Avec délicatesse, et l’émotion nécessaire pour transfigurer cette longue nuit, elle refait le chemin de leur séparation, partageant avec le lecteur, et l’être aimé, ses interrogations sur la folie, l’amour, la folie de l’amour, comme sur ce qu’est la poésie, qu’elle recherche dans tous les arts.
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SUPPLIQUE AU PÈRE MORT
Venisti
extrait 3
Mais le père me regarde sans répondre. Pas
Un mot. Le savoir pourtant. Toute sa vie
Le père a été un Sisyphe. Il avait une énorme
Pierre sur la langue qui l’empêchait de parler.
Il a passé sa vie à essayer de soulever cette pierre
Et de la faire sortir de sa bouche. Mais la pierre
Glissait à chaque fois dans la gorge jusqu’au
Tréfonds de l’œsophage. Serais-je descendue
Jusqu’à lui au royaume des morts pour découvrir
Que même dans la mort il est resté muet ? Même
Dans la mort ? Ou n’est-ce qu’avec moi qu’il est ce mort
Muet ? Souffrant dans tous les os tenter alors
D’étreindre de mes bras ouverts le père
Mort Mais ne pas y parvenir Son corps
Mort toujours m’échappe L’étreinte
Impossible dans la vie l’est-elle aussi dans la mort ?
« Par trois fois Énée tenta d’entourer de ses bras le cou de son père ;
Par trois fois en vain il a saisi l’image qui lui échappe des mains,
Telle une brise légère, et très pareille à un songe qui s’envole. »
« Par levibus ventis volucrique simillima somno. »
Tandem
Carnet d’hôpital
(soliloque)
On dit : « Toucher le fond »
Mais y en a-t-il seulement un
« Fond » quand tout s’effondre ?
SUPPLIQUE AU PÈRE MORT
Venisti
extrait 1
Avoir au profond du crâne mémoire d’Énée
Descendu aux enfers pour revoir son père mort.
Hantée par le rugueux livre six de L’Énéide
Descendre chaque nuit d’insomnie à la recherche
Du père mort. Qui d’autre pourrait m’aider
À trouver le mot qui manque ? Me mettre au moins
Sur le chemin ? Mais descente est rude. Longtemps
Impraticable. Interdite ? Tomber. Tomber encore.
Tête brûle de tant chercher et descendre à pic.
Parvenir enfin une nuit rougeoyante au royaume des morts
(Mais n’est-ce pas un songe ?)
Trouver le père occupé à tailler une rose
Dans sa propre chair. La reconnaître aussitôt :
C’est la rose du Rhin qu’il a essayé
De faire éclore toute sa vie entre la France
Et l’Allemagne. « Die Rose am Rhein. »
…
SUPPLIQUE AU PÈRE MORT
Venisti
extrait 2
Avoir dans l’oreille les mots par lesquels Anchise
Mort a accueilli son fils Énée descendu aux enfers :
« Venisti tandem ! » « Tu es venu enfin ! »
Aurais tant aimé que le père m’accueille
Par cette formule en français ou en allemand :
« Endlich bist du gekommen ! » Hélas
Rien. À ma vue le père ne dit rien. À ma demande
Du mot qui manque le père ne dit rien non plus.
Lui parler très bas : « Père aimé tu as été si souvent
Muet dans ta vie. Ne le sois pas dans ta mort. Suis
Venue de très loin pour te revoir enfin. Te dire mon
Amour. Te demander de m’aider à trouver le mot
Qui manque. Pour sauver celui que j’aime.
Je t’en supplie. Réponds-moi. Je t’en supplie. »
…
Miserere
(chœur a capella)
Pitié pour les hommes-nuages
Qui combattent effroi aux frontières
De la folie Humains sans être humains
N’en faites pas des proscrits
des hors-la-vie
Au-delà des séjours vitaux
Premier secours urgence
Sauve-qui-peut accident mental
Hôpitaux peuvent être lieux où devenir
« Fou »
Ô vous mes frères énigmatiques et si maigres !
Pitié pour vos cerveaux qui crient
D’absolu dans la nuit spirituelle
Pitié pour vos crânes lourds de savoir
Qui éclairent la terre de chacun
De leurs os Pitié pour vos crânes
Avec de grands trous noirs
8
La mer sait.
Le mot que tu cherches
N'est pas seulement un mot.
Mais un mot-geste
Par lequel porter secours.
Un mot qui porte
L'autre
Comme la mer te porte
Quand tu nages.
La mer sait.
Mot-geste
Il brille dans le limon
Obscur de la poésie
Quand les voyelles
Tremblent
De toute leur chair
ouverte
Avec Arthur H, Rim Battal, Seyhmus Dagtekin, Maud Joiret, Sophie Loizeau, Guillaume Marie, Emmanuel Moses, Anne Mulpas, Suzanne Rault-Balet, Milène Tournier, Pierre Vinclair & les musiciens Mathias Bourre (piano) et Gaël Ascal (contrebasse)
Soirée présentée par Jean-Yves Reuzeau & Alexandre Bord
Cette anthologie reflète la vitalité impressionnante de la poésie francophone contemporaine. Quatre générations partagent des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 17 ans, les plus âgés sont nonagénaires. Ils sont ainsi 94 à croiser leurs poèmes sur la thématique du désir, un mot aussi simple que subversif.
ADONIS – ARTHURH – Olivier Barbarant – Linda MARIA BAROS Joël BASTARD – Rim BATTAL – Claude BEAUSOLEIL – Tahar BEN JELLOUN – Zoé BESMOND DESENNEVILLE – Zéno BIANU – Carole BIJOU – Alexandre BONNET-TERRILE – Alain BORER – Katia BOUCHOUEVA – Julien BOUTREUX – Nicole BROSSARD – Tom BURON – Tristan Cabral – CALI – Rémi Checchetto – William CLIFF – François de CORNIÈRE – Cécile COULON – Charlélie COUTURE – Laetitia CUVELIER – Seyhmus DAGTEKIN – Jacques DARRAS – Michel DEGUY – Chloé DELAUME – René Depestre – Thomas DESLOGIS – Ariane DREYFUS – Renaud EGO – Michèle FINCK – Brigitte FONTAINE – Albane GELLÉ – Guy GOFFETTE – Cécile GUIVARCH – Cécile A. HOLDBAN – Philippe JAFFEUX – Maud JOIRET – Charles JULIET – Vénus KHOURY-GHATA – Anise KOLTZ – Petr KrÁL – Abdellatif LAÂBI – Hélène LANSCOTTE – Jean LEBOËL – Yvon LE MEN – Perrine LEQUERREC – Jérôme LEROY – Hervé LETELLIER – Sophie LOIZEAU – Lisette LOMBé – Mathias MALZIEU – Guillaume MARIE – Sophie MARTIN – Jean-Yves MASSON – Edouard J.MAUNICK –
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