"Suis-je
le gardien de mon frère" ? Genèse, IV, 9
Deux frères dans la pièce de Pinter, et un homme, sans abri, que l'un des frères ramène chez eux, dans leur taudis. Les deux frères vivent plus ou moins ensemble et le sans abri tentera d'une drôle de façon de prendre la place de l'un ou de l'autre, juste pour avoir un coin où dormir, pour y vivre ou y mourir.
Qui garde qui dans cette pièce ? Qui est
le gardien ? le sans-abri à qui on propose un job de gardien ? le frère qui prend sous son aile, au début, le sans-abri ? L'autre frère qui héberge son frère ?
Le message de fraternité et de solidarité sous-jacent est parasité dans la pièce par des silences répétés, par des bruits gênants comme celui de la goutte dans le seau d'eau, par les bruits suggérés du frère qui bricole tout au long de la pièce, toujours sur la même pièce, parce que le travail ne se fait pas, et du coup, rien n'avance dans les travaux de la maison qui est une maison délabrée, dévastée, encombrée par tout un tas de bric-à-brac sans valeur, et la maison reflète les dialogues de la pièce, qui virent souvent au monologue parce qu'on ne s'écoute pas, qu'on se perd dans les méandres de sa pensée, comme si on se devait de fouiller dans les tiroirs des meubles cachés sous le lit à chaque fois qu'on cherche une phrase à balancer à l'autre. Parfois, on sort un couteau et on s'attend à la reproduction du geste de Caïn sur scène, à un meurtre mais le meurtre reste symbolique dans la pièce, comme si l'on tuait l'autre, si différent, autrement, par son indifférence, peut-être.