"Quand le monde tourne à l'envers, ce n'est pas rien d'entendre quelqu'un affirmer qu'il pourrait en être autrement, qu'un homme pourrait être payé suffisamment pour se nourrir et se loger."
# Vers, espérons-le,
Des jours meilleurs # Hier, aujourd'hui # Là-bas, ici
Après un voyage en 2084 et le futur réjouissant (comics) de -we live-, petit saut dans le passé, sur un autre continent, au début du 20e s. Ce roman a comme une résonance étrange avec aujourd'hui et ici (cfr prix du gaz, de l'électricité, de l'essence, montant du dernier ticket de courses, bousculade au portillon des CDI, grèves et manifestations, etc....)
Etat de Washington, 1909, Rye, 16 ans se retrouve seul après le décès de sa mère. Unique possibilité, rejoindre son frère aîné, Gig, 23 ans, et adopter une vie de nomade, voyageant sans cesse d'une ville à l'autre en recherche d'un travail pour se payer de quoi manger et essayer de survivre.
Spokane, en pleine expansion, semble l'endroit rêvé pour se poser et gagner sa vie. La ville attire des migrants de tous horizons: finlandais, chinois, croates, serbes, irlandais en plus des victimes de la conquête de l'ouest, tel Jules, vieil indien de 60 ans, acheté à 10 ans par un blanc. (la ville tire son nom de la tribu des enfants des étoiles dont il est issu)
Pourtant là comme ailleurs, le fossé se creuse entre les richissimes propriétaires
de mines et les pauvres. Les travailleurs sont exploités par les premiers, grugés par ceux qui leur vendent 1 $ (de l'époque, voir l'inflation) l'accès au travail, s'entendant avec les patrons pour se partager ensuite les gains et les expulser de la ville telles des vermines.
Pour y maintenir ordre & moralité: des policiers adeptes de la matraque. Pour divertir et faire dépenser leurs cents aux ouvriers: du whisky & des prostituées. Qui tire(nt) les ficelles de ce ballet bien orchestré ? Là est une partie de l'intrigue et du mystère qui plane sur The Cold Millions (en vo).
C'est dans cette situation sous poudrière qu'apparaissent les wobblies, membres du IWW, Industrial Workers of the World, à souligner que c'est le premier syndicat à avoir accueilli dans ses rangs TOUS les travailleurs quels que soient leur sexe (femmes, hommes), leur couleur (noirs, blancs), leur religion ou leurs origines (immigrés, natifs). Ils cherchent à obtenir un meilleur salaire et
de meilleures conditions d'emploi.
Ils seront rejoints en ce sens par une jeune suffragette, Elizabeth Gurley Flynn, qui, pour l'époque, est loin d'avoir la langue dans sa poche.
"« Sauf votre respect, monsieur, répondit-elle, je pense que la justice, économique ou autre, ne pourra pas exister, pour n'importe quel être humain, tant que nous n'aurons pas, une bonne fois pour toutes, émancipé le vagin. »
Son but: récolter un maximum d'argent pour organiser la défense des travailleurs et se battre pour le droit à la liberté d'expression.
Le tout jeune Rye, ado aux oreilles en forme de chou-fleur comme le gamin de la couverture, tombe sous le charme de la fougue et de la détermination de la rebelle suffragette; il épouse bientôt la cause des syndicalistes. Des 2 frères, c'était pourtant l'aîné Gig qui y semblait le plus prédisposé par sa nature et sa scolarité, malgré un penchant certain pour les jolies femmes et leur puma (Ursula la grande). L'histoire en décidera autrement.
Dans ce roman historique fictionné,
Jess Walter nous fait découvrir Gurley, une rebelle moderne qui était loin d'avoir froid aux yeux et nous entraîne avec les deux frères Dolan dans les premiers pas des syndicalistes wobblies ouverts à un mon
de meilleur où tous seraient égaux face au travail et à l'argent: femmes, hommes, noirs, blancs, indiens, chinois, --- vers (?)
--- vers (?) ---
Des Jours Meilleurs (?)
Si je connaissais l'existence des travailleurs nomades, merci à Charlie Winston pour son 'Like a hobo', les wobblies (syndicalistes IWW) et la suffragette Elizabeth Gurley Flynn m'étaient totalement étrangers.
Les 500 pages de l'histoire touchante des deux frères Dolan ont donc été assez riches en enseignements: luttes pour l'emploi, répression des contestataires, conservatisme des journaux, discordes dans les rangs des travailleurs, ligue
de moralité, suffragettes, anarchistes, agences de détectives, etc.
C'est la couverture particulièrement bien choisie de la version française qui m'avait attirée: un cliché noir et blanc de
Lewis Wickes Hine, sociologue, pionnier du documentaire photo dénonçant les conditions de travail des enfants et la misère sociale au début du 20è siècle.
Les oreilles en forme de chou-fleur du gamin, l'impression qui se dégage, à la fois de jeunesse et de tellement déjà vécu et enduré m'ont 'séduite'. le récit bien documenté, rendant hommage au grand-père 'hobo' de l'auteur et à son père syndicaliste, fictionné à partir de certains faits et personnages réels ont achevé
de me séduire.
Choix du titre également en raison de l'éditeur qui m'avait fait découvrir en 2020 l'écriture de
William Melvin Kelley (
Un autre tambour,
Jazz à l'âme) et la jeune auteure chinoise
An Yu,
Porc braisé.
Le présent comme une répétition du passé, et nous (à nouveau & encore) en attente
de (s) jours meilleurs ?
"Quelques-uns vivaient comme des rois, les autres étreignaient la terre jusqu'à ce qu'elle s'ouvre pour les accueillir."
Il nous reste à espérer et à nous 'battre' pour qu'ils arrivent bien vite
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Des jours meilleurs, le 8 juin 2022 @ La Croisée via # NetGalley France