Dans cette maison proche de Berlin, l'auteur a passé, enfant, de merveilleux étés. Elle y revient un temps clandestinement, une fois qu'elle est vendue, et explore les archives pour retracer son histoire au fil du siècle.
Au départ il y avait
le bois de Klara, la fille « bredine » du maire, qui a été vendu en 3 lots. C'était un lieu idyllique, au bord d'un lac, dans une nature enchanteresse, et les propriétaires successifs y ont installé leur demeure. Ils ont adoré ce lieu-refuge, lieu-privilège aussi, qui accompagnait leurs bonheurs et leurs malheurs intimes. Et si leurs vies étaient ballottées voire détruites par l'histoire du pays et ses remous dramatiques, le constant jardinier continuait à tondre, tailler, aménager, couper le bois…
Il y a donc un côté intime du quotidien bienheureux , les promenades, les baignades dans le lac, le bateau accroché au ponton… Les merveilleuses descriptions de Jenny Erpendeck n'ont pas manqué de faire remonter en moi le souvenir ancien de baignades féeriques dans des lacs allemands sauvages… (mais dan s le livre, c'est beaucoup plus subtil que ça). La nature sublime, indifférente aux tragédies, l'homme l'aménage au fil du siècle pour son confort, et son plaisir.
Mais l'Histoire est là qui s'approprie les lieux, et décide des destins. Chaque époque est l'occasion de le rappeler , de façon souvent allusive et habilement contournée : l'architecte nazi, le juif, la femme terrorisée par l'arrivée de l'Armée Rouge, le communiste récompensé de sa fidélité à l'idée dominante,... Tout ce que l'Allemagne a connu de tragédies au fil des ans, avec en fil rouge, les exils successifs et ce qu'ils impliquent d'abandon et de spoliation, où l'on laisse derrière soit des trésors cachés au pied des arbres, mais emmène ce qui ne pèse pas : la musique.
C'est donc une leçon d'histoire très particulière, par petites touches, à la mélancolie poétique, avec des leitmotivs. Si l'on croit longtemps que la maison et la nature vont résister à l'offense de l'Histoire, on apprendra au fil des pages que comme les hommes, les maisons ont leur vie, leur apogée, leur décrépitude et leur mort.
J'ai vraiment été très touchée par ce livre atypique, subtil et audacieux récit du destin du peuple allemand.