Voici ce qui est écrit en quatrième de couverture, et pour une fois, c'est intelligent (trop rare pour ne pas le souligner) :
“Qui a dit que les gens ordinaires n'avaient pas d'histoire ? Dans ce roman graphique étonnant,
Nick Drnaso explore en profondeur et avec subtilité la psyché de la classe moyenne américaine en exposant son malaise profond et insidieux. Un malaise générateur de fantasmes malsains, sans doute lié au vide existentiel inhérent à cette Amérique des banlieues lisse et sans histoire, consumériste et désenchantée, voire désoeuvrée…”
C'est exactement ça, tout y est moyen, sans âme, artificiel. le style de graphisme est froid, schématique, couleurs pastels, trait raide, comme pour prendre une distance, à la manière de
Chris Ware (Mr Cardigan,
Rusty Brown), d'ailleurs ce dernier s'est empressé d'y reconnaître son disciple.
Je me suis trouvé devant ces petites histoires plus ou moins anodines, rassemblées en un tout, comme face à une oeuvre du mouvement minimaliste*, provoquant une impression d'ensemble oppressante. Dans le récit, les émotions sont nivelées par le bas, seule celle du lecteur est susceptible de surgir. Tout semble plat, les petites histoires de famille ou d'amitié quelconques cotoient le drame, sans hiérarchie, créant une ambiance glauque, presque angoissante, mettant le pire, c'est à dire l'agression, sexuelle ou crapuleuse, au même niveau de condamnation par le puritanisme ridicule de cette société, une relation homosexuelle entre deux adolescentes, la branlette du petit frère, une arnaque publicitaire, et ce qu'il en ressort, c'est le manque de relations, de culture, de créativité, d'invention de cet univers vide comme ses dialogues.
Beverly est une critique froide du désenchantement de cette culture sans âme, reliant le Pop Art au Minimalisme dans une oeuvre forte et radicale.
*Le mouvement minimaliste ne rejette absolument pas l'émotion, bien au contraire, rien à voir avec le Feng Shui.