AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 333 notes
5
23 avis
4
27 avis
3
5 avis
2
0 avis
1
2 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un axiome est tenu pour évident et repose sur une vérité manifeste…

Après avoir lu Océanique, je me devais de lire un deuxième recueil de nouvelles de Greg Egan. Contrairement à l'idée reçue, il n'est pas nécessaire d'avoir une agrégation de mathématiques ou de sciences physiques pour appréhender et apprécier cet écrivain d'Hard-SF australien.

Les dix-huit nouvelles qui composent le recueil Axiomatique de l'auteur, sortent des sentiers battus par leur originalité dans les thèmes abordés comme par leur conclusion déroutante voire franchement déboussolante. de l'apparition fréquente de trou de ver sur Terre à la découverte d'une chimère à faire pâlir le Dr Moreau, de la réincarnation à répétition façon jour de la marmotte à la possibilité d'acheter un kit sur internet pour un homme qui voudrait porter son propre enfant ( il a fait son bébé tout seul ) , Greg Egan nous entraîne loin, très loin dans son univers qui laisse libre court à l'imagination avec un grand « i ». Comme dans la série TV the Twilight Zone où les histoires, comme le disait son créateur Rod Serling, avaient pour but de frapper le téléspectateur, de le choquer par la chute toujours inattendue, surprenante et singulière ; Axiomatique nous secoue et nous renvoie sans ménagement dans nos dix-huit mètres cartésiens.

Mais la prose de Greg Egan peut paraître ardue au commun des lecteurs que vous êtes. C'est le deuxième obstacle qu'il vous faudra absolument surmonter pour aborder un auteur qui se veut exigeant. Deux traducteurs plus un superviseur ont été nécessaire pour venir à bout de l'australien et le résultat n'est pas toujours au rendez-vous. Son style reste fortement aseptisé et ses personnages manquent un peu de vie pour qu'on puisse réellement s'y attacher. Ils ne sont là que pour être les faire valoir des idées et des réflexions de l'écrivain. Bref vous l'avez compris sa lecture n'est pas facile mais avec de la persévérance et de la patience, son langage finit par couler de source et à partir de la cinquième nouvelle vous devriez retrouver votre rythme de croisière habituel.

Pour Albert Einstein, la distinction entre passé, présent et futur ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit-elle. En effet pour lui, passé et futur coexistent sans s'écouler et le libre-arbitre n'existe pas dans un futur déjà écrit. Comme Proust à la recherche de son temps perdu, ou comme Kurt Vonnegut et son héros Billy Pilgrim à sa temporalité déréglée, Greg Egan cherche à échapper au sentiment de fatalité qui nous pousserait à refuser de monter dans un avion toujours susceptible de s'écraser une fois en l'air. Quand le futur est déjà connu que reste-il de notre libre-arbitre ? le déterminisme est-il ce fou dangereux dans un bunker imprenable ? Et comme l'affirme Kant : « Plus nous connaissons, moins nous sommes libres. »

On peut reprocher à Greg Egan d'être froid et distant, d'être plus proche de la réflexion mathémato- philosophique que de la douce chaleur humaine qu'il devrait inculquer à ses personnages. Et pourtant au détour d'une nouvelle, on prend plaisir à découvrir un grand auteur exigeant mais tellement envoutant. Et si L'exigence était nécessaire pour découvrir de beaux textes ? Avec cet auteur, il y a ceux qui l'adorent et les autres…

« Je regarde vers le haut, une seule fois, vers le ciel vide et stupide, et je refuse de réceptionner le flot de souvenirs liés dans ma mémoire à ce même bleu incroyable. Tout cela est fini, envolé. Pas de réminiscences proustiennes pour moi, ni de va-et-vient temporels à la Billy Pilgrim. Je n'ai pas besoin de chercher refuge dans le passé : je vais vivre dans le futur, je vais survivre. »
Commenter  J’apprécie          6843
C'est un recueil de nouvelles remarquables ; c'est aussi un recueil de textes de science-fiction de qualités et c'est aussi , de la SF au sens strict du terme.
Car voilà un recueil basé sur les sciences dures et les sciences sociales misent en fiction. Chaque texte expose des projections futuristes crédibles et chargées de sens en se situant sur différents paliers de champs de réflexion , tel que l'éthique , la gestion du risque , la guerre , la criminalité , les sentiments, l'espèce humaine et le caractère potentiellement largement virtuel de la réalité et du cadre de vie de chacun.
Le style affiche un coté économe et clinique alors que les personnages sont fonctionnels, minimaux et éloquents . Je trouve que ces personnages dans leur construction ont un rien de ceux de Françoise Sagan qui construisait aussi des personnages minimalistes avec une présence forte et remarquable.
L'auteur déroule à chaque nouvelle une extrapolation d'évolutions scientifiques selon une approche variée et scénarisées sur un mode littéraire dans ces nouvelles solides qui ne sont pas des cadres narratifs prétextes. Ce qui rend ces textes attractifs à mon humble avis ,c'est la globalité très élaborée de la démarche de mise en fiction de ces projections scientifiques . Il y a pour chaque projection futuriste des réflexions par exemple : psychologiques , économiques et sociales et donc pas seulement le déploiement une base scientifique hors sciences humaines.
Je dirais que le style de l'auteur est ici encore vert. je veux dire vigoureux et élancé. Il est alimenté par une démarche qui s'appuie sur de la conviction, sur une compétence scientifique indéniable ,sur une réflexion profonde et réfléchie.
J'ai trouvé à la lecture de ces textes que l'auteur y avais le souci de communiquer ses réflexions personnelles sur des problématiques choisies avec un élan d'éloquence didactique qui ne s'assoie pas néanmoins sur la complexité structurelle de ces thématiques. La réflexion et son déploiement narratif ne sont pas édulcorés. Ces caractéristiques rendent ce recueil un peu difficile.
Les amateurs de hard science risquent d'apprécier fortement ces pages complexes alors que les autres non .Alors je leur conseil de butiner ce recueil avec Radieux du même auteur ( qui est plus facile d'accès je trouve). L'auteur fait partie du gratin de la hard science en science-fiction.
Commenter  J’apprécie          584
Le temps est venu de laisser pianoter mes doigts sur le clavier, "ici" aussi librement que possible, mon esprit par ailleurs à la recherche de cet ancien ami eût-il été "virtuel". Lui, si ma mémoire est bonne, était lecteur aguerri de Science-fiction. Je sais bien que pendant des années il avait laissé sur son profil une petite inscription : "je suis parti" gentiment pour ne pas nous inquiéter, envie d'évasion et peut-être d'écriture plus que de lecture. Hier, je viens de prendre conscience de sa disparition complète de notre Babeliosphère, sans doute une de ses pérégrinations forestières l'a-t-elle trop approché d'un autre attracteur au point de se laisser happer, à moins que couper ce dernier lien ait été pour lui le seul moyen d'atteindre la Liberté ?


Dans un autre univers, un autre Krout ne mentionne pas Walktapus, dans un autre une autre version de moi-même chemine avec un autre lui, dans un autre encore une de ses versons aura converti la mienne au challenge de l'écriture rapide d'un bouquin. Je ne peux que supputer, car à vrai dire je n'ai aucune possibilité de contact avec mes multiples Krout disséminés dans des univers parallèles. Bien sûr j'ai parfois l'impression de familiarité dans un environnement qui m'est parfaitement inconnu ou une situation que j'ai l'impression d'avoir exactement déjà vécue. Je n'ai jamais su élucider si ces effets provenaient d'un saut temporel ou dimensionnel, peut-être après tout s'agit-il simplement d'un saut quantique modifiant temporairement mon état ? Je confesse avoir longtemps considéré que ces univers parallèles ne pouvaient être compatibles qu'à partir d'univers plans bi-dimensionnels laissant ainsi la troisième dimension libre à une infinité d'univers parallèles.


L'emploi abusif de parallèle au lieu de concomitant a suffi pour égarer un esprit trop rationnel manquant de créativité pour imaginer des infinis multidimensionnels. En fait, l'univers est sphérique ou hémisphérique ou peut-être ovoïde (après tout la semaine pascale s'achève). Bref une infinité d'univers concomitants peuvent exister et pourraient même se regrouper en une multitude de corps célestes, à l'image des cellules composant mon corps et celles composant le vôtre ou celui de Walktapus et ce pour chaque version de nous-même dans une multitude des dits univers parallèles, dans chacun avec une vie similaire à quelques détails près fruits du hasard des conditions initiales imparfaitement identiques. J'ose imaginer que dans l'un de ces multiples univers le Krout qui l'habite pratiquait, pratique, pratiquera l'écriture cursive et de multiples auto-corrections pour un billet mieux abouti, comme moi-même je l'avais fait pour ma première chronique sur le Chardonneret de Donna Tart. Mais c'était quelques années avant mon basculement.


Par quelle faille temporelle s'est glissé cet ancien recueil d'anciennes nouvelles pour me tomber dans les mains, celles-là mêmes dont les doigts continuent à pianoter, avec la complicité de l'avant-dernière masse critique. Avant-dernière ? décalage temporel d'un lecteur lent pour ingurgiter pas moins de dix-huits nouvelles. Est-il possible que dans un autre univers, un autre Krout l'ai reçu dès sa sortie, et si oui quelles sont les inévitables petites différences dans l'écriture des différents Greg Egan ? C'est un mystère qui ne m'empêchera pas de remercier Babelio et les éditions le Bélial. En fait oui, j'ai manqué d'oublier. Il doit être temps de faire réviser, voire remplacer le cristal qui remplace mon cerveau depuis mon basculement, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'obsolescence programmée bien qu'à aucun moment l'auteur n'aborde cette question.


Chères et chers Babélionautes, à vous voyageurs imprudents, à mes amis soudainement transformés par un changement de programme en abonnés, à mes abonnés absents, à toi aussi Walktapus qui l'a sans doute lu, je confierai le plaisir d'avoir été convié à ce banquet de nouvelles fantastiques. Ce recueil de nouvelles est un menu gastronomique, plein de saveurs et d'émotions diverses, à déguster avec émerveillement bouchée après bouchée, nous plongeant dans tant d'univers saisissants. Jamais totalement rassasié, un plaisir de découvertes, j'aime ce goût de trop peu, cette invite à le combler par sa propre imagination. Aussi le twist final de ce billet décousu est-il peut-être de vous avoir fait approcher autrement les "Orbites instables dans la sphère des illusions et L'assassin infini", respectivement dernière et première nouvelle de ce recueil. Fantastique quoi !
Commenter  J’apprécie          205
Greg Egan est un auteur moderne de science-fiction que j'aime particulièrement suivre. Ses récits sont de la « hard science » pas très reposante, mais qui résonne bien avec mon propre environnement informatique et scientifique.

Dans ce recueil de nouvelles, il pose principalement les questions de la conscience et de l'identité. Avec l'ajout d'un élément perturbateur – il est possible de cloner une personne pour la faire vivre dans un monde virtuel ; il est possible de stocker à l'avance une copie d'un cerveau au cas où il arrive malheur au premier ; des cocktails chimiques permettent d'éprouver un sentiment aigu de justice, ou au contraire un mépris total de la vie – Egan repousse à chaque fois les limites du « moi » : si je ne suis pas unique, ni mes sentiments peuvent être provoqués et mes choix prédits, si ma vie peut être rejouée à l'infini, à l'identique ou avec des légères variantes, qu'est-ce qu'il reste vraiment de ce « moi », et le concept a-t-il encore vraiment un sens ?

Les nouvelles sont suffisamment exotiques pour laisser voguer son imagination, mais certaines laissent un léger sentiment d'angoisse, car les technologies décrites ne paraissent pas si éloignées de nos possibilités actuelles. Après tout, avec les technologies comme le DeepFake, voir agir un clone avec notre voix et nos mimiques ne semble pas si impossible que cela. Il est temps de se persuader qu'on est bien l'original – et que nos proches ne nous préféreront pas une copie plus conciliante.
Commenter  J’apprécie          160
Paru neuf ans avant celui publié par les éditions le Bélial' (18 récits qui datent en V.O. de 1989 à 1995, plus une bibliographie signée Alain Sprauel), le présent recueil regroupe donc quatre nouvelles, dont celle qui donne leur titre aux deux bouquins (il y a de quoi confondre). le livre qui nous intéresse ici a été publié en 1997 chez DLM Éditions, aujourd'hui disparues. Toutes les traductions sont signées Sylvie Denis & Francis Valery.

Né en 1961 à Perth en Australie, Greg Egan fait partie de ces écrivains qui cultivent le mystère sur leur vie. A tel point que certains doutent même de son existence réelle. Révélé par les DLM Éditions, d'aucuns le considèrent comme l'un des principaux artisans du renouveau qu'a connu la Science-Fiction à la fin des années 90. On lui doit, entre autres, La Cité des Permutants et Isolation.

Pour conclure, je dirai que cette mise en bouche de quatre nouvelles est une excellente manière d'entrer dans l'univers riche de Greg Egan. L'auteur australien fait preuve d'une grande variété dans les thématiques qu'il aborde, mais adopte une rigueur bienvenue dans sa manière de le faire. Pas moralisateur, l'écrivain parie sur l'intelligence de son lecteur. C'est trop rare pour ne pas être souligné

Pour une chronique plus complète, suivez ce lien :
Lien : http://les-murmures.blogspot..
Commenter  J’apprécie          140
Lecture :

Ce livre comporte une vingtaine de nouvelles assez longues. En environ 25 pages chacune, elles traitent de sujets assez différents. Elles relèvent pour la plupart de la "hard-science" : univers parallèles et physique quantique, duplication de l'être et définition de l'âme, eugénisme et être parfait, guerre biologique et expériences médicales. L'atmosphère générale est assez sombre mais jamais désespérée.

Avis

L'auteur place ses pions dans un univers peu différent du nôtre. Ils ont des vies normales, des sentiments et des préoccupations qui rejoignent notre quotidien. Mais à chaque fois, un élément du contexte est totalement différent de notre réalité actuelle. Que ce soient des implants cérébraux programmant les convictions ou des trous noirs se baladant au centre ville, ces originalités sont toujours amenés avec efficacité et naturel, elles s'intègrent avec force dans le monde.

Cette science-fiction, outre ses bases scientifiques théoriques solides, s'appuie sur l'homme. L'étrangeté technologique n'est là que pour exacerber les questionnements d'hommes à la recherche d'un avenir, d'un secours à leurs peines, d'un rôle dans lequel se transcender. Ils pourraient très bien être vous ou moi. Ce sont juste d'autres êtres humains décalés dans un ailleurs proche.

C'est tout l'art de Greg Egan de savoir imbriquer son imaginaire naturellement et en douceur dans notre réalité.

Le style de l'auteur est assez complexe. Il construit réellement son discours sans jamais tomber dans une justification inutile ou à rallonge. Il apparie les éléments qui composent cette réalité. Ces nouvelles étant avant tout humaines, il arrive à brosser une galerie de portraits très convaincants. Même un personnage à géométrie variable en quête de son identité acquière une réelle épaisseur.

Les phrases sont très structurées et agencées. Parfois un peu complexes, elles amènent doucement le lecteur là où l'auteur le guide. Sans jamais achopper, sans brusquerie ni coup d'éclat (ce n'est pas du tout du space opera), elles tracent une route fluide et accueillante mais bien plus tortueuse qu'il n'y paraît.

Certaines des nouvelles présentes sont plus légères ou plus "faibles", la première notamment. Mais elles se répondent souvent en écho en partageant un élément fondateur. l'ensemble reste très cohérent. Bien qu'indépendantes, elles forment un univers crédible, une Australie d'un siècle prochain où rien n'a fondamentalement changé, surtout pas l'Homme.



J'ai beaucoup aimé ce livre parce que , plusieurs des nouvelles ,une fois terminées, continuent à vivre. Les questions posées trouvent leur écho. L'identité, l'humanité, la persistance du soi, continuent de courir le dernier paragraphe lu. C'est aussi pourquoi j'ai pris mon temps pour lire ce livre. J'ai du bien digérer entre chaque tranche de ce livre copieux. Il faut prendre soin de bien mastiquer. La hâte pourrait mener à l'indigestion.

Pourquoi pas un coup de coeur alors? Parce que je trouve quand même qu'il manque une dynamique et un élan qui auraient parfait le livre.

Conclusion:

Une vraie science-fiction de qualité, intelligente et profonde, une écriture solide et construite qui prend le temps de questionner, des regards qui posent une réflexion, j'ai beaucoup aimé ce livre.

ma note :16 /20
Lien : http://www.atelierdantec.com..
Commenter  J’apprécie          110
On compare parfois Greg Egan à Ken Liu parce qu'ils font de la SF, ce qui est absurde selon moi car cela reviendrait à comparer Hugo et Zola parce qu'ils font de la littérature du XIXe. Liu est à fond dans les rapports humains, Egan dans les concepts abstraits et mindfucks. Ce qui lui vaut du coup d'être considéré comme un auteur minéral, glacé, aux personnages sans âme, au style froid et inexistant et aux écrits incompréhensibles au commun des mortels. Je pensais donc tenter ce recueil en toute connaissance de cause, ne sachant pas si j'allais continuer jusqu'au bout. Mais force m'est de constater une chose, c'est que la réputation, c'est comme les slips, les enfants : ce qu'on vous colle aux fesses n'est pas forcément ce qui vous reflète le mieux.

L'Assassin infini

On pouvait malgré tout légitimement se poser des grosses questions avec cette première nouvelle qui vous retourne le cerveau avec tout un tas de possibilités mathématiques sur les probabilités qui découleraient d'un nombre infini d'univers parallèles. Pourtant, disons-le, en-dehors du fait qu'une partie du jargon peut s'avérer obscure pour le néophyte, en faisant l'effort d'interpréter les quelques termes qu'on comprend mal, on se rend compte qu'on saisit la plupart des idées qu'il développe. Pour ma part, j'ai souvent songé à écrire moi aussi sur les conséquences de ce genre de machins. En gros, toute l'idée est là : où que vous alliez, qui que vous soyez, autant de fois vous pourrez buter le méchant, il y aura toujours une infinité d'univers où vous ne l'aurez pas fait. (Et aussi où vous l'aurez fait ! Ça fera juste un infini deux fois plus petit, mais ça reste infini : si vous comptez jusqu'à l'infini de 2 en 2 ou de 5 en 5, dans de 5 en 5 y'aura moins de nombres, mais ce sera toujours l'infini. Vous suivez ?)
D'entrée, on sent que l'auteur a bel et bien un style ; et outre l'aspect purement science-fictif, il se débrouille parfaitement bien dans le hard-boiled ! La plume est sèche, rapide, effrénée, l'idéal qui sied pour un texte alliant noir et action.
Je ressens néanmoins une légère déception sur un point, car si le côté matheux est traité avec réalisme, celui de comment accéder aux univers parallèles me semble hautement hasardeux. En gros, vous vous camez à tel machin, et tout ce qui se trouve autour de vous s'en va vadrouiller dans le Multivers. Sans plus d'explication sur le pourquoi du comment ; reste que ça fait des scènes sympas façon Spider-Man into the Spiderverse.

Lumière des évènements

Nous pouvons voir le futur de nos vies, ce qui signifie que celui-ci est entièrement déterminé. Mais c'est une catastrophe : le libre-arbitre n'existe donc pas ! « Et alors ? nous dit notre héros. C'est pas la fin du monde ! » Simplement le futur à venir est-il vraiment celui qui va se produire… ou celui que ses habitants veulent nous montrer ?
C'est un excellent texte, triste ou glaçant selon votre humeur, apportant un regard très pessimiste sur la liberté de l'Homme, voire sa nature profonde. Egan évite avec justesse tout manichéisme et dresse en quelques coups de pinceau des phénomènes politiques, astrophysiques ou sociaux tout en leur conférant un véritable réalisme. Ce n'est certes pas ce qu'il y a de plus joyeux, mais ça n'en est pas moins passionnant.

Eugène

Des millionnaires veulent un enfant, c'est alors qu'on leur propose de leur créer l'enfant parfait. Un très bon texte encore une fois, où l'auteur nous expose non sans humour toute sa misanthropie, avec une fin dont la portée philosophique nous amène à réfléchir sur notre imperfection. On regrettera en revanche que pour ce faire l'auteur s'écarte de la hard-SF pour y livrer ce qui ressemble bien plus à une incursion dans le fantastique.

La Caresse

Un flic « augmenté » enquête sur la mort d'une savante folle qui avait créé en cachette une femme à tête de léopard. Je croyais que je n'aimerais pas cette nouvelle longue (80 pages, en plus !), mais finalement on se prend vite au jeu… même si l'histoire prend un tournant qu'on n'attendait pas forcément, avec certes un antagoniste surprenant, mais venant gaspiller le potentiel d'un roman d'enquête en cessant de traiter certaines thématiques esquissées, notamment sur la flicaille du futur. Egan n'en profite pas moins pour nous livrer sa culture sur l'art avec des théories solides et donnant envie de s'y essayer (ahum… certaines plus que d'autres).

Soeurs de sang

Paula et Karen sont soeurs jumelles, mais toutes deux sont atteintes d'une leucémie à cause d'un virus déréglant leurs gènes, fruit d'une expérience de laboratoire qui a mal tourné. Passées quelques explications en médecine, Egan lance un pied-de-nez à ceux qui l'accusent d'être trop froid et se focalise exclusivement sur les relations humaines avec une finesse dans la psychologie de son héroïne, non sans lancer au passage quelques piques sanglantes sur notre société.

Axiomatique

Mark veut se venger du meurtrier de sa femme. Mais c'est un homme faible et hésitant, qui décide donc de s'implanter un axiomatique histoire de modifier son comportement. le genre de petites saloperies qui vous pondent des micromachines dans le cerveau pour vous faire croire par exemple que vous êtes invincible. Problème : ça marche trop bien.
Cette nouvelle reprend les qualités de la précédente, mais de manière un peu plus hasardeuse : certaines blagues cyniques sonnent trop caricaturales pour qu'on y croie vraiment (celles sur les jeunes qu'on n'oserait plus faire depuis les années 80), mais Egan évite encore une fois le pathos pour nous donner une psychologie solide et dont les modifications sont traitées avec réalisme, à défaut d'un modèle sociétal qui ait les mêmes faveurs (franchement je vois mal comment justifier la vente d'un objet susceptible de transformer les gens en machines à tuer… Ça ferait des clients en moins !).

Le Coffre-fort

Un homme se réveille chaque matin dans le corps d'une nouvelle personne. Toujours dans la même ville, souvent dans les mêmes quartiers, et toujours des personnes nées en novembre ou en octobre 1953. Pourquoi ?
Un texte qui s'éloigne de la hard-SF encore plus que le précédent mais garde une explication scientifique plausible. Encore une fois, très bien ficelé, l'histoire est une tranche de vie tout en gardant notre attention et parvient à trouver une conclusion du coup forcément ouverte mais très satisfaisante.

Le Point de vue du plafond

Un producteur se fait tirer dessus ; quand il se réveille, tout ce qu'il voit est perçu du plafond. Un texte aux bizarreries plausibles, où Egan révèle également un peu de sa cinéphilie encore une fois entre deux blagues à l'acide. le tout forme un mélange de sérieux et de second degré qui m'a plutôt laissé en-dehors vu toutes les réflexions et expériences avec lesquelles on démantèle les farfeluteries.
Mais ce point de vue virtuel est loin d'être une idée jetée en l'air juste comme ça ; c'est une métaphore du cinéma, un autre mode de vision différent de la réalité nous permettant de la percevoir sous un nouvel angle. Alors que le vrai cinéma semble se perdre pour gagner de l'audimat, Egan en propose un autre, un cinéma permanent, toujours déphasé avec la réalité et en phase en même temps, où le spectateur se retrouve le héros et donc amené à réfléchir sur sa propre existence.

L'Enlèvement

Pour une fois, on est d'accord, il va falloir un petit moment à s'habituer au texte : le vocabulaire technique et le ton distancié du début font qu'on peine à s'immerger dans la psyché des personnages. Par la suite, ceux-ci deviennent parfaitement lisibles, avec leurs petites contradictions qui finissent par leur conférer une âme.
On suit donc un collectionneur d'arts dont la femme a été enlevée… mais en fait non. Tout ce que je peux vous dire de plus, c'est : si on se sauvegardait, est-ce que notre sauvergarde serait toujours nous ou non ?

En apprenant à être moi

Une nouvelle sur le même thème, avec à nouveau une science transhumaniste n'attachant pas autant d'importance à suffisamment de réalisme pour être considérée comme hard. Ce qui est très loin d'en faire un mauvais texte : le questionnement de départ et la manière dont il est abordé est passionnant pour n'importe qui qui aurait ouvert un livre de philo au moins une fois dans sa vie, et le texte se finit haletant pour plonger vers une chute à double tranchant. Glaçant.

Les Douves

D'un côté une enquête avec un arsenal biologique pointilleux ; de l'autre, une anticipation de la vie de tous les jours alors que le racisme est en train de grimper. Une nouvelle courte et brillante, très ardue mais passionnante à suivre. Sachez juste que le style d'Egan allant droit au but, il faut rester très attentif pour comprendre comment les deux intrigues se rejoignent et comment l'enquête est résolue (moi-même, j'ai dû relire la fin). Est-ce que ce serait possible de la rééditer en 2022 ?

La Marche

Vous connaissiez les Unknown Movies ; mais connaissiez-vous les Unknown Reflexions ? Ce nouveau narrateur est ainsi confronté à un tueur à gages qui possède une vision du monde pour le moins marginale… mais diablement cohérente. Et quelle chute, mes amis ! On se croirait dans les meilleures heures de Cowboy Bebop, quand la réalité se fait onirique et que la vie et la mort, la tristesse et la joie deviennent inextricablement liés.

Le P'tit-mignon

Tous les bébés à -20% ! Commandez dès maintenant votre P'tit-Mignon, garanti 4 ans ! Un animal servile, bête et adorable, avec la parfaite allure d'un charmant bambin pour combler votre instinct paternel ! Personnalisable à volonté (si, si, c'est dans l'texte), et disponible dans tous vos Darty (bon, d'accord, ça, ça l'est pas) !
Ça peut paraître extrêmement cynique dit comme ça, mais notre narrateur est une bonne pomme. Il veut un bébé, un bébé à tout prix. Et pour ça, il est prêt à tout, y compris… à en commander un.
Le ton du texte est presque flaubertien : on rit jaune tellement tout sonne comme de la guimauve, et pourtant peu à peu on finit par s'attacher à ce personnage qui refuse de sortir de son monde d'illusions. La fin vient enfin nous délivrer une grande leçon de l'art de la nouvelle : les meilleures chutes sont parfois les plus visibles !

Vers les ténèbres

Avec L'Assassin infini, je dirais que ce sont les deux seuls textes vraiment difficiles du recueil. Celui-ci vient lui aussi compenser avec une action effrénée et un côté presque thriller par moments. le concept est assez simple : un trou de ver apparaît à différents endroits du globe ; pratique pour circuler, me diriez-vous ? Sauf qu'à l'intérieur, les règles de la physique sont modifiées : si vous vous dirigez vers le centre, vous rejoignez l'autre côté où le trou de ver veut que vous alliez ; sinon, SKROUITCH !
C'est nerveux, imaginatif, rythmé. Néanmoins, le ton assez noir et le côté hard-SF très prononcé pourront déranger certains lecteurs.

Un amour approprié

Une femme doit acheter un nouveau corps pour son mari blessé à mort ; seul problème, le temps de sa fabrication, son cerveau doit continuer d'être irrigué. Mais les toubibs du futur ont tout prévu… sauf le confort : pour des raisons économiques, elle va devoir porter deux ans et demie le cerveau de son mari ! Je vous épargnerais la blague de mauvais goût sur si c'est une fille ou un garçon.
Outre un voyage mental dans les névroses d'une femme enceinte contre son gré, on peut voir ici de nombreux degrés de lecture : celui féministe, bien sûr, mais aussi une dénonciation violente de la société prête à sacrifier tout et n'importe quoi pour faire marcher le business, y compris au détriment de ceux qui la composent. On regrettera juste qu'il n'y ait pas vraiment de conclusion ; juste une fin qui laisse un arrière-goût amer pour un très long moment.

La Morale et le Virologue

Et s'il existait un virus-miracle qui ne tuait que ceux qui le méritaient ? Choqué par l'impureté sexuelle (qu'il voit cela dit un peu partout et y éprouvant lui-même un intérêt pour le moins peu recommandable), un pasteur décide de créer le sida, mais en mieux. Un pamphlet contre le fanatisme religieux bardé d'ironie noire et faisant rire jaune qui n'en oublie pas la science pour autant, contrairement à trop d'auteurs SF français. Noir et cynique, mais jamais gratuit, Egan ne tombe pas dans le piège facile de l'anti-religiosité et s'immisce dans la psychologie retorse de son personnage tout en en restant distancé (comme le témoigne l'usage de la troisième personne inhabituel face à la plupart des autres nouvelles du recueil).

Plus près de toi

Dans le même univers qu'En apprenant à être moi, mais plus loin dans le futur, Plus près de toi est un des textes les plus philosophiques en se posant une question qui me taraude encore souvent : peut-on effleurer la conscience de quelqu'un d'autre ? Voire même devenir lui ? Tout en abordant l'éventualité du solipsisme et la solitude de l'Homme face à l'herméticité du reste de l'Univers, ce texte prouve une fois de plus s'il le fallait que la SF est le meilleur genre pour mettre en scène des raisonnements complexes à travers des exemples fictifs. S'il n'y avait pas le côté sexuel parfois très prononcé chez la partenaire du héros, je dirais bien volontiers que c'est un texte comme ça qu'on devrait voir à la fac (et que j'espère découvrir dans un mois), ne serait-ce que pour le style, direct et jouant sur l'implicite, en disant le moins pour être compris le mieux possible.

Orbites instables dans la sphère des illusions

Et si les croyances du plus grand nombre se mettaient à déteindre sur les autres ? Il finirait par y avoir des zones entièrement dominées par une religion dont on ne pourrait pas soustraire nos convictions, cherchant toujours à s'enfler comme un trou noir, aspirant dans leur « orbite » tous ceux qui passeraient à proximité. Un vagabond tente ainsi de les éviter afin de préserver son libre-arbitre de ces mensonges… Mais penser qu'ils en sont, n'est-ce pas déjà une croyance ?
Une nouvelle abstraite mais très compréhensible, et sans doute une de celles qui m'a inexplicablement le plus plu (sans doute un peu pour le plaisir à saisir des high concepts aussi limpides). Encore une fois la part belle aux réflexions, avec presque un petit côté post-apo dans une ville à moitié déserte qui peut ne pas être dénué de charme pour je devine un grand nombre de lecteurs.

Conclusion

Donc, si je récapitule bien :
- Greg Egan n'a pas de style : BULLSHIT !
- Greg Egan ne sait pas faire de personnages touchants : BULLSHIT !
- Greg Egan est un forcené des concepts incompréhensibles : OH HI, MARK !
Au final, je n'attribuerais pas le fait à ce que l'on se ressente souvent distancé de ses textes à cause du fait qu'ils seraient déconnectés de l'humain ; Egan sait se faire humain, c'est sa misanthropie qui repousse, le fait qu'il puisse par moments détester à ce point quelque chose qu'il connaît si bien. Mais c'est toujours pour de bonnes raisons.
Alors je fais peut-être un peu ma mauvaise foi, oui Axiomatique est loin d'être le bouquin le plus froid et tordu à comprendre qu'il ait écrit, mais ça prouve qu'il sait faire de la hard science, et plus largement de la SF, accessible et de haute qualité. Et quand on regarde de plus près sa bibliographie, on se rend compte que c'est loin d'être une exception : Zendegi, Cérès et Vesta, Nuits Cristallines, Perihelion Summer… Mais c'est que je vous vois, vous, derrière vos écrans, à vous demander quand est-ce que je vais me mettre à la partie hardcore de son oeuvre, histoire que vous me voyez me tabasser avec le bouquin tellement j'y comprendrais rien aux termes scientifiques ; sauf que bande de petits malins, c'est aussi la partie la plus dingue et palpitante de son oeuvre, et oui, je confirme que je vais me mettre à Diaspora, et j'ajoute que c'est prévu pour décembre. Soyez au rendez-vous ou non, mais c'est pour votre culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
Commenter  J’apprécie          91
Plus qu'un livre de science-fiction, c'est un véritable manifeste sur les fictions d'une science en lieu et place de tout éthique ; un avertissement sur les conséquences de projets actuellement en cours chez nombre de tenants du transhumanisme qui n'envisagent que les arguments dits « rationnels » (d'un point de vue technifico-scientifique) pour répondre aux grandes questions existentielles et, ce faisant, brouillent les frontières de l'humanité et justifient leur projet d'affranchissement de toute limite.
C'est un cri d'alerte contre les nouvelles étapes à venir de la mise à disposition complète, totale (et de fait totalitaire ?) de l'homme à cette logique technicienne (mais aussi marchande). Car l'erreur vient de la croyance que la technique puisse être éthiquement neutre.
Heureusement, Greg Egan ne manque ni d'humour ni d'un sens aiguisé de l'imagination pour nous laisser penser que ces histoires, profondes, prenantes, effrayantes surtout, ne deviendront pas notre histoire, qu'elles sont encore trop folles pour l'être... et pourtant, rien n'est exclu (loin de là).
Charge à nous, lecteurs avertis, de savoir tirer la leçon de ce lanceur d'alerte littéraire : pour que cette « nouvelle axiomatique », posture qui consiste à admettre comme « exactes » (et donc comme « vraies », sans que l'on perçoive le saut qualitatif entre les deux termes) de simples possibilités logiques/techniques ; car comme nous le disait déjà Jacques Ellul, « ce n'est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique. »
Il tient à nous que ce que la technique rend possible ne devienne pas la voie toute tracée à suivre par nécessité (malgré, ou plutôt, contre, la loi de Gabor) ; il nous appartient de reconquérir, ici aussi, ici d'abord ? notre autonomie, notre souveraineté, reprendre, en somme, la maitrise sur ce qui devait d'abord n'être qu'un outil au service de notre humanité et qui pourrait, aujourd'hui, sans plus d'attention et en laissant faire certains (intéressés à substituer à nos éthiques et morales plurielles et humanistes) ces axiomes du nouveau règne de la civilisation technicienne.
Commenter  J’apprécie          70
Ce recueil réuni 18 des premières nouvelles de Greg Egan, dans les années 90. de la grosse Hard SF.

Une expérience de mort imminente perpétuelle.
Le remplacement volontaire du cerveau par un IA qui imite son porteur.
Un couple utilisent l'ingénierie générique pour avoir l'enfant parfait.
Un zélé religieux fabrique un virus ou pire que le SIDA pour éradiquer la Terre de ses péchés.
Etc.

Chaque nouvelle est une expérience de pensée poussée dans ses extrémités. Elle inclut toutes les explications scientifique pour rendre l'expérience réaliste, ainsi que les réflexions morales qui viennent avec.

Les nouvelles portent presque toutes sur les biotechnologies. Je précise parce que je suis bioethicien de formation, et que aucune des réflexions de Egan me m'a parut éculée ou réactionnaire. C'est rare en science fiction, où la plupart des auteurs semblent préférer y aller avec la facilité de "Ah non, une nouvelle technologie fera s'effondrer complètement la civilisation!"

Greg Egan connait et prend au sérieux la littérature scientifique des sujets qu'il aborde. Incluant celle des éthiciens. C'est même son principal défaut. de longs passages de Egan ressemblent à des articles scientifiques. Ça me plaît bien, mais ce n'est pas le tout le monde.

Ce ne sont pas des nouvelles avec des retournements surprenant. (Pas que ses chutes soient prévisibles. Mais ne tombe pas en bas de sa chaise.)

Honnêtement, si vous n'êtes pas certains d'aimer Greg Egan, commencez par lire le recueil Océanique, plus récent. La qualité de l'écriture y est meilleure, les thèmes, intrigues et personnages et sont plus divers et surtout... Il y a du magnifique worldbuiding, complètement absent d'Axiomatique.

Dernier conseil : La première nouvelle du recueil n'est pas très bonne, mais elle est loin d'être représentative du reste du livre. N'hésitez pas à la passer.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai assez peu d'expérience en SF mais depuis quelques mois, j'essaye de me pencher un peu plus sur ce genre qui me plaît de plus en plus. Lorsque j'ai découvert Axiomatique proposé en partenariat sur Livraddict, je n'étais pas tellement convaincue par le format "nouvelles", mais voyant qu'il restait des places, je me suis dit qu'après tout, c'était un bon moyen pour faire la connaissance d'un nouvel auteur et approfondir mes rares acquis dans le domaine.
Malgré un début très difficile pour moi, et une fin également en demi-teinte, je garde tout de même une bonne impression de cette lecture. Exigeante et difficile d'accès certes, mais amenant beaucoup de réflexions qui méritent d'être traitées. Je reste assez réticente au format "nouvelles" mais je dois avouer que cette forme est la plupart du temps idéale pour ce que nous offre Greg Egan. Je remercie donc Livraddict et le Livre de Poche pour cette découverte que je n'aurais sans doute pas oser faire sans ce partenariat !

J'aurais aimé vous offrir une ligne ou deux de résumé pour chacune des 18 nouvelles de ce recueil, mais une semaine après ma lecture, j'avoue honteusement que j'en ai déjà oublié quelques-unes ; je suis donc incapable de le faire. Je préfère revenir sur certains thèmes en particulier, ceux qui me semblent le plus important et qui m'ont le plus marquée.
Commençons par la notion de liberté qui revient assez souvent dans ces petites histoires. La plupart des personnages mis en scène sont contrôlés, manipulés par une instance qu'on imagine "supérieure" mais dont on ne sait finalement pas grand chose. le héros de la deuxième nouvelle, « Lumière des évènements », est tenu d'écrire (ainsi que tous les gens qui l'entourent) son journal quotidien, y racontant sa journée. Cependant, le journal qu'il tient est le même que celui qu'il a lu dans sa jeunesse. Il sait donc tout ce qu'il va vivre à l'avance et tout ce qu'il écrira... sans jamais modifier un mot et donc le cours des choses... Dans « Orbites instables dans la sphère des illusion » (la dernière nouvelle), plusieurs personnes ne peuvent quitter la ville, persuadées de ne pas avoir encore trouvé la sortie, mais également persuadées que contrairement aux autres habitants, elles sont libres de le faire... jusqu'à ce qu'une voix se lève et leur ouvre les yeux : peut-être qu'ils sont "prisonniers" eux aussi... Dernier exemple de "manipulation gouvernementale" et non des moindres puisqu'elle a aussi lieu chez nous, en 2011 : les tests médicaux. Deux soeurs jumelles (dans « Soeurs de sang ») qui s'étaient promises de tout faire en même temps sont séparés par les aléas de la vie. Malgré les milliers de kilomètres qui les séparent, elles tombent malades simultanément et reçoivent un traitement test... mais l'un des deux est un placebo...
Le cerveau, son fonctionnement et son contrôle est aussi abordé plusieurs fois. La nouvelle qui donne son titre au recueil met en scène un homme qui ne parvient pas à oublier la femme qu'il aimait, tuée lors d'un braquage de banque. Incapable de se venger, il insère un "logiciel" dans son cerveau, logiciel qui le programme à penser que la vie ne vaut rien, que l'être humain n'est qu'un tas de viande... Dans « En apprenant à être moi », les Hommes possèdent un cristal dans le crâne qui apprend petit à petit à être eux, jusqu'au moment où il prend totalement la place du cerveau... Les gens sentent-ils quelque chose après avoir basculé, en ont-il conscience ?
Conscience, voilà un autre mot clef de ce recueil. Si quelqu'un s'amusait à reproduire votre femme dans les moindres détails : son physique, sa voix, ses expressions,... est-ce que cette reproduction plus vraie que nature aurait également les pensées, les sensations,... la conscience de votre femme ? Mériterait-elle alors d'être sauvée ? La conscience est également au centre de ma nouvelle préférée : « le P'tit mignon ». Un homme en mal de paternité se crée l'enfant dont il rêve. Il nomme la petite « fille » Ange. Elle ressemble trait pour trait à un nourrisson et a les mêmes besoins… sauf qu'elle est programmée à s'éteindre à 4 ans. Ange qui était censée n'être qu'un « animal de compagnie » commence à parler et à se comporter comme un « vrai » bébé. Si elle ne développait pas toutes ces aptitudes « humaines », serait-ce moins difficile de la voir s'éteindre ? Comme pour le précédent recueil de nouvelle que j'ai lu - Contes de la Fée verte de Poppy Z. Brite - c'est l'histoire ayant trait à l'amour paternel qui m'a le plus séduite !
Et en parlant d'amour, celle mettant en scène une femme obligée de porter le cerveau de son mari dans son mari pendant deux ans pour le sauver, m'a également plu. Pendant ces deux années, elle subit l'épreuve, entre amour et répulsion et sa vision des choses se voit définitivement modifiée.
Dernière notion importante que je retiens : la morale avec notamment « La Morale et le virologue » dans laquelle Matthew Shawcross se croyant investi d'une mission divine, créé un virus visant à éliminer l'adultère et l'homosexualité… la planète est bientôt contaminée !

Vous l'aurez compris, les thèmes sont variés mais amènent à chaque fois quelques réflexions. Libre ainsi au lecteur de faire une lecture de surface ou d'approfondir un peu les choses de son côté s'il le souhaite.
« le P'tit mignon » et « Soeurs de sang » restent mes nouvelles préférées mais je retiens également, dans une moindre mesure, « le Coffre-fort » dont je ne vous ai pas encore parlé. Septième texte du recueil, on y découvre un homme qui se réveille chaque matin dans un nouveau corps et doit donc apprendre à connaître la vie de son hôte pour ne pas faire trop de bêtises les heures à venir… J'ai trouvé le ton un peu plus léger, presque « amusant » parfois, tout en gardant quand même une certaine « gravité »…
En revanche, « L'Assassin infini », « le Point de vue du plafond » et « Vers les ténèbres » ne me laisseront pas un très bon souvenir ou pas de souvenir du tout ! Difficile d'accès ou moins intéressantes à mon goût, leur lecture a été ardue et pas forcément agréable, surtout pour la première !

En effet, cette première nouvelle du recueil, « L'Assassin infini » m'a fait peur. Peur dans le sens où je craignais que toutes les histoires suivantes soient du même acabit et me renvoient à ce côté de la SF qui me rebutait au départ : le côté très scientifique et compliqué.
Avouons-le, je n'ai absolument rien compris de cette nouvelle et suis incapable de vous la résumer. A la fin de celle-ci, je me suis dit que si Greg Egan ne nous offrait que des textes du genre, je n'allais jamais réussir à aller au bout… Heureusement, la deuxième nouvelle et les suivantes m'ont fait changer d'avis ! L'auteur nous apporte toujours des réflexions et des données plus ou moins compliquées mais c'est plus facile d'accès, à mon goût.
On semble être, la plupart du temps, dans un monde plus ou moins futuriste sans vraiment avoir de date précise. Je pense que l'ensemble se déroule dans un temps assez proche de notre XXIème siècle, ce qui rend les réflexions encore plus fortes. le côté scientifique est certes présent, mais pas toujours aussi « poussé » que dans la première nouvelle et plus important, Greg Egan le lie avec ce qui fait de nous des êtres humains : la conscience, les émotions, l'Amour,…

Mises à part ces réflexions scientifiques poussées, assez naturelles dans un recueil de SF, le style de Greg Egan est abordable. La plupart du temps, il utilise un point de vue interne avec le « Je » pour accentuer le côté réflexion et pour que le lecteur puisse comprendre exactement ce qu'il en est dans la tête du « héros ». J'aime assez ce choix de point de vue qui accroche toujours plus le lecteur. Au niveau du format, les nouvelles excèdent rarement les 35/40 pages et si habituellement, cette brièveté peut me gêner, ici, ça n'a pas été le cas. Ni trop court, ni trop long pour développer correctement les réflexions de l'auteur, j'approuve.
En revanche, ce recueil s'adresse surtout aux habitués de la SF ou à ceux qui ont déjà un minimum de bases. Les réflexions ne sont pas très simples d'accès et j'ai parfois eu du mal à m'y retrouver. Je ne conseille donc pas cette lecture aux novices, en revanche pour les autres, lancez-vous mais ne vous arrêtez pas à la première nouvelle même si elle vous semble difficile, car les suivantes valent le coup !
Lien : http://bazar-de-la-litteratu..
Commenter  J’apprécie          60




Lecteurs (958) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4883 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}