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EAN : 9782070233762
392 pages
Gallimard (12/02/1981)
4.05/5   10 notes
Résumé :
L'héroïne de ce roman, fille d'un propriétaire rural, est mariée de force à un riche vieillard alors qu'elle était amoureuse d'un garçon de son âge. Devenue veuve et libre, elle pourra enfin rompre avec ses parents. Son histoire est celle de la révolte et de la colère d'un être pur contre une famille pleine de bassesse.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je poursuis "mes rangements et tris d'hiver"...ce qui induit quelques relectures plus ou moins réussies ! Ce qui est le cas pour ce roman d'un écrivain qui mériterait toutefois d'être redécouvert et lu plus abondamment.
Il faut juste faire abstraction d'un style tout à fait étonnant, ayant cependant vieilli !...on a souvent qualifié cet écrivain de "naturaliste"...Ce en quoi je suis partiellement d'accord ; Son style,ses descriptions,ses portraits,ses dialogues oscillent entre un réalisme très mordant et un romantisme exacerbé. ..
Ce roman met en scène une jeune femme ,Henriette, idéaliste, rêveuse, qui rêve d'un mariage d'amour...mais ses parents,êtres bassement matérialistes...et surtout sa mère, femme froide,régnant sur son coin de province par son salon et ses actions philantrophiques...tisse une véritable toile d'araignée autour de sa fille pour qu'elle épouse un notable,vieillard...peu "ragoûtant"..

Dans certaines descriptions du futur époux...il y a la noirceur, le ton grinçant d'un Octave Mirbeau...sans oublier la dent dure ,persiflante de Duranty envers les moeurs de province et l'hypocrisie de la "curetaille !!

En s'immergeant dans une langue désuète mais non dénuée de force ,de poésie ou de critique sociale féroce...il y a un grand intérêt à lire, relire ou découvrir cet écrivain du 19e, qui fût aussi un critique d'art influent à son époque...Dans mes réserves il me reste à lire un ouvrage dans une édition du début 20e : "La Cause du beau Guillaume"....
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Dans la préface du roman, Jean Paulhan nous apprends que Duranty appelait Gautier «Le gros forçat», Flaubert «Ce petit tarabiscoté», et disait des poètes : «Ils ont la langue plus lourde que de nature, elle remue de son propre poids.»
Le malheur d'Henriette Gérard a été publié une seconde fois par Gallimard en 1942, dans la collection blanche.
J'ai lu ce roman en 1981, lors de sa réédition dans la collection l'imaginaire Gallimard (on ne rendra jamais suffisamment gloire à cette collection). Ma libraire de l'époque, à Tours, une Américaine répondant au prénom sublime de Nancy, me le recommanda, le comparant à une Madame Bovary avant l'heure.
Je viens de le relire avec le même plaisir qu'à l'époque pour l'ajouter à ma liste de romans du XIXème siècle dans le cadre du challenge en cours.

A Villevieille, propriétaire du domaine les Basses-Tournelles, la famille Gérard est une famille heureuse et comblée. le père, Pierre «s'était placé à la tête de l'agriculture de l'endroit». La mère, Caroline, avait «la réputation de la femme la plus spirituelle du département. Elle avait pris l'initiative de la charité, de la philanthropie dans le pays (...)»
«On admirait le talent musical de mademoiselle Henriette Gérard, et on louait la modestie de son frère Aristide.»
Au bal, dont il est question dans les premières lignes du récit, Henriette va rencontrer «Emile Germain dont la physionomie laide, mais pleine de bonté et d'intelligence, sortait des types auxquels elle était habitué.»
L'histoire est connue et, sous des formes nouvelles, toujours d'actualité : «Henriette plut aussi au jeune homme, et ils se regardèrent assez souvent pour comprendre qu'il fallait finir par se parler.»
Badinage amoureux d'Henriette et Emile.
Lutte morale de Madame Gérard dévote de l'abbé Euphorbe Doulinet, qui ne parvient pas à détacher cette femme pieuse de son attachement coupable pour le président Charles Moreau de Neuville qui selon Henriette : « (...) ne paraissait jamais devant ses yeux sans qu'elle lui appliquât intérieurement la terrible épithète «l'amant de ma mère !»».
Une nouvelle venue à Villevieille, «(...) une madame veuve Baudouin, femme assez riche, originaire de la ville ;» va profiter de la jalousie de l'abbé Durieu «mortifié de ce que madame Gérard lui eût préféré le curé Doulinet, auquel il était supérieur par l'intelligence ;»
Les mécanismes de l'intrigue sont en place. Madame Gérard dépitée, dont l'audience à Villevieille s'effrite au profit de celle de Madame Baudouin, dont la liaison avec le Président Neuville n'est plus un secret pour personne - « Les dévotes faisaient alors à l'égalise des neuvaines pour l'âme de madame Gérard.» - ne peut accepter que sa fille ne passe point par les mêmes détours amoureux qu'elle-même. La jeune fille résiste :
On ne peut réussir à couler le moule où on voudrait jeter sa propre expérience, sa raison.
Ah ! dit le curé, oui, si on le pouvait !
Henriette, répliqua madame Gérard, est acerbe et a trop de prétentions !
Au quart du récit, le tableau se précise. Duranty nous a présenté la communauté de Villevieille, repliée sur elle-même, ses rentiers, ses propriétaires, ses élites, le curé et le juge, sa «guerre des vieillards contre les jeunes gens».
Cette guerre est à son paroxysme lorsque les rendez-vous clandestins d'Emile et d'Henriette, sont découverts. Madame Gérard met toute sa duplicité au service d'un objectif dont son mari ne veut pas se mêler, séparer définitivement Emile et Henriette. le frère de Pierre Gérard, l'oncle Corbie, qui a des vues sur sa nièce, le président Charles Moreau de Neuville, de même vont passer leur rancoeur à faire en sorte que madame Gérard y parvienne.
Puisqu'ils ne peuvent avoir Henriette, cet Emile, ne l'aura pas non plus. Caroline Gérard reçoit Emile venu faire sa demande en mariage et l'en détourne, puis elle fait une relation très partiale de son entrevue avec le jeune homme à sa fille Henriette.

«Elle avait vu entrer sa mère souriante, et elle s'était levée, emportée par un mouvement de joie, se disant : - Nous sommes mariés !
«je l'ai trouvé raisonnable, dit la mère, et n'attachant aucune importance à cette amourette.»
Quel coup reçut Henriette ! Sa figure s'altéra comme ravagée par une longue fièvre, et montra à madame Gérard que ses calculs étaient bons, car leur effet destructeur commençait déjà.»
La famille se met à la recherche d'un mari.
«Il fut convenu que Corbie irait chercher Mathéus le surlendemain. Il lui écrivit aussitôt, et le vieil homme parut à ses domestiques d'un entrain et d'un mouvement étranges la veille de sa visite aux Tournelles.»

Le piège se referme sur Henriette, sans qu'elle n'en voit le mécanisme. Elle épousera Mathéus. Et attendra Emile toute sa vie.

Déterminons maintenant, comme l'avait suggéré autrefois Nancy, s'il y a du Madame Bovary chez Henriette Gérard.
Je répondrai, non !

Autant Emma Bovary se laisse mener par des amants peu scrupuleux et se soumet à leur bon vouloir, avant d'abandonner, autant Henriette Gérard apparaît comme une femme libre, qui ne se soumet que par la contrainte, sans perdre la conscience de la nature de ses sentiments.

«Elle en avait fini, songeait-elle, avec toutes les trahisons, les bassesses et les innombrables convoitises qui la torturaient. Elle ne haïssait personne, maintenant ; une confusion de crépuscule s'abattait en sa pensée, et de tous les bruits de la terre Emma n'entendait plus que l'intermittente lamentation de ce pauvre coeur, douce et indistincte, comme le dernier écho d'une symphonie qui s'éloigne.»

«Henriette ne voulait point baisser la tête, et alors elle s'irritait de ne pouvoir se justifier mieux que par son amour pour Emile. Elle luttait moins parce qu'elle croyait avoir raison que parce qu'elle ne pouvait se résoudre à accorder raison à des personnes qu'elle n'estimait pas et à se soumettre à leur direction.»
«Nous ne pouvons savoir si votre sentence est bonne , dit-elle, donc rien n'est encore fini.»

Henriette, après avoir perdu ce qui lui était le plus cher, aura encore la force de se venger.

A lire si vous ne connaissez pas encore ce roman.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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On ne peut s'empêcher cette réflexion caricaturale en lisant ce livre « mais qu'elle est détestable cette petite bourgeoisie provinciale ! »
Emprisonnée dans une vaste demeure familiale, Henriette n'a d'autres relations que celles de ses parents, famille proche, amis, magistrat, curé, avocat… Fantasque et indépendante d'esprit dès son plus jeune âge, Henriette se défie très tôt de tout ce petit monde clos.
Aussi ses parents lui concèdent une petite ouverture au monde libre : un bal champêtre... Oh grave erreur des parents !

Henriette se jette au premier venu qui lui propose une danse, l'élu est un certain Emile, qui aura la romanesque habitude de poursuivre la relation par des visites clandestines chez elle en grimpant les murs de la prison entourant sa maison.
L'amour est peu convaincant entre ces deux jeunes âmes. C'est comme si le désespoir et la rareté des fréquentations étaient les seuls motifs de leur amour si brusque et déraisonné. Emile envisage le mariage dès la 2ème entrevue alors qu'il peine à balbutier timidement des mots de façon craintive et lâche. Henriette s'amourache d'Emile malgré toute médiocrité apparente car il lui suffit d'être jeune et d'avoir de la fougue.
Emile a cela de contradictoire qu'il est résolument borné et lâche à la fois, ce qu'il reconnait « il recommença le procès qu'il se faisait éternellement sur sa lâcheté, sa faiblesse et sa niaiserie » il avait bien conscience du gouffre qui les séparait, lui, petit employé d'une sous-préfecture, et elle, belle et riche fi-fille à marier. Mais sa nature bornée le fait poursuivre tête baissée son projet audacieux avec maladresse « en projets, le jeune homme était imprudent et audacieux, et lorsqu'il s'élançait pour les exécuter, c'était toujours les yeux fermés, afin d'être contraint à ne pas reculer, une fois engagé, et d'être engrené malgré lui ».
Après s'être abandonnés à l'idée folle et précoce d'un mariage, Emile tarde à se présenter officiellement aux parents d'Henriette, et, au moment même ou il aurait dû concentrer tout son courage, les quelques paroles désobligeantes et dédaigneuses de la mère d'Henriette le déstabilisent irrémédiablement.

A sa décharge, il faut dire qu'il aurait été très incertain, même avec une éloquence digne des meilleurs avocats, de convaincre les insensibles et sévères parents d'Henriette.
De la même manière qu'ils sont inflexibles avec leur voisin qui empiète légèrement sur leur propriété, ils le sont tout autant envers tout empiètement sur leur propre fille « Henriette est mon plus bel épi, on me doit un prix de première classe pour ce produit là » Hors de question de la céder au premier venu.

L'intrigue est simple, mais les détails la font originales.
Figurez-vous qu'en plus du tremblement de terre qu'a suscité la découverte de cette amourette par les parents, s'ajoute les autres personnages, tous aussi sordides, secs et manipulateurs entourants et nuisants sans relâche Henriette.

Vous avez l'oncle, difforme, gros, moche et vieux qui, fort des compliments hypocrites qu'on lui fait, s'imagine pouvoir aisément demander la main de sa nièce sans résistance. Bêtement frustré de l'évident refus, il en gardera une amère soif de vengeance.

Egalement le frère, sot et envieux de sa soeur en ce qu'elle attire trop l'attention et qui fera de son mieux pour l'accabler le plus possible.

Le riche rentier, tout aussi vieux et moche que l'oncle, prêt à toutes les folies pour passer ses derniers jours avec Henriette.

Le président du tribunal local, amant de la mère d'Henriette et convive régulier de la maison. Il attire les suspicions et la jalousie de la mère qui craint qu'il ne détourne ses yeux pour sa fille.

Le curé, qui, d'une façon absolument infecte, détourne toute la pureté des principes religieux pour emplâtrer l'esprit d'Henriette et l'engager contre son gré à un mariage honteux dont la seule physionomie des mariés suffit à comprendre qu'il n'a rien de sincère.

Chaque personne tire un intérêt à ce mariage avec le riche et vieux rentier, que ce soit la famille ou l'entourage propre, sauf bien sûr Henriette elle-même qui le rejette de toute ses forces mais finira, par lassitude, à accepter ce qui lui était inconcevable.
Ce sont ainsi d'interminables tortures mentales que subies Henriette, enfermée, n'ayant aucune issue possible à ce cauchemar. Plus elle résiste, plus les harcèlements de toutes parts seront nombreux et efficaces.
Nous pourrions, lecteurs, être jurés en cour d'assises et acquitter sans hésiter plusieurs homicides en série qu'aurait commis Henriette à toute sa famille tant l'ensemble est éprouvant et écoeurement à la fois. C'est vous dire la force qu'à ce récit, le talent qu'à l'auteur, de tisser patiemment tous ces détails successifs, créant ainsi une toile d'araignée d'une grande envergure ne laissant aucun espoir à Henriette.

La mère d'Henriette particulièrement, dont la sécheresse d'esprit ne l'empêche pas d'être subtilement manipulatrice, profère les paroles les plus abjectes,
d'abord de séduction :
« Quelle magnifique existence tu auras avec un mari qui sera à tes ordres, trop heureux de te baiser le bout des doits. Tu ne resteras certainement pas longtemps liée à ce vieillard. La liberté viendra bientôt »

Puis de culpabilité :
« Je t'ai nourrie et élevée ; je me suis assez dévouée, assez fatiguée pour toi quand tu étais enfant (…) Il est temps de savoir si tu en as quelque reconnaissance et si tu veux me la témoigner »

De sincérité (les parents profitant indirectement du mariage par divers avantages indirects de la fortune et des terres du rentier)
« Malgré mes efforts et ceux de votre père, notre fortune n'est pas en rapport avec les nécessités de notre position dans notre pays »

Avant de tirer grossièrement au boulet de canon, car la petite est tenace ! Cette fois-ci par le père :
« Enfin, voulez-vous, oui ou non, nous obéir ? »
Quand la malheureuse répond « on n'admet donc pas, que moi, je puisse être blessée et déchirée ? »
« Non, dit fortement sa mère, on n'admet pas que vous érigiez vos chimères en évènements importants, et je vous le répète, j'en appelle une dernière fois à votre bon sens et à votre bon naturel : car ce serait vraiment une cruelle punition de Dieu de m'avoir donné une enfant aussi insensible et aussi égoïste que vous le paraissez »

Quand le curé même s'y mêle « Mademoiselle, eh bien ! le chagrin de vos parents ne vous touche pas ? Une personne accomplie ne devrait semer que la concorde et le bonheur autour d'elle. »

Ou encore la voisine ! … On admet n'importe qui quand il s'agit juste de multiplier les attaques répétitives, cette sotte voisine qui feint la gentillesse et la compassion dans son approche et instrumentalisant honteusement également la foi religieuse « Avec votre éducation, on devrait s'attendre à de bons sentiments de votre part ! Vous n'avez donc pas la crainte de Dieu ? le respect des parents est la première vertu d'une jeune fille »

C'est un roman très vigoureux par tous ces caractères nets et accentués, parfaitement dessinés avec une action nouée simplement.
L'auteur n'adoucit rien, il est dur, brutal, n'accepte que rarement les choses délicates et caressantes, il s'acharne frénétiquement à la pioche auprès de ses personnages.
Mais quand nous prend l'envie de bruler le village entier en lisant l'accumulation des malheurs d'Henriette, c'est que l'auteur a parfaitement frappé notre imagination par sa créativité jusqu'au-boutiste. C'est, pour cela seul, une belle réussite.
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Albert Thibaudet a écrit : « C'est un des romans de la vie de province les plus pénétrants qu'on ait écrits depuis Balzac, mais dans la note de Stendhal plutôt que dans celle De Balzac, et tout à fait à l'opposé de la note épique de Flaubert. » Les spécialistes ajoutent que Duranty, qui aurait été le fils naturel de Mérimée, est le représentant le plus authentique du mouvement réaliste qui précéda le naturalisme de Zola.

Quoi qu'il en soit, j'ai aimé ce roman « réaliste », paru en 1860. Davantage, sans doute, que les monuments de Flaubert, le chef de file incontesté du mouvement. J'y ai trouvé, malgré ce que des exégètes ont considéré comme une certaine sécheresse de composition, une causticité qui, mine de rien, se révèle impitoyable.

Quand le malheur frappe-t-il Henriette ? Aussitôt qu'elle s'éprend d'Emile Germain, un garçon sensible mais timide et faible. Car la famille, sous la houlette d'une mère impérieuse, a des ambitions pour la fille, de sorte qu'un complot est ourdi de maîtresse façon pour séparer les amoureux : Emile, désargenté, n'est décidément pas un bon parti. Malgré la résistance d'Henriette, qui n'est pas dupe et ne manque pas, elle non plus, de caractère, la famille prend le dessus. Un vieux beau a été déniché ; il s'appelle Mathéus. Contrairement à Emile, cette momie fardée est pleine aux as. Proche du gâtisme, Mathéus devient fou d'Henriette, qui lui oppose son mépris et son dégoût. Mais, de fil en aiguille, Henriette est amenée à céder, d'autant que les stratagèmes parentaux ont créé un irréparable malentendu : Emile, se croyant délaissé, ira jusqu'au bout du désespoir. Henriette apprendra trop tard qu'elle a été jouée, qu'Emile lui était resté fidèle. Elle s'en vengera sur Mathéus, qu'elle a fini par épouser, mais aussi en terminant ses jours dans l'opulence, après avoir contracté un nouveau mariage.
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En bon disciple de Champfleury, Duranty nous propose avec le Malheur d'Henriette Gérard (1860) un roman de la vie de province, tout à fait exemplaire du réalisme tel que le défendent ses chantres plus célèbres, Balzac ou Stendhal.

Sans fioriture et sans ambages, l'auteur y relate le combat quotidien d'une jeune femme, Henriette contrainte par sa famille d'éconduire l'homme qu'elle aime pour épouser un vieillard.

Une intrigue somme toute simple simple, à l'opposé de l'analyse psychologique clinique au vitriol qu'elle propose d'un milieu social mesquin et ignominieux :  la bourgeoisie des petits propriétaires terriens. Un récit incisif qui salue la force de caractère et la persévérance du personnage féminin, seule (honnête) contre tous. Et déroule une galerie de portraits aussi improbable que délectable. Un classique méconnu à redécouvrir.
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Citations et extraits (97) Voir plus Ajouter une citation
A une demi-lieue de Villevieille, chef lieu d'arrondissement , se trouve une jolie propriété qu'on appelle les Basses-Tournelles.
La maison d'habitation est gaie, le parc assez grand. Les terres qui en dépendent, très fertiles, produisent un revenu d'environ quinze mille francs.
Cette maison gaie, entourée de gazons et de jeunes bois, a renfermé une famille dont les troubles intérieurs et les catastrophes ont beaucoup préoccupé le pays, d'autant plus qu'elle avait d'abord parue fort unie, et que, sous des apparences presque patriarcales, la malignité provinciale eut quelque peine à démêmer les plaies et les désordres.
Le père, M. Pierre Gérard, s'était placé à la tête de l'agriculture de l'endroit, et les gens qui considéraient le propriétaire important, l'éleveur de beaux boeufs, ne s'inquiétaient pas de la largeur de son sens moral, et n'analysaient point sa physionomie rusée, matérielle et un peu basse.
La mère, femme de quarante-eux ans à peu près, dure et froide de visage, représentait, pour la société de province, un type de distinction parisienne. On accordait à Madame Gérard la réputation de la femme la plus spirituelle du département. Elle avait pris l'initiative de la charité, de la philanthropie, dans le pays, où quelques établissements de bienfaisance se fondèrent par ses soins.
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Quoi qu’il en soit, elle ne se doutait pas, ce jour-là, que ce bal, où elle ne voulait point se laisser conduire, allait avoir une grande influence sur sa destinée.
En effet, ce fut là qu’Henriette fit la rencontre d’un jeune homme nommé Émile Germain, dont la physionomie laide, mais pleine de bonté et d’esprit, sortait des types auxquels elle était habituée. (...)
Henriette plut aussi au jeune homme, et ils se regardèrent assez souvent pour comprendre qu’il fallait finir par se parler. Émile vint inviter la jeune fille à danser, et, sans se rendre bien compte de ce qui se passait entre eux, le sourire dont on l’accueillit lui sembla un soleil auprès des sourires des autres jeunes filles. Henriette ne pouvait croire qu’un bal fût si lumineux et si gai.

Chapitre I
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Le 14, la maison fut remplie par les marchands qui apportaient les dernières étoffes et lingeries du trousseau. Henriette les entendait entrer et sortir. On mettait tout dans la chambre de madame Gérard, où la cuisinière et deux ou trois paysannes eurent la permission de monter pour admirer. Madame Baudouin arrangeait sur des tables linge, robes, dentelles ; madame Gérard disposait de son côté les magnificences de la corbeille, riche en bijoux, en fourrures et en autres dentelles, ainsi qu’en châles de l’Inde et de la Chine. Le blanc de la soie, le blanc du linge, le blanc des dentelles, s’étalaient en grands plis et en grandes masses, drapés avec une sorte de négligence qu’on aurait pu dire inspirée par la quantité ; le rouge, le bleu, le noir, le lilas, le vert, des châles et des robes, les chamarrages fous des Chinois, ressortaient luisants, vigoureux, et égratignaient la vue. Le fauve sombre ou clair des fourrures ressemblait à des bordures de cadre en bois doré ou en bois noir auprès des peintures vigoureuses simulées par les étoffes. Du milieu de ces draperies jaillissaient comme des fusées les colliers, les bracelets, les boucles d’oreilles, les flacons.

Chapitre XVI
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Chaque jour le raisonnement, le sentiment de son intelligence, les violences de la lutte, rendaient plus irréparable la séparation qui s’agrandissait entre elle et sa famille. L’affection et la soumission étaient des sentiments déracinés dans son cœur. Sa volonté se formait peu à peu au milieu du trouble et de l’incertitude, car elle se disait qu’elle était seule, et que seule elle devait trouver dans sa poitrine le courage, la décision et la justice. Mais elle souffrait, dans cette espèce de croissance qui s’accomplissait à travers des difficultés, des contacts douloureux. Comme une plante qui perce la terre en écartant les pierres, les broussailles, en contournant les obstacles insurmontables, sa volonté avait à écarter les hasards, les volontés adverses, les embûches, les scrupules, les terreurs.

Chapitre XI
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(...) Mathéus avait été élégant, joli garçon, mondain, et sinon débauché, du moins dissipé. Il en portait la peine dans ses vieilles années. C'était un grand "vieillard" que des soins extraordinaires, une sorte d'embaumement persévérant, maintenaient dans un aspect à première vue satisfaisant, mais qui ensuite devenait insupportable. Mathéus s'ennuyait de la solitude. Vainement il avait déployé beaucoup d'amabilité et de galanterie auprès des femmes, dont il aimait au moins toujours le souvenir. Personne ne pouvait résister à la contemplation prolongée de cette "chose", qui semblait prête à craquer et à s'écrouler à tous moments. Vivre avec cet homme et le voir souvent donnait le vertige : on s'attendait à ce qu'il tombât tout à coup en ruine.
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