AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 412 notes
George Eliot nous immerge avec ce roman dans la campagne anglaise du 19ème siècle, à Middlemarch.

Récit de portraits croisés, abordant des thèmes variés comme le mariage et ses désillusions (le roman aurait pu d'ailleurs être sous-titré "de l'importance de ne pas se marier trop vite") la morale ou la rédemption, Middlemarch se distingue par la finesse psychologique de ses personnages.

Qu'il s'agisse de Lydgate, médecin arrivant dans la bourgade avec ses idées novatrices, Dorothea dont la grande force morale se confronte à un mariage décevant ou même Rosamond jeune première pleine de rêves de grandeurs.

Chacun évolue, se heurte aux désillusions, affronte ses démons, parfois vainement.

La vie d'une communauté rurale à cette époque est aussi admirablement retranscrite. La relation des cercles sociaux, de leurs codes sont détaillés sans jamais oublier une pointe d'humour et de cynisme.

Je me suis ainsi attachée aux personnages et à leurs interactions bien plus qu'à la peinture de la situation politique de l'époque évoquée par l'auteure.

Je dirais même qu'il s'agit là pour moi du bémol principal concernant le livre. Un certain nombre de précisions concernant la politique ou même certaines scènes annexes sont décrites longuement cassant ainsi régulièrement le rythme du récit.

Malgré tout, je me suis trouvée tellement happée par l'histoire des habitants de Middlemarch que je vous conseille ce roman.
Commenter  J’apprécie          60
Que dire de ce classique...resté largement inconnu en France . Je dois admettre que j'ai eu un peu de mal avec les cent premières pages et le personnage de Dorothea qui m' a paru ennuyeux au possible... Sa relation avec Casaubon et ses désirs de martyrs m'ont particulièrement agacée... Arrive Ladislaw et l' histoire prend une nouvelle ampleur ! J'avoue que la relation que Dorothea noue avec le jeune homme est sans surprise :on le voit venir dès leur première rencontre cependant,c'est intéressant de voir l' évolution de leurs sentiments. Cependant ce serait faux de dire que les histoires d'amour sont le sujet du roman. le vrai sujet c'est l' argent qui est au centre de chaque relation: que ce soit celle de Dorothea et Will,de Fred et Mary ou de Lyndgate et Rosamond... Sans oublier les autres personnages pour lesquels l' argent est un moyen de pression (Casaubon, ou le vieux dont j'ai oublié le nom) une tâche honteuse comme pour le magnat de la ville,un gros manque comme pour le pasteur... Au bout du compte, George Eliot nous présente une petite bourgade à l' atmosphère viciée par l' argent où les seuls personnages purs sont Dorothea , Mary et Ladislaw. On assiste avec tristesse à la chute de Lyndgate,personnage animé d' un idéal et de principes qu'il sera forcé d' abandonner peu à peu pour l' illusion d' amour dispensée par sa femme,l' égoïste Rosamond... Cependant,on mettra à l' actif de cette dernière un élan de générosité qui permettra à. Dorothea d' être enfin récompensée. Et je pourrais encore continuer longtemps mais on ne peut résumer la richesse de cette fresque financière en une chronique... (en plus j'aimerais laisser la surprise aux lecteurs !)

Ce que j'aime: les faiblesses des personnages toutes très crédibles. La manière parfaite dont l' auteure entremêle les destinées et les passés des protagonistes. le personnage de Rosamond et son couple avec Lyndgate

Ce que j'aime moins : Dorothea,trop idéaliste et religieuse pour me plaire. L' histoire de Fred et Mary

En bref : un magnifique roman sur l' argent et la manière dont il influence les caractères et les destins. Un classique à la construction admirable à lire absolument en dépit de certains passages un peu trop longs à mon goût
Ma note

7/10
Lien : http://jessswann.blogspot.fr..
Commenter  J’apprécie          60
Middlemarch, petite ville de l'Angleterre rurale en ces années 1830, sert de cadre à ce (copieux) roman. Pas vraiment de descriptions, l'on parle d'une réforme politique, un peu de religion, le chemin de fer tout nouveau n'est pas forcément bien accueilli. George Eliot mêle habilement les histoires de plusieurs personnages principaux.

Ils se marièrent, et vécurent heureux, et fin de l'histoire? Pas dans ce roman.

Dorothea, jeune fille au caractère bien trempé, entichée de spiritualité, qui aurait pu avoir un mari gentil, beau, dévoué à 100%, toujours d'accord, préfère Casaubon, de 25 ans de plus qu'elle, pas glamour pour un sou, mais avec qui elle se sent intellectuellement sur la même longueur d'ondes. Elle est prête à se dévouer, l'aider dans ses recherches et ses classements... le mariage a lieu, apportant bien évidemment quelques déceptions. Casaubon n'apprécie guère l'entente régnant entre son épouse et son cousin Ladislaw.

Autre couple, Lydgate et Rosemonde. Lui, un jeune médecin, nouveau dans la région, plein d'idées modernes pour l'époque, s'attirant la jalousie et les critiques de ses confrères. Elle, jolie enfant gâtée et superficielle.

Pour plus de détente, Fred, le jeune homme pas bien sérieux, mais amoureux de Mary Garth, qui saura lui parler rudement et sincèrement.

Autour d'eux, bien sûr, leurs familles, leurs amis, apportant une intense vie à ce roman, qui comportera son lot de désillusions et d'échecs, de chaudes luttes psychologiques, d'humour et tendresse aussi, de sentiments élevés, de réflexions de l'auteur et un peu de romantisme, mais pas trop, avec la belle scène vers la fin entre Dorothea et Ladislaw, alors que l'orage menace dehors...

George Eliot intervient dans la narration, dévoilant pensées et motifs de chacun, arrivant à les rendre sympathiques (en général) , y compris le "pauvre" Casaubon. Par exemple "J'introduis donc le nouveau venu Lydgate à tous ceux qui s'intéressent à sa personne; ils le connaîtront ainsi beaucoup mieux que tous ceux qui le fréquentent le plus depuis son arrivée à Middlemarch."

Quelques réflexions, toujours en lien avec les personnages :
"Il faudrait savoir si la reconnaissance du bien que l'on nous fait doit gêner notre indignation du mal que l'on fait aux autres."
"Ma parole, je crois que la vérité est le plus terrible projectile avec lequel on puisse nous lapider."

Middlemarch est un monument du genre, à découvrir bien sûr, sans crainte. Prévoir du temps tout de même.
Existe en poche, avec préface de Virginia Woolf et traduction de Sylvère Monod. du grand monde, quoi.

Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
Commenter  J’apprécie          60

Middlemarch
Traduction : Sylvère Monod

Sans Anthony Trollope qui, pour les besoins de certains de ses romans, inventa le comté du Bersetshire, George Eliot n'aurait peut-être jamais écrit "Middlemarch." Grande lectrice de Trollope, elle apprécia cette façon de composer avec la réalité et songea à l'utiliser pour son propre compte. Voici comment naquit la petite ville de Middlemarch que les rivalités amoureuses et les réformes du gouvernement britannique de l'époque - notamment sur les droits accordés aux catholiques dans le pays - vont mettre non pas en ébullition (nous sommes en Angleterre, by Jove !) mais en émoi.

L'oeuvre, un "pavé" de plus de mille pages, se veut ambitieuse - et elle l'est. Elle révèle la très grande culture de son auteur, son intérêt jamais rassasié envers ses contemporains et la société dans laquelle elle évolue avec eux ainsi que le souci constant de tout détailler : en long, en large, en hauteur, en diagonale, etc ... Soyons francs : à certains moments, cela finit par peser au lecteur qui sent bien que George Eliot met un point d'honneur à se montrer aussi sérieuse, aussi renseignée, aussi compétente que ses confrères masculins - dont Trollope. Voire plus. Et ceci aux dépens peut-être de son naturel.

Cela passerait pourtant si la romancière allégeait sa démonstration par l'humour ou l'outrance. Telle était la méthode de Thackeray et, de manière encore plus éclatante, celle de Dickens. le premier suivait son chemin en y disséminant, pour le plus grand bénéfice de son lecteur, une multitude de petits cailloux féroces et cruels mais toujours pleins de gaieté. Quant au second, il ne savait concevoir le mélodrame sans l'intervention d'un ou deux personnages pleins de faconde, parfois grotesques, attirés par l'excessif et l'outrancier et postulant à l'archétype dès le premier paragraphe où ils apparaissaient.

Cela présentait l'avantage de permettre au lecteur de se projeter ou / et de se reconnaître, aussi bien dans l'ironie matoise de Thackeray que dans le comique assumé d'un Sam Weller ou d'un Mr Micawber.

Or, en omettant cette dimension, qu'il lui restait à personnaliser, dans "Middlemarch", en y privilégiant le sérieux que l'on prête d'habitude aux encyclopédies, George Eliot n'a pas raté le coche, non, mais elle est montée - et nous invite à monter - dans une voiture bancale et singulièrement lourde à manoeuvrer.

Le rythme de l'ensemble est lent, terriblement lent pour tout dire et les personnages, sur lesquels nous connaissons pourtant à peu près tout ce qui doit être connu, ne parviennent pas à nous accrocher. C'est qu'il n'y a ici aucune flamme et je suis même tentée d'écrire : aucune imperfection. Les "méchants" eux-mêmes sont des méchants appliqués, qui font leur travail de méchants avec un tel sérieux qu'ils en perdent tout relief.

Oui, "Middlemarch" tend à la perfection dans le sérieux : de la composition, des caractères et des ressorts de l'intrigue. Alors, évidemment, c'est impressionnant, on ne peut que s'incliner devant le travail accomplir par l'auteur. Mais c'est aussi un tantinet ennuyeux et laisse le lecteur, en dépit d'une traduction remarquable et très moderne de Sylvère Monod, sur sa faim, en train de ruminer son insatisfaction et la vague idée qu'il est peut-être passé à côté de quelque chose. Mais quoi, tout le problème est là.

Peut-être, un jour, le relirai-je tout de même : on ne sait jamais. ;o)
Commenter  J’apprécie          60
Après un long mois de lecture laborieuse, entrecoupée de pauses salutaires comblées par d'autres lectures, je viens enfin d'achever ce monument de la littérature anglaise. Je dois avoué mon soulagement à la fermeture définitive de ce roman.
Récit de vies entremêlées des habitants d'une petite ville, riche de nombreux personnages très marqués, je l'ai trouvé trop riches de sujets abordés et développés au détriment de la narration : recherches médicales, positions sociales, religion, relations maritales, mariage, honneur, l'antagonisme de la fortune de naissance à la fortune du travail.
Il m'arrive de regretter que des auteurs évoquent des sujets sans les développer. Dans Middlemarch, j'ai ressenti l'excès opposé. A vouloir aborder de multiples sujets de société, j'ai le sentiment d'avoir lu 3/4 d'essais un peu fouillis, pour 1/4 de roman. Il m'a fallu parvenir aux 300 dernières pages pour appréhender l'histoire et l'émotion ne s'est présentée qu'aux 100 dernières, sous la forme d'une romance très convenue.
Heureusement que la qualité de l'écriture et de la traduction est clairement présente. Bien que l'exerce de style soit prodigieux, j'ai le regret d'être profondément déçue par ce pavé qui m'a semblé assez indigeste malgré mon goût pour les pavés. Il ne me reste que l'immense fierté d'avoir vaincu l'adversité représentée par cette lecture, pour mieux rayer ce roman de ma liste à lire pour étayer ma culture littéraire.
Vivement ma prochaine lecture !
Commenter  J’apprécie          50
Dorothea Brooke est une toute jeune femme sincèrement attachée à faire le bien autour d'elle. Elle conçoit des plans de maisonnettes salubres dans lesquelles les ouvriers agricoles des alentours et leurs familles pourraient vivre dans de bonnes conditions et cherche des mécènes pour réaliser ses projets. Elle est aussi très pieuse et attirée par l'étude, notamment des textes religieux. Quand elle rencontre M. Casaubon, un clergyman de près de 30 ans son aîné, Dorothea s'imagine qu'il pourrait être doux d'être son épouse : Casaubon a en effet entrepris d'écrire une "Clé de toutes les mythologies"et la jeune femme pourrait le seconder dans cette tâche en assurant son secrétariat. Cela lui permettrait d'approcher la connaissance par procuration, une femme n'étant pas sensée le faire autrement à l'époque. Elle va déchanter très rapidement : Casaubon est un besogneux qui a jusqu'à présent uniquement compilé des documents et n'a pas commencé à écrire une ligne. Dorothea fait la connaissance de Will Ladislaw, neveu de son mari, jeune homme spontané avec qui elle partage de nombreuses affinités.

Nous sommes dans les années 1830 dans le village de Middlemarch, dans les Midlands et de nombreux personnages évoluent autour de Dorothea. Il y a le docteur Lydgate, un jeune médecin formé à Londres et Paris. Il veut faire avancer la recherche médicale et refuse de vendre lui-même les médicaments qu'il prescrit. Pour toutes ces raisons il s'est rapidement attiré l'hostilité de ses collègues plus âgés et conservateurs. Son mariage avec la très jolie Rosamond Vincy, une coquette toute occupée d'elle-même et incapable d'empathie, bouleverse profondément sa vie et remet en question ses choix professionnels. le frère de Rosamond, Fred Vincy, est un jeune homme qui aime s'amuser et rêve d'un héritage qui lui permettrait de vivre à l'aise sans travailler. Il est amoureux de la sérieuse Mary Garth qui le pousse à choisir une profession.

Les histoires sont nombreuses dans ce gros roman de près de 1100 pages, qui se croisent et s'entrecroisent. C'est une description de la vie et des idées de la bonne société rurale de l'époque. La petite aristocratie de propriétaires terriens se juge supérieure à la bourgeoisie locale de commerçants et entrepreneurs qui doit sa richesse à son travail. Ils sont cependant amenés à se fréquenter au quotidien. Dans ce petit monde il est important de se conformer aux traditions et de faire les choses selon son rang. Les on-dit ont vite fait de ruiner une réputation : "Tout le monde préférait faire des conjectures sur le tour pris par les choses, plutôt que de savoir simplement ce qu'il en était". le milieu est conservateur et les femmes sont considérées comme inférieures physiquement et moralement. Dorothea cependant n'hésite pas à agir selon ses aspirations.

En arrière-plan on a aussi un aperçu des conditions de vie des classes populaires : familles nombreuses logeant dans des taudis, ouvriers craignant que le progrès (l'arrivée du chemin de fer) ne les prive de travail. Il y a des mouvements de colère spontanés. L'autrice porte un regard critique sur les inégalités sociales : "Tout se passait exactement comme quand un jeune noble vole des bijoux : on qualifie la chose de kleptomanie, on en parle avec un sourire philosophique, et on ne songe pas un instant à l'envoyer en maison de correction comme s'il était un gamin déguenillé qui eût volé des navets".

Elle adopté régulièrement un ton ironique à propos des jugements communs sur le comportement des gens. Je trouve cela amusant et finement observé. J'apprécie aussi l'analyse psychologique des personnages. J'ai beaucoup aimé cette lecture même s'il m'a fallu parfois m'y tenir de façon volontariste vu le pavé. L'action est lente et il n'y a guère de péripéties si ce n'est à la fin avec des rebondissements très romanesques.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          50
La collection Romans Éternel me permet de découvrir chaque semaine de nouveaux auteurs et de nouveaux classiques de la littérature. Ainsi, je suis plus que satisfait d'avoir découvert la plume délicate de George Eliot à travers Middlemarch, son oeuvre la plus aboutie dit-on.

Quand bien même je ne peux affirmer ce dire, je peux assurer avoir passé un très bon moment au cours de cette lecture. J'ai très vite été charmé par le style tout en finesse de l'auteur et par sa plume abordable et agréable à lire. Cette dernière a construit une intrigue alliant et reliant plusieurs familles et s'est beaucoup inspiré de son cadre de vie pour pouvoir offrir un roman plausible et totalement réaliste. J'ai vraiment été surpris par ce choix car même si Middlemarch n'existe pas réellement, l'environnement géopolitique est quant à lui authentique et existant malgré un manque certain d'ambiance et d'atmosphère britannique. Ainsi, j'ai pu découvrir ce qu'était le Reform Act de 1832, tout comme j'ai pu apercevoir les conséquences de la montée au pouvoir de Guillaume IV. Cela accentue davantage le côté réaliste de cette oeuvre et fait de ce dernière une véritable critique de la société. J'ai beaucoup apprécié celle-ci car même si les thèmes présentés restent habituels au genre, d'autres aspects sont mis en valeurs tels que l'avancement et les progrès de la médecine par exemple. Cependant, les mariages et la place de la femme au sein de la société britannique restent les éléments centraux et sont mis en avant grâce au personnage étonnant de Dorothea que j'ai adoré suivre du début à la fin.

En effet, George Eliot offre aux lecteurs une palette conséquente de protagonistes à travers pas moins de trois destins étroitement liés et entrecroisés tout au long du roman. J'ai fortement aimé ce choix car il lui permet de développer et d'étoffer son univers d'une manière considérable mais je dois bien avouer que certains personnages ainsi que leurs parties m'ont parfois plus ennuyées que d'autres. Fort heureusement, il m'a semblé que la destiné de Dorothea était davantage mise en avant et je n'ai pas à m'en plaindre car j'ai tout simplement adorée ce personnage. C'est une jeune femme, belle et riche qui nous est présentée qui, contre toute attente, refuse la demande en mariage d'un jeune homme à la situation confortable pour se marier avec un homme beaucoup plus âgé qu'elle et ecclésiastique. En somme et à la différence des autres héroïnes en vogue à l'époque, c'est une femme de lettres et de sciences qui recherche la connaissance et l'élévation au sein du couple plutôt que l'amour pur et sincère. J'ai trouvé ce portrait audacieux et pertinent. D'autant plus que tout ne passera pas comme prévu. Ainsi, cette dernière découvrira les joies mais surtout les peines de la vie maritale et devra composer avec afin d'évoluer au sein de cette ville fictive.
Ayant fortement aimé ce personnage, je dois bien admettre que les différents autres protagonistes présentés peuvent paraître bien pâles et maigres en comparaison. Néanmoins, j'ai malgré tout apprécié le personnage de Lydgate, ce docteur en avance sur son temps qui peinera à faire accepter sa vision de la médecine dans cette société assez puritaine et réfractaire au changement. J'ai aimé la détermination et la foi dont il fait preuve tout au long de ce roman. de plus et sans pouvoir tous les citer au vu de leur grand nombre, chaque rencontre est unique et malgré certains caractères assez sectaires, j'ai ressenti une certaine bienveillance.

Je ne connaissais pas George Eliot mais je peux affirmer être plus que satisfait d'avoir goûté à sa plume délicate et fortement agréable. J'ai adoré voguer à Middlemarch auprès de Dorothea, cette femme de lettres et de sciences, différente des héroïnes de l'époque, qui a su me séduire pour son altruisme et sa bonté d'âme.
Lien : https://mavenlitterae.wordpr..
Commenter  J’apprécie          50
"Et puis, bien sûr que les hommes s'y connaissent mieux que les femmes en tout, sauf en ce qui concerne les choses auxquelles ce sont les femmes qui s'y connaissent mieux."

Quatre mariages et une poignée d'enterrements...

Pour cette Étude de la vie de province rédigée en 1871, parangon du roman victorien, George Eliot dépose sur la platine de sa loupe binoculaire, un échantillon de campagne anglaise avec ses manoirs sinistres, ses fermes proprettes, ses auberges cancanières et ses presbytères accueillants. La petite ville de Middlemarch est cependant figée, entre lame et lamelle, une quarantaine d'année plus tôt -l'action se déroulant entre 1829 et 1832. Sous l'éclairage avisé de la romancière, on y observe s'agiter de petits sujets, en relief. La netteté est parfaite et l'écrivain place toujours au centre de l'objectif les zones d'observation intéressantes. Parmi les infusoires familiers d'une société anglaise immuable (vicaires débonnaires, vieilles filles guindées, médecins arriérés et autres matrones médisantes)*, quelques animalcules attachants surnagent, imperceptibles dont Eliot étale l'ampleur.

On s'attendrit avec la solide et efficace Mary, on vibre avec le passionné et idéaliste Ladislaw, on s'amuse de la nonchalance du sympathique Fred et du bons sens de la prosaïque Célia, on admire la sagesse du vieux Garth et la délicatesse du brave Farebrother, on méprise la ladrerie sordide de l'infect Featherstone et la duplicité du fortuné Bulstrode.

Dans cette goutte d'eau qui se fait monde on retient surtout la roide Dorothea et l'entreprenant Tertius. Charitable et généreux prix de vertu, Dorothea Brooke pense trouver l'amour dans les bras desséchés du vieux Révérend Casaubon ("Il est aussi pénible qu'un remède mal choisi : déplaisant au goût et sûr d'être mal toléré"). Mais toute sève s'étant retirée de ce triste babilan, autolâtre et sans coeur, un chemin de croix conjugal commence pour la jeune femme. Henry James se souviendra vraisemblablement du roman quand il inventera son Isabelle Archer : les deux héroïnes et leurs affres ont beaucoup en commun.

L'arrivée à Middlemarch de Tertius Lydgate, jeune clinicien ambitieux, bouleverse le train-train médical du bourg. le docteur s'attire rapidement l'animosité de ses confrères et doit lutter contre la défiance d'une patientèle espérée. Son mariage avec l'égotiste et frivole Rosamond le poussera au bord du gouffre.

Eliot n'est jamais aussi incisive que lorsqu'elle brosse avec une précision chirurgicale les moments les plus triviaux : sa sagacité à retranscrire les dialogues, à relever les attitudes ou à installer des silences fait mouche. Bouleversante quand elle évoque le pardon d'une épouse trompée ou la nuit de fièvre d'une femme bafouée, la romancière use d'un comique parfois un peu épais mais la plupart du temps d'une finesse rafraîchissante (clabaudages fielleux de la femme du pasteur Cadwallader, cuirs d'une bonne, discours raté d'un politicailleur ou "petits cris de castor" de la fluette Mlle Noble).

Oeuvre hautement réaliste, photographie sensible des moeurs provinciales, Middlemarch passionne dans son refus de tout romantisme. Quand Eliot se laisse aller à "fabriquer" des situations détachées du réel (un fantôme du passé qui arrive à point nommé ou un arbre généalogique peu crédible), sa narration perd de la vigueur. Elle n'est à son meilleur que lorsqu'elle se collette au concret, à la vie telle qu'elle va et non telle qu'elle pourrait aller.

Interpellant son lecteur, l'auteur en oublie quelquefois d'être légère et assaisonne plus qu'il n'est de raison son récit d'un prêchi-prêcha assommant : c'est sans doute ce qui a le plus vieilli dans ce roman sensationnel. Pour le reste, elle montre davantage qu'elle ne démontre et ce qu'elle expose de la condition des femmes, du mariage, des liens de famille ou d'argent, de l'injustice successorale et du poids des déterminismes sociaux dénonce les carences d'une époque et fait écho aux préoccupations de la nôtre.

Pour ma part, j'ai été sensible à la volonté de la romancière d'éviter tout manichéisme : aucun de ses personnages n'est complètement monochrome. Au contraire, Eliot s'attache à les nuancer, obombrant ici, éclaircissant là. Elle refuse même à son imposante chronique d'une petite ville anglaise le happy end attendu, préférant restituer à chaque héros sa part d'humanité au détriment d'un romanesque de convention.

"(...) et si les choses vont moins mal qu'elles ne le pourraient pour vous et moi, on le doit un peu au nombre d'êtres qui mènent fidèlement une vie cachée avant de reposer en des tombes délaissées."... et aux romans fleuves de cette George Sand d'outre-Manche.

Délicieusement prenant.

Pour compléter, déguster le judicieux texte de Mona Ozouf "Middlemarch et les aménagements du présent" (L'Autre George. A la rencontre de George Eliot, Gallimard, 2018)

*Cent ans plus tard, le St. Mary Mead d'Agatha Christie avec ses mêmes spécimens humains témoignera de la force d'inertie d'une certaine Angleterre. Middlemarch (où l'on rencontre un certain Protheroe) plagiat par anticipation du petit monde de Miss Marple ?
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
Commenter  J’apprécie          50
Impossible d'écrire une critique sur un tel ouvrage, je me sens si illégitime à le faire avec la petitesse de mes propos qui ne lui rendront pas justice, quoique j'en dise...
Ma petitesse a d'ailleurs fait que j'ai bien failli passer à côté, car mes débuts à Middlemarch ont été un peu fastidieux. Il faut dire que ce n'est pas un roman qui se lit d'un oeil, en surveillant le truc qui cuit, ou avec les pensées qui gambadent. Il faut être posé et ne faire rien d'autre, s'assurer de ne pas être perturbé dans sa lecture. Moi qui ai l'habitude de lire dans la pièce de vie, environnée des bruits d'enfants et de l'activité autour, eh bien Middlemarch n'a pas toléré cela ! Et je dois dire que Middlemarch mérite mieux :) Il mérite de s'y consacrer pour en apprécier toute la profondeur, la psychologie de chaque personnage développée avec une finesse incroyable, la sagesse contenue dans le moindre paragraphe. C'est une oeuvre complexe, dans le bon sens du terme. Je ne pourrais pas dire que j'ai adoré ma lecture : certains passages m'ont demandé un effort, j'ai plusieurs fois relu des phrases pour les saisir, je crois même en avoir abandonné quelques unes pour ne pas rester sur le carreau. En fait le sentiment qui domine c'est... Subjuguée. Middlemarch subjugue, domine. Alors je ne regrette pas d'avoir persévéré parce qu'au final, même si j'ai mis trois mois à le lire, en le refermant je me suis dit que je m'étais fait un cadeau. On en ressort enrichi, de culture bien sûr comme avec toute bonne lecture, mais aussi d'un supplément d'âme.
C'est magistral. Contrairement à cette critique qui n'en est pas une mais j'avais bien dit que je n'essaierais même pas ;)
Commenter  J’apprécie          52
je viens moi aussi de découvrir cette auteur méconnue en France, et qui revient tout à coup en force. La littérature classique a ceci de formidable qu'elle nous ramène à la fois dans une époque résolue, mais tout autant dans sa psychologie et les moeurs sociales. C'est une formidable voyage dans l'espace et le temps. Ce tableau a ses qualités et ses limites. Les héros semblent désincarnés, bien que dégageant parfois du pathos figés dans des archétypes sociaux, dont certains tentent néanmoins de se démettre, mais avec énormément de tact et de convenance, montrant combien cette société était corsetée. L'arrivisme social, semble le déterminant de la plupart des acteurs, se battant à l'intérieur de limites admises par les lois de la convenance, et de sa classe. Ce roman ne traite pas de façon encyclopédique la vie et les moeurs de la population villageoise, comme Hugo ou Zola l'auraient fait, mais s'intéresse à cette bourgeoisie, située juste au dessous de l'aristocratie, dont elle partage le train de vie, souvent établi sur la rente, le travail n'apparaissant souvent pas comme un plus, mais plutôt comme un signe d'infériorité. Ainsi Lydgate, ce jeune médecin talentueux n'est pas reconnu pour sa valeur professionnelle, et sa compétence, mais dévalorisée par la faiblesse de ses revenus, qui semblent une fois de plus le déterminant absolu des choses. Si bien que bien peu de personnes s'offusquent quand une jeune fille, Dorothea, encore mineure, veut se marier avec un vieux barbon vaniteux, abusé par le fait qu'elle lui prête des qualités de savant et de guide spirituel. Cette étrange alliance, qui est une forme de suicide programmé, est pourtant admise sans difficulté, tant les intérêts d'argent semblent tout conditionner. Comme dans beaucoup de romanciers 'anglais, je pense à Dickens, mais surtout à Wilkie Collins le thème du secret de famille, autour du passé honteux revient pour donner du piquant à une histoire qui sommeille tout de même un peu. Je vois dans ce livre un moindre aboutissement que ceux des soeurs Brontë, qui me semblent plus passionnés et vivant. Pour ne pas parler de "la foire aux vanités" de Thrakeway. Les acteurs s'enfoncent dans la fin de l'histoire un peu happy end pour tout le monde, comme dans un bon oreiller, pour nous endormir...L'auteur en épilogue nous dresse rapidement ce qu'ils deviendront 30 ou 40 années plus tard. . Est ce pour nous dire, que s'ils mènent une vie heureuse et honorable, ils n'ont rien réalisé rien d'héroïque ou de glorieux, bafouant leurs idéaux.
Les femmes sont incontestablement les vedettes de l'affaire, tirent les fils en sous main. Dorothea et la petite Mary apparaissent des modèles de perfection effleurant la sainteté! Et peut être que l'auteur veut suggérer que pour s'imposer à cette époque, il faut effectivement à une femme, bien plus que la beauté, qui est souvent évoquée de façon emphatique, énormément d'énergie et de patience, sachant pas indisposer. Rester à sa place et aller de l'avant. C'est tout un pas de danse qu'il faut expliciter et mettre au pas des convenances dans ce roman.
On peut dire de la même façon que c'est une des premières histoires modernes, mettant les héros devant le vide et l'absurdité de leur vie. Un parallèle à faire avec l'éducation sentimentale de Flaubert, avec sa fin curieusement flottante et distanciée.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (1996) Voir plus



Quiz Voir plus

Middlemarch - George Eliot

L'auteur de ce roman est...

un homme
une femme

10 questions
13 lecteurs ont répondu
Thème : Middlemarch de George EliotCréer un quiz sur ce livre

{* *}