ai palpité, frissonné, pleuré, exulté, ricané, ragé ; les pages se tournaient d'elles-mêmes tant j'étais emportée par cette Volte !
Premier roman d'Alain Damasio, j'y ai retrouvé des idées et personnages développés ultérieurement dans "la Horde du Contrevent". Et déjà, ce style improbable qui mélange beauté, légèreté, gravité et technicité -mais comment fait-il pour écrire aussi bien ? L'ensemble n'est cependant pas parfait, mais il est splendidement humain. A travers le combat de cette horde de (ré-)Voltés contre un système aliénant, Damasio parle d'espoir, de désir, de liberté. Ce qui m'a le plus touchée, c'est cette foi en l'Homme, en ce qu'il y a de meilleur en lui, qui porte toute l'histoire.
C'est un roman organique, fait de tripes et de cervelle, et qui parle directement au corps, à l'âme et au coeur. On n'en sort pas indemne -juste un peu plus en vie.
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Avant d'être un roman de science-fiction, La zone du dehors est un cri de contestation envers une société qui régit tout, jusqu'aux désirs des êtres. C'est un refus de la soumission à un système hiérarchisant absolu qui contrôle tout.
Ici, les individus sont des numéros de classement dont la dénomination découle : chaque personne est désignée par un code de 5, 4, 3, 2 lettres selon leur 'importance" dans la société. Les codes à une lettre étant réservés aux dirigeants, le président est A, les différents ministres sont dénommés B, C, D...

Le récit se lit en prenant son temps, pour le style auquel il faut s'accoutumer, mais surtout pour la profondeur de traitement du sujet qui nécessite de prendre du recul pour en comprendre toute la teneur.
Alain Damasio nous transmet avec force un cri de ré-Volte, un cri du Vivant, il ne faut pas passer à côté.
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Un cri de (ré)volte. C'est en 2084 que l'histoire de ce livre se passe, la date n'est pas choisi au hasard, mais oubliez Orwell car le monde imaginé par Damasio n'a pas sombré dans le totalitarisme primaire. C'est le règne de la social-démocratie, de la paix sociale achetée au dépend de la liberté véritable, le règne de la norme et du consensus. Un monde de tranquillité pour la majeur partie des habitants de Cerclon, ceux qui ont accepté de rentrer dans le système. Un système où son nom dépend de sa réussite, A étant le présidant, et ZZZZZ le dernier du Clastre. Un système créé pour une cité conceptuelle située sur un satellite de Saturne, pour fuir la Terre et la guerre. le modèle à suivre pour l'humanité. Mais un monde de vide pour les gens de la Volte, petite organisation qui essaye à sa manière de réveiller les consciences. Les vielles méthodes réfléchis et pacifistes ne marchent plus, la Volte va passer à l'action. "Réfléchir, c'est fléchir deux fois". Emmenée par ses leaders charismatiques comme Captp le professeur philosophe, Kamio le peintre humaniste, ou Slift l'impulsif et insaisissable habitant de la Radzone, elle va tout tenter pour changer le monde, en créer un nouveau. Une lutte difficile, contre le système, contre soi même, qui ne se fera pas sans couler de larme et de sang, pour la liberté. "Sachons nous ouvrir pour agrandir cette poche, qui est poumon - et vent pulsif. Osons même, parfois, élargir la cicatrice et refuser le cocon consumériste, les consolations et les soins. Parce que ça fait mal, d'être libre."

Evidemment le Cerclon de 2084 ressemble en beaucoup de chose à nos sociétés occidentales, en poussant plus loin leurs défauts, pour les rendre plus voyants. le principe même de la SF. Et les questionnements qui vise le lecteur seront nombreuses tant il y a matière à la réflexion dans ce livre. Avec un coté un peu trop bavard parfois, trop didactique, petit pêché de jeunesse. Ces aspects politiques et philosophiques sont extrêmement présents et poussés dans le livre, des constats sur la servitude volontaire, l'auto-censure, la normalisation et le contrôle. Et une réponse ! Pas la réponse, juste une réponse. Tout cet aspect là est enrobé dans une histoire qui prend au tripe et portée par des personnages très attachants, épris de liberté, vivant. "Vagabonder, bondir, vagabondir pour exister !".

Dans le style, c'est Damasio. C'est original, c'est varié, c'est très soigné, c'est beau, c'est brut, c'est vivant et recherché. Une maîtrise parfaite de la langue française, des jeux de mots, un travail sur les sons, des néologismes, de l'argot, des métaphores en veux tu en voilà. Un travail d'orfèvre. Ça ne ressemble à rien d'autre qu'à du Damasio. Il vous prend parfois l'envie de relire un paragraphe que vous venez de finir, juste pour le plaisir. Cette écriture jouissive mais exigeante ajouté à de vrais réflexions très poussées, teintées de philosophie de Nietzsche, Deleuze ou Foucault, rends le livre assez exigent. Pas à lire en période de fatigue, il demande une concentration optimale. le jeux en vaut la chandelle malgré ses imperfections et quelques longueurs.

La livre est narré à la première personne, mais pas toujours par le même personnage. le système narratif polyphonique était déjà là, bien avant La Horde du Contrevent, en moins poussé cela dit. La majeur partie du récit étant vu à travers les yeux de Captp. Ce procédé ambitieux permet de belle expérimentation dans le style d'écriture comme dans la structure narrative. Au niveau des personnages aussi il est difficile de ne pas faire un lien entre certains Volté et membre de la Horde. Et sur le plan de la philosophie du bouquin, bien qu'un peu moins lyrique ici, plus terre à terre que dans la Horde, on retrouve ce même sentiment de lutte, de liberté. Ce même combat contre soi même. "Déchirez la gangue qui scande “vous êtes ceci”, “vous êtes cela”, “vous êtes…”. Ne soyez rien : devenez sans cesse. L'intériorité est un piège. L'individu ? Une camisole. Soyez toujours pour vous-mêmes votre dehors, le dehors de toute chose."

Un auteur unique, un esprit contestataire qui fait du bien, des idées, plein d'idées dont je n'ai même pas parlé. Attention, en plus d'être exigent, le livre va très loin dans sa philosophie (ré)volutionnaire, pas de faux semblant, pas de compromis. "Change, plutôt que tes désirs, l'ordre du monde. Tes désirs sont désordres." La liberté, juste la liberté, à n'importe qu'elle prix. Pour réveiller l'esprit de révolte qui sommeil en chacun de nous.
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« Mais moi, ça m'a fait du bien » - moi qui fait partie des petites gens, de ce grand nombre, de ces agrégats de petites peurs qui sont l'histoire, moi qui ne fait pas partie d'un Bosquet, qui n'est pas un de ces êtres d'exception qui font l'histoire, moi qui ne veux pas le pouvoir mais la puissance, moi qui aimerai entendre mes gosses me répondre à « Qu'est-ce que tu veux faire de ta vie ? » : « une oeuvre d'art ! », moi qui suis un peu molte, moi qui ne trouble pas le silence avec des clameurs - ça m'a fait du bien de volter un peu… de me rappeler que je ne suis pas une Jane Norme, que je ne suis pas clastrable.
Merci encore M. Damasio pour cet attentat. Avec La Zone du Dehors « je viens de n'être ! ».
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