La Banquière des années folles : Marthe Hanau c'est le récit de l'ascension vertigineuse et la chute tout aussi dramatique de Marthe Hanau que Dominique Desanti retrace avec cette biographie-enquête. Issue d'un milieu modeste, autodidacte et au caractère fort, mariée avec Lazare Bloch, mais entretenant des relations saphiques, cette femme-homme comprend très vite, au sortir de la première guerre mondiale que la spéculation est le moyen pour les petites gens de s'enrichir rapidement. Forte de cette idée, elle met tout en oeuvre pour développer ses activités, notamment en créant La Gazette du franc, organe de diffusion des conseils financiers. Par son charisme, son énergie et sa créativité elle fédère un aéropage de fidèles, rédacteurs, journalistes, avocats - certains se révèleront des fidèles irréductibles - pour démocratiser cette spéculation, promettant des rendements de 8% quand les banques ne proposent que 1,5%, organisant des ventes pour faire baisser le cours des titres, puis les racheter quand ils se redressent...Mais le milieu politique notamment Poincaré, la presse et le monde bancaire avec en tête Horace Finaly, dirigeant de la banque de Paris et Pays Bas, vont tout organiser pour la faire chuter. Poincaré ne lui pardonnera pas d'avoir publié un entretien dans sa gazette et de l'avoir utilisé pour démarcher de nouveaux clients et Finaly, n'accepte pas le fait que le différentiel des dividendes siphonne l'épargne des petits porteurs. A force d'attaques de l'ensemble de ces établissements, c'est rapidement l'hallali puis la curée pour démanteler l'empire qu'elle avait bâti, sous le prétexte fallacieux de l'escroquerie alors que d'autres scandales bien plus dramatiques se déroulent (faillite de la banque Oustric ou l'affaire Stavisky). Malgré les coups bas, Marthe Hanau se redresse tel un phénix de ses cendres, mais l'acharnement et les répercussions de la crise de vingt neuf auront raison d'elle.
La Banquière des années folles : Marthe Hanau est un récit dont la lecture est assez difficile, le style de Dominique Desanti est très concis voire elliptique, supposant que le lecteur est éclairé sur le monde de la finance, je n'ai d'ailleurs pas toujours compris les raisons sous-jacentes ou les instruments et mécanismes financiers décrits et mis en place, sans parler de l'évocation des nombreux hommes politiques, libéraux, radicaux, cartel des gauches que je ne connaissais pas et qui m'ont quelque peu égarée. Reste une certaine réhabilitation d'une femme intelligente entrepreneuse géniale qui a jeté les bases de toute la finance actuelle et qui n'a commis que l'erreur de vouloir défier l'establishment politique et bancaire, suscitant bien souvent leur admiration en coulisse.
La Banquière des années folles : Marthe Hanau est une récit édifiant, extrêmement détaillé, un peu daté, pas toujours accessible mais qui recadre les évènements et mettent en lumière une femme hors du commun.
Je remercie Nouveau Monde Editions et Babelio Masse critique non fiction pour cette découverte détonante.
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Je ne connaissais l'histoire de Marthe Hanau qu'au travers du film la banquière avec Romy Schneider dans le rôle principal.
Ce livre relate davantage une époque avec ses composantes historiques, politique, économique, financière, intellectuelle et artistique que l'histoire de Marthe Hanau elle-même. le destin de cette femme à la forte personnalité est noyé au milieu de personnages emblématiques du Paris des années folles tels que Briand, Berthelot, Poincaré, Herriot, Citroën, Colette, Kessel, Arletty et tant d'autres.
Marthe Hanau fut une pionnière. Première femme banquière à une époque où la bourse était interdite aux femmes. Première femme Directrice d'un organe de presse. Elle va démocratiser la spéculation en prodiguant ses conseils financiers dans son journal « la Gazette du Franc ».
« Les grandes banques offrent 1% d'intérêt ? Elle en offre huit et dix plus une participation aux bénéfices. Les ducs et leurs valets de chambre, les chauffeurs de taxi et les industriels de province, les médecins et les dactylos lui portent leur argent et la portent aux nues. Elle fait « travailler l'argent » aux limites des règles et des lois.
Comment la Finance établie pourrait-elle tolérer la franc-tireuse ? C'est le plus brillant des banquiers, celui que Marthe admire le plus, Horace Finaly, qui prend la tête de la coalition et abat la Banquière. »
Marthe Hanau qui aime le luxe, les palaces, les grands couturiers, les hommes, les femmes et la popularité sera condamnée par une justice corrompue à la botte de la politique et de la finance. Elle préfèrera mettre fin à ses jours quelques jours avant sa libération que de vivre déshonorée.
Ce livre est sorti en 1968. Ecrit dans un style mêlant le journalisme d'investigation et la littérature, je suppose qu'il visait une élite intellectuelle initiée au monde de la finance et de la politique. Il me semble que ce type d'ouvrage n'est plus dans l'air du temps ; l'histoire de Marthe Hanau est passionnante, l'ambiance du Paris des années folles bouillonnante, mais le texte mériterait peut-être d'être modernisé.
Merci à Babelio et aux éditions nouveau monde de m'avoir permis de découvrir cette femme de caractère.
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A peine descendue au Grand Hôtel elle entendit annoncer Cornuché de chez Maxim’s, animateur des célèbres galas du casino. Les couturiers créaient des modèles pour ces soirées dont le Figaro et le Gaulois publiaient des comptes rendus détaillés. Solennel, Cornuché déclara qu’il donnerait un dîner de têtes Gazette du Franc. C’était patriotique, affirma-t-il. Chacun viendrait avec une tête de monnaie. Le Dollar d’Or en perruque à la Washington voisinerait avec la Livre Sterling, endiamantée et coiffée à la reine Victoria, la Lire couronnée de lauriers romains, une pièce d’Amérique Latine, il ne savait encore laquelle, dans le style Inca. Et Astérix-le-Franc porterait casque, tresses et bouclier d’or.
Le docteur E... attribuait la volonté de puissance de Marthe Hanau, son attitude virile, dominatrice, son goût pour les femmes, sa tendresse pour des hommes brillants influençables, d'esprit fécond mais de volonté instable aux complexes de l'enfance. Son amour immodéré pour un père traité en inférieur, sa haine secrète pour une mère qui assumait le rôle de chef de famille avaient, selon lui , dévié le caractère de Marthe, l'avaient éloignée du modèle ordinaire proposé aux filles.
Elle fit venir Courville et Bertrand pour le gala. Elle y eut pour voisin un homme pour qui elle vouait la même admiration qu’à Platon ou Wagner, celle qu’elle réservait – quelle qu’en soit la nature – au génie : André Citroën. Elle lui dit ce qu’elle devait, plus tard écrire :
- Prendre à bail la Tour Eiffel, la frapper de son nom, faire scintiller les lettres Citroën à 250 mètres de hauteur dans la nuit, voilà le génie. Une idée simple, mais dont nul n’ose faire une réalité.
Vous réclamez des réformes? L'histoire ne vous a donc pas appris qu'on ne réforme pas l'édifice social sur lequel repose une société sans bouleverser les rapports économico-politiques? Le 6 février 1934, l'équipe au pouvoir ne donnait pas satisfaction aux grands intérêts économiques et financiers qui, dans la coulisse, tirent les ficelles des marionnettes du pouvoir.
Pour elle (Marthe Hanau) - et pour eux - la "démocratisation" de la spéculation financière, la Bourse à portée de presque tous, faisaient partie du progrès. Quarante ans plus tard cette même idéologie portera l'étiquette du Crédit, de l'accession à la Propriété Immobilière, de la Participation des Salariés aux Bénéfices.
HAN Suyin à propos de son livre "La moisson du phénix" et Madame Mao.
Interviewée par Georges SUFFERT,
HAN Suyin évoque ses rencontres avec Madame MAO. Georges SUFFERT lit un extrait du livre. Avec émotion, elle parle de CHOU En Lai et de son
amour pour la Chine. Courtes interventions de
Dominique DESANTI et
Clara MALRAUX.