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EAN : 9782714305015
414 pages
José Corti (08/03/1999)
3.75/5   2 notes
Résumé :
Intégrale des contes de Xavier Forneret (1809-1884), considéré par André Breton comme l'un des précurseurs du surréalisme.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
À ce moment, quelque chose d’assez épais …
 
 
À ce moment, quelque chose d’assez épais et qui ressemblait à une lanière de cuir descendit du haut de la Chambre, m’arriva juste à la bouche, comme un secours. Je la saisis ou je le saisis, (lanière ou secours,) des deux rangées de mes dents qui riaient de mordre tant il y avait d’impatience et d’irritation en moi. Une fois ainsi fixée, ma rêne protectrice essaya de la force de ma mâchoire, se tendit fortement, et m’enleva comme une dent, sans la moindre douleur, c’est-à-dire que je souffrais horriblement. Je remorquais le fauteuil qui n’était pas d’un faible poids, je vous assure et me balançant ainsi dans l’air dans cette nacelle d’un nouveau genre, j’aurais bien désiré laisser ma tête à la corde, et regagner la Terre sur les quatre roulettes de ma voiture volante. Je ne songeais plus guère à mes femmes et à leur musique de larmes, je crois même que j’envoyais la totalité de cela au Diable comme j’y étais moi-même, quand, la rase au cœur, et à la partie du visage avec laquelle nous commettons tant de péchés de toute sorte, en gourmandise, médisance, calomnie mauvaise foi, luxure, quand, mes poings crispés, et mes jambes tirant l’épée sans principe et sans mesure, — mon corps s’apprêtait à s’anéantir en recommandant son âme au Très Haut, je fus libre, et débarrassé de tout, tout à coup, libre de marcher pour regarder de près. Mais, m’étant avancé assez longtemps, tandis que les objets qui surexcitaient ma curiosité reculaient toujours, je les atteignis enfin par un bond qu’ils ne prévoyaient pas. J’avais sauté où ? — Sur mon Pompadour, où je jouais admirablement au sommeil ; car, je me retournai sur son côté gauche, et voici ce qui s’offrit de nouveau à moi.
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Une femme magnifiquement blanche…
 
 
Une femme magnifiquement blanche et nue, à chair rose et pleine,
de celle qui caresse en le repoussant de son élasticité le doigt qui
s'appuie sur elle – avec une chevelure et des prunelles trempées
dans l'encre d'un enfer qui tente ; avec une taille fine à prendre
avidement, bien qu'elle eût été écaillée de rasoirs, une poitrine
rebondie ornée de deux fraises divines, et cela sortant de deux hanches
prononcées par la volupté qui devait être leur mère ; et enfin avec
des pieds et des mains, des pieds à baiser pour être à genoux devant
les mains ; ‒ cette femme s'avança, un bonheur à la main gauche,
car il y avait au bout des cinq petits membres qui la composaient
les cinq lettres du mot AMOUR comme autant d'ongles admirablement
taillés, unis et transparents.
    Dans la droite elle tenait un petit temps avec de grandes ailes
et une grande faulx en croix, qui regardait ces lettres.
    Les deux mains se rapprochèrent, et la faulx de l'une coupa
l'amour de l'autre.
    Des gouttes d'une matière noirâtre jaillirent de cette amputation,
et après ce coup du temps qui disparut, les cinq lettres, semblables
à un grain de blé qui procrée de son unité un grand nombre, et teintes
de ce liquide noir, produisirent chacune (sur une écharpe verte qui
alla décemment s'attacher à cette femme), ‒ ceci :
  A          M        O          U        R
Amour   Mensonge   Orage    Uniformité  Rupture
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Ces trois femmes créées …
 
 
Ces trois femmes créées, oh bien par enchantement ! puisque leur apparition n’avait laissé aucune trace visible de leur entrée, se faisaient particulièrement remarquer par ceci : leurs jambes charmantes, effilées, amoureusement nues jusqu’à leurs pieds chaussés de souliers de marbre blanc, étaient de bronze rouge — comme du sang dans de la neige. Tout le reste d’Elles vivait, et vivait doublement de cette vie qui avait abandonné, ou plutôt qui semblait avoir abandonné cette partie de leur corps pour se concentrer dans une autre : seulement elles ne pouvaient faire un pas, et je les comparais à-peu-près par ce motif à ces naines et géantes qui ont les unes — leur petitesse aux genoux, — les autres, leur grandeur aux pieds.

Les visages de ces trois femmes étaient caractérisés au-delà de toute expression, l’une avait des yeux noirs et des cheveux blonds : la seconde le contraire, c’est-à-dire des yeux bleus ; la troisième enfin, et qui se tenait au milieu, avait une chevelure et des yeux noirs. Leur teint était comme leurs dents, d’une pureté excessivement belle, et le rosé de leurs lèvres un peu roulées comme celles des Andalouses, éblouissait.

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Si j’avais l’air d’un accusé en présence de ses juges …
 
 
Si j’avais l’air d’un accusé en présence de ses juges, il faut convenir que la sellette où je siégeais n’avait rien de durement pénitencier et qu’on chercherait volontiers à être un délinquant, ne fût-ce que pour s’emboîter un instant dans une semblable Paresseuse, et y sommeiller quelques quarts d’heures. Vous me direz : « On ne dort guère en face de ses juges. » À cela je vous répondrai : c’est vrai, — il est urgent que dans certain tribunal, si quelqu’un endort, tout le monde ne dorme pas. Mais, au surplus, j’étais posé là comme un auditeur bénévole, heureux d’entendre, à si peu de frais et si commodément toutes les paroles arrangées dans tous les sens, du dieu de la Musique. Vous allez me demander, peut-être, — si tant est que vous preniez la peine de m’interroger : « Mais vous ne nous avez point encore expliqué par qui ces paroles harmoniques étaient prononcées. Du reste, il nous est facile à présent de nous en douter, puisqu’il y avait là trois femmes et une harpe. » Oui : seulement, vous pensez naturellement que leurs jolis doigts, qui n’avaient de certain marbre qu’une blancheur rosée, sympathisaient avec les cordes de l’instrument, pour que cette confraternité produisît des discours de l’âme. Vous vous trompez et rien, en cela, n’est surprenant, car qui s’imaginerait que de grosses larmes transparentes comme des perles s’échappaient de leurs beaux yeux et de leurs langoureuses paupières, prenaient le chemin des doigts prêts à se mouvoir, rejaillissaient sur ces [cordes] tendues d’or et d’argent pour en parcourir les extrémités avec une adresse et une netteté certainement extraordinaires.

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Jusqu’alors, et bien que je fusse attentivement occupé …
 
 
Jusqu’alors, et bien que je fusse attentivement occupé à regarder ces femmes, le concert continuait toujours à ravir. Je commençais à me demander avec impatience si je ne verrais pas bientôt les gens ou les choses qui y donnaient lieu, quand une harpe immense se posa devant Elles ; quand je dis une harpe, c’était un grand ovale tout tendu de cordes et sans pédales. En effet, à quoi eussent-elles servi, si ce qui doit les faire mouvoir ne changeait pas de nature. En même temps, un fauteuil arriva derrière moi avec le bruit d’une voiture sur des dalles et le choc que j’en reçus dans les articulations qui joignent les jambes aux cuisses me fit tomber dans ses bras. Je m’y étirai le mieux du monde, comme un homme qui monte pour la première fois dans une diligence, et qui vous répète à la moindre gêne qu’il éprouve ou à la plus minime complaisance à laquelle il ne veut pas se prêter quand même, « monsieur, j’ai payé comme vous » ou bien encore comme un bon bourgeois qui se croit dispensé de tout soin et de toute convenance ailleurs que dans sa sphère, et qui saisit une des deux cornes dont il est propriétaire, faisant de moitié avec son voisin, — les embouche, et vous crie à tout propos aux oreilles : « J’ai les ouvriers, — ou — ma femme est malade. » Voilà comment je pris possession de ce fauteuil. Je bénis la main tutélaire quoique bruyante et impalpable qui me l’avait avancé, car peu s’en fallait que, fier comme un philosophe pauvre, je ne m’abaissasse jusqu’à la terre et lui disse : — Je daigne m’asseoir sur toi, — étant depuis fort longtemps debout, sans le plus léger cordon pour me soutenir, sans la plus faible canne pour m’appuyer. En récompense de m’avoir fait attendre, le fauteuil était très confortable et très spirituellement confectionné, quoiqu’en aucune manière académique. Je plongeais dans de la ouate habillée de velours, et des roulettes tournaient délicieusement dans les quatre membres qui les retenaient, et s’amusaient à me promener quelque peu en avant, en arrière et de côté.

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Vidéo de Xavier Forneret
CHAPITRES : 0:00 - Titre
R : 0:06 - RÉFLEXION - Jean Cocteau 0:14 - REMARIAGE - Armand Salacrou 0:28 - REMORDS - Pierre Reverdy 0:39 - REPOS - André Prévost 0:50 - RÉVOLUTION - Maurice Chapelan 1:06 - RICHESSE - Félicité de Lamennais 1:18 - RIDICULE - Jules Noriac 1:32 - RIRE - Jean de la Bruyère
S : 1:42 - S'AIMER - Henri Duvernois 1:52 - SAGESSE - Frédéric II 2:04 - SAVOIR-VIVRE - Saint-Évremond 2:15 - SCEPTICISME - Louis-Désiré Véron 2:24 - SE COMPRENDRE - Romain Coolus 2:34 - SE TAIRE - Comte de Voisenon 2:45 - SE TUER - Théophile Gautier 2:56 - SINGE - Jean-Baptiste Say 3:08 - SOLITUDE - Maurice Toesca 3:18 - SUICIDE - Alexandre Dumas fils
T : 3:29 - TEMPS - Jean Martet 3:41 - TÊTE - Yves Constantin 3:54 - TOMBE - Xavier Forneret 4:04 - TRAVAIL - Jules Renard 4:19 - TROMPERIE - Sainte-Beuve
V : 4:30 - VALEUR - Marivaux 4:40 - VÉRITÉ - Louise d'Épinay 4:51 - VERTU DES FEMMES - Ninon de Lenclos 4:59 - VIE - Louis Aragon 5:10 - VIE ET MORT - Rastignac 5:22 - VIEILLE FEMME - Charles de Talleyrand-Périgord
5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/ Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1 Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
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