À l’enfant qui inventait
Fut-il saisi par l’Idée,
ce petit miroir à la main d’un enfant ?
Il l’applique soudain sur la grande glace.
Il n’y peut voir mais sait-il,
tain sur tain, la perte du visage,
la naissance du tout contre,
ce cercle qu’il a créé de nuit néante,
où vivraient pour quel jamais
les fleuves sans chevelure,
les faces nord sans paroi
et les houles sans surface,
les tertres sans sépultures ?
A-t-on là laissé le vêtement,
oublié la peau
sans garder nul reste d’avenir
et pas même le temps sur les os ?
Le soir, nous parlerons de silence :
il faut se couler au bas des marches
et regarder les jarres dormir,
il faut humer des yeux ces vieux murs
— poussières d’insectes, de mortier,
cendres de spores, d’araignes —,
débusquer la lumière jamais traduite,
la beauté sans cri.
Sommes-nous pas la nouvelle rive,
la crête la plus profonde,
la descente à plus tard et son chemin d’ombre ?
Atteindre au plus loin de l’or
l’île de ténèbre,
encourir l’enfouissement de l’éclair,
sa partie basse d’ocre et d’oubli,
de reproche, de mystère :
le soir sait lire ces lettres de silence,
calciner leurs grappes.
Le soir nous instruit,
nous dévaste de son calme.