Stupidement déçu par ce livre !
Et c'est bien fait pour moi !
Qu'étais-je venu chercher ici ?
L'écho de mon propre passage dans ce train mythique ?
Sans doute, mais nada ! et c'est bien normal,
Pierre Gascar raconte son Transsibérien, un peu de ce qu'il y a vu, ce qu'il y a vécu, et ce qu'il en avait fantasmé de par ses lectures, ses mythes personnels, sur l'Asie centrale et la révolution de 1917.
Je n'avais pour ma part pas cogité sur ce voyage, il n'était pas prévu.
C'est en 1991 à Pékin, alors que je projetais de boucler un tour du monde par l'Est, que se présenta l'opportunité de rentrer en France par le train .
Monkey business, une organisation plus ou moins officielle, commercialisait des billets en provenance d'Europe de l'Est.
Légalité et fiabilité de la transaction me paraissaient floues mais la modicité du tarif (100 $ US pour un Pékin / Paris), le côté légendaire du train et l'insouciance de la jeunesse l'avaient emporté sur la prudence.
Le billet en poche, passage incontournable à l'ambassade d'URSS où la délivrance des visas ressemblait à une sorte de loterie. Tout le monde obtenait son visa mais c'est le tarif qui fluctuait en fonction de la position diplomatique prise par le pays du demandeur face à la récente invasion des Pays Baltes par l'armée rouge.
Le mien fut modique alors qu'un camarade Québécois fut lourdement taxé. Aucune trace de visa sur nos passeports, un carton marron clair tamponné en cyrillique en faisait office et devait nous être repris à la sortie du pays.
Petite différence,
Pierre Gascar a emprunté le Trans-mandchourien via Harbin, j'ai embarqué dans le Trans-mongolien, les deux parcours se rejoignent il me semble vers le lac Baïkal.
Mes souvenirs du train sont vagues, le wagon restaurant était chinois jusqu'à la frontière russo-mongole où il fut remplacé pour notre plus grand désarroi car, si les premiers repas russes furent enthousiasmants, une pénurie drastique s'installa rapidement jusqu'à Moscou.
Les passagers "westerners" avaient été regroupés dans un même wagon, je partageais un compartiment relativement confortable avec un Québécois et deux Néo-zeds, couchette du haut.
Un sympathique Polonais monopolisait à lui seul le compartiment contigu, un barda invraisemblable occupait les 4 places qu'il avait réservées. Il commerçait, nous dit-il, entre Hong Kong et la Pologne, distribuant dollars et marchandises au fil des frontières en guise de bakchichs.
Du départ j'ai tout oublié, la Mongolie ressemblait à un vaste terrain de golf, sa monotonie verte sporadiquement brisée par une yourte blanc-sale et quelques chevaux parfois montés.
L'arrêt prolongé à Oulan-Bator fut l'occasion d'une glace chimique sur le quai accompagnée d'échanges laborieux avec la jeunesses locale.
Le passage de la frontière reste plus précis dans ma mémoire, comprenez-moi, j'entrais en URSS, derrière le "Rideau de Fer", j'étais attentif.
Au final, il faisait nuit, l'arrêt fut long, en raison d'un écartement différent des voies ferrées en URSS, les boggies devaient être changés. Une petite cabane en bout de voie faisait office de bureau de change. L'opération était obligatoire mais le montant libre, j'ai changé 5 dollars, ce fut ma seule opération bancaire officielle dans le pays.
Le train longea ensuite le lac Baïkal bordé de conifères puis se fut le vide, d'immenses plaines comme dans la chanson, de temps à autre un isba et des peupliers, pendant des journées entières.
De nombreux arrêts où montaient et descendaient quelques passagers et autres vendeurs ambulants jusqu'à celui-ci, particulier, Novossibirsk? Omsk?
Sur le quai les visages blafards n'avaient plus les yeux bridés, nous étions passés en Europe!
Arrivé à Moscou, un logement clandestin dans une sorte de HLM vétuste obtenu auprès de jeunes rabatteurs à la gare contre une poignée de dollars.
Puis ce fut le métro incroyablement luxueux, la Place Rouge, Sainte Basile, la visite à la momie du camarade
Lénine alors que, quelque semaines plus tôt, j'avais renoncé à celle de Mao sur Tian'anmen.
A l'entrée du mausolée, l'un des gardes me refourgua sa montre (army watch) et sa ceinture pour quelques dollars de plus.
A aucun moment je me sentis surveillé, pas plus dans le train qu'à Moscou.
Le visa n'étant valable qu'une dizaine de jours, je repris le train pour Budapest, puis Prague et Strasbourg où le contrôleur SNCF(collectionneur sans doute) échangea gracieusement mon billet Pékin/Paris contre un autre à destination de ma région natale.
Quelque semaines plus tard j'assistais à la télé aux dernières convulsions de l'Union Soviétique,
Boris Eltsine debout sur un char.
Je présente des excuses tardives à ceux qui venaient en savoir plus sur le récit de
Pierre Gascar. Je me suis complaisamment laissé emporter par le flot nostalgique du souvenir.