Cette pièce a été éditée en 1758, c'est à dire un an après
le fils naturel, le premier drame de
Diderot. Les persécutions de la censure ont retardé la parution, incertaine jusqu'à la dernière minute. Elle connaîtra une création rapide en province, à Toulouse, avant d'être jouée dans d'autres villes. La
Comédie Française la donnera en 1761, il y aura sept représentations. Une reprise en 1769 sera un succès et elle restera au répertoire jusqu'en 1839, et connaîtra plusieurs traductions.
Nous sommes toujours dans un drame mélodramatique comme dans
le fils naturel, les deux pièces semblent relativement proches à un lecteur moderne.
Diderot pensait pourtant que les deux pièces appartenaient à des genres différents :
le fils naturel tire vers la tragédie, alors que le père de famille « prendra une teinte comique ». Il faut préciser que ce que
Diderot considère comme appartenant à la comédie, est un personnage de méchant homme, il s'agit donc de dépeindre des vices pour les donner en horreur, comme le revendiquait
Molière. le comique ne consiste pas dans des répliques ou péripéties amusantes, mais dans une satire, fort cruelle d'ailleurs. Et comme il se doit dans toute comédie, le méchant finira par perdre l'ascendant qu'il a pris sur la famille et partir.
Nous sommes dans une famille composée d'un père, de sa fille et de son fils. le frère de la défunte épouse du père de famille vit avec eux, il est riche, et il promet l'héritage aux enfants, s'ils se montrent sages et respectueux. La maisonnée est complétée par un jeune homme, Germeuil, fils d'un ami décédé du père de famille. Des intrigues amoureuses se nouent : Saint-Albin, le fils, est tombé amoureux d'une jeune fille pauvre et à l'origine obscure, Sophie. Il délaisse la demeure familiale, causant beaucoup d'inquiétude à son père. Cécile, la fille, est amoureuse de Germeuil, qui est aussi amoureux d'elle. Ils ne s'avouent par leur amour, persuadés que le mariage est impossible, en grande partie par les remarques aigres du beau-frère, qui déteste Germeuil. Il va aussi vouloir faire enfermer Sophie grâce à une lettre de cachet, lorsque l'intrigue amoureuse de Saint-Albin sera découverte. Mais la famille déjouera victorieusement toutes les embûches grâce à la noblesse des caractères de chacun. Et il va s'avérer que Sophie est une nièce du beau-frère, donc tout à fait respectable, même si pauvre, et donc épousable. le père de famille va accorder un double mariage, au grand dam du beau-frère, qui n'a plus qu'à plier bagage.
Cela est très daté, et l'intérêt de la pièce, comme pour
le fils naturel vient davantage du projet d'un nouveau théâtre qu'elle annonce, plus que dans la pièce elle-même. Un théoricien du théâtre n'est pas forcément un bon auteur dramatique, mais les écrits de
Diderot, ainsi que toutes les discussions qu'ils ont provoqués, ont été une étape de l'évolution de l'art de la scène.