ICARE
II
Métal ailé l'avion vole
au vent lumineux, les éclairs
de soleil aux flancs, l'auréole
de lune à hélice ; mais l'air
qu'il chante est-ce l'hymne d'Icare ?
Plus que la flûte d'alouette le matin,
ou le fifre le soir, que rien ne contrecarre,
de l'aigle, dans l'espace aux bords déjà éteints
les orgues de plein sang jaillirent en fanfares
verticales quand l'homme fait oiseau monta.
Flèche vivante il fut son propre sagittaire
libre, et perçant le ciel de tout un poids de terre.
Comment savoir si l'altitude le dompta
et s'il fondit d'une chaleur autre qu'humaine,
ou si vainqueur des hauts plateaux il perdit pied
dans le gouffre où leur courbe aux confins les entraîne ?
Le gouffre où les dédales du sol nous ramènent :
qui dira si la chute est un crime expié ?
ICARE
III
Tout est Icare !
O le désir de rompre les amarres
sans parachute, ô cœurs trop détachés !
Le galet roule un rêve de rocher
l'herbe se berce en folle arborescence
la mer aspire au ciel de sa naissance
et l'amour, le corps à l'âme arraché,
se consume.
Extase nocturne, balance
icarienne entre le poisson et l'oiseau :
la chair nage dans l'air et vole dans les eaux.
Mais l'ange aux membres couverts d'ailes
échappe-t-il à l'ultime pesanteur, celle
qui fait basculer de l'autre côté ?
Le désir du galet de l'amour et de l'herbe
de l'ange dont le nom fut porteur de clarté
surpasse-t-il l'impatience faite Verbe,
le cri — délivrez-nous des mots, ainsi soit-il —
qui monte au ciel prophétisé ?
Mais que voit-il
dans la splendeur silencieuse qu'il échancre ?
une plume flottant sur un océan d'encre.
ICARE
I
Le ciel au-dessus de la mer
est vaste ; les pulsations
des vagues aux tempes de l'air
dévalorisent l'horizon :
C'est toujours au-delà que le monde commence.
Il n'est soleil tombé qui ne remonte, immense,
la pente de la nuit ; il n'est à l'autre bout
du jour dôme affaissé qui ne laisse debout
un pan d'azur à mesure que l'ombre avance :
de tous côtés la voûte s'ouvre à perte d'arc.
Là-haut comme là-bas la même haleine
animale essaime et la même laine
moutonne à fond d'herbage bleu de parc.
Entre la nue et l'eau si la mouette hésite,
si plus que l'arrivée importe le départ,
le vol est sage que la chute précipite
au but : le ciel enveloppant la mer de toutes parts !
Littérature
Emission publique présentée par François-Régis BASTIDE et
Michel POLAC consacrée à la
littérature en compagnie des critiques, Nicole VEDRES, Guy DUMUR,
Luc ESTANG,
François NOURISSIER,
Robert KANTERS et l'invité de la semaine, l'écrivain
Alain ROBBE-GRILLET. Les intermèdes musicaux sont interprétés à la guitare par Romano.
- Courrier des auditeurs
- à 03'15" : "Luna Park" d'Elsa...