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EAN : 9782246824176
480 pages
Grasset (04/11/2020)
3.25/5   6 notes
Résumé :
Le 30 décembre 2019, Carlos Ghosn est devenu le fugitif le plus célèbre de la planète, quand le monde entier a découvert, à la une des journaux, que l’ancien patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi avait réussi à s’échapper du Japon, où il était en résidence surveillée, après avoir été embastillé 130 jours au centre de détention de Kosuge, à l’issue d’une arrestation surprise le 19 novembre 2018.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voici un livre attendu : Ghosn qui dévoile sa version de l'incroyable arrestation qu'il a dû subir au Japon. Publié en novembre 2020, deux ans après l'arrestation de Ghosn et 10 mois avec son évasion invraisemblable, “Le Temps de la Vérité” va un peu plus loin, car 300 des 480 pages traitent en fait du parcours de Carlos Ghosn dans l'industrie automobile depuis 20 ans, quand les 180 premières traitent spécifiquement de l'arrestation et de l'incarcération de Ghosn.
Malgré une grande précision dans la description de l'arrestation (première partie du livre), l'impression globale laissée par cet essai double est un curieux mélange de déception et de malaise.

Déception car le livre arrive un peu tard, et ce d'autant qu'il ne révèle pas grand-chose par rapport à ce que l'ex grand-patron avait déjà avancé dans plusieurs conférences ou interviews depuis son arrestation. Nissan a collaboré avec la justice japonaise pour faire tomber Ghosn, en violant de la loi japonaise même (pourtant peu laxiste envers les inculpés), avec très peu d'éléments à charge, et dans des conditions inédites pour de tels faits. le livre montre bien ce “deux poids deux mesures” hypocrite qui caractérise le système judiciaire japonais, au détriment de l'étranger, et à l'avantage de l'entre-soi du patronat nippon. Mais malgré tout, rien de très nouveau pour qui a suivi de près l'affaire. Pour les autres, je recommande les 180 premières pages de l'ouvrage, qui montrent de façon édifiante la façon dont un pays de réputation démocratique peut dénier des principes élémentaires d'état de droit dans un contexte de nationalisme économique clairement xénophobe.

Déception encore car la curiosité un peu voyeuriste d'en apprendre davantage sur les conditions de l'évasion n'est pas assouvie par ce livre, qui fait le choix de ne pas en parler “pour ne pas mettre en danger” les participants à l'opération.

Déception enfin car après être passé de maître tout-puissant d'un empire industriel à ennemi public n°1 au Japon en une journée, Ghosn n'a pas tiré profit de son éloignement des responsabilités pour commencer une forme sinon de mea-culpa, du moins de retour critique sur l'exercice de son pouvoir. Non, s'il se montre plus que jamais combatif, il apparaît toujours aussi hors-sol qu'au moment de sa chute. Un exemple typique : pas un mot pour justifier le fait que l'appartement acheté par Nissan pour son usage exclusif au Brésil est situé à Rio, et plus précisément à Copacabana (!!), alors que 1) la vie économique brésilienne n'est pas du tout à Rio, mais à Sao Paulo 2) que toutes les activités commerciales et de direction régionale de Renault et de Nissan sont à Sao Paulo 3) que le pouvoir politique, de toute façon, est à Brasilia 4) que Copacabana est le lieu le plus cher de tout le pays ! Autre exemple : pour lui, avoir fait l'X et les Mines, mais pas le corps des mines ferait de lui un "outsider" dans le paysage du patronat français...

Ce qui rend cette lecture un peu malaisante, c'est le ton du bouquin, écrit à quatre mains par Ghosn et Philippe Riès, journaliste avec qui il avait déjà coécrit un premier livre, “Citoyen du Monde”, en 2003. Ton étrange d'un livre où les propos de Ghosn sont cités avec des guillemets, où Philippe Riès, qui a manifestement écrit l'essentiel du livre, parle de lui à la troisième personne et sert la soupe à son co-auteur sans sens critique ; et surtout où tout sens de la nuance a disparu, où il y a les bons et les mauvais. Les bons, ce sont les martyrs, ceux qui ont été du côté de Ghosn bien sûr, et qui, tous très compétents et n'ayant jamais fait d'erreurs, bénéficient dans ce livre d'une tribune d'expression privilégiée. Les mauvais sont sans surprise l'Etat français (1er actionnaire de Renault), J.-D. Sénard (le nouveau président de Renault, successeur de Ghosn en tant que leader de l'Alliance), Hari Nada (le Brutus de cette histoire) et surtout, le clan japonais, le “Vieux Nissan”, ces derniers ayant le défaut de cumuler le statut de “mauvais” et de “méchants”. Preuve que la rancune est toujours là, rien de ce que ces “mauvais” - qui n'ont bien sûr pas pu s'exprimer pour défendre leur point de vue - ont pu faire depuis deux ans ne trouve grâce aux yeux d'un Ghosn qui a réponse à tout et qui lui, a toujours tout bien fait.

Et c'est là l'aspect le plus dérangeant de ce livre. Car même s'il a été un incontestable grand patron, Carlos Ghosn a le défaut très pénible de tirer à lui toute la couverture. Il annexe à sa gloire tous les succès de Renault et de Nissan depuis 20 ans, et externalise les échecs, alors qu'il a été tout puissant pendant des années (et il est bien placé pour le savoir) sur la structure originale qu'est l'Alliance. Pas un mot par exemple, pour expliquer les succès de ses entreprises, pour ses collaborateurs, “grands” ou “petits”, ou pour l'un des corps de métiers dont il a pu apprécier la compétence. Comme si le succès d'une entreprise se jouait à la direction générale (donc chez lui), comme si un concept innovant, un design réussi, une conception intelligente ou un bon lancement de produit étaient dûs au PDG... Alors qu'à plusieurs reprises il insiste sur l'efficacité des opérations comme clef de la réussite dans l'industrie auto, on ne voit rien d'autre que la stratégie d'un homme dans les réussites d'un ensemble de 450 000 personnes...

Symétriquement, il essaie de faire porter le chapeau de l'échec nord-américain de Nissan North America à son successeur Saikawa (qu'il a lui-même nommé !), en justifiant cela par le fait que le marché nord-américain est réactif (ventes sur stocks) et donc que l'impact des décisions stratégiques y est plus immédiat. Tout en oubliant l'aspect le plus important : le plan produit, qui lui, est directement issu des décisions approuvées par Ghosn en tant que DG de Nissan jusqu'en 2018 (un produit auto mettant jusqu'à 5 ans à être conçu et développé et étant produit et commercialisé 7 ans environ). Et comme Ghosn est extrêmement compétent et expérimenté, il va de soi que ce genre d'oubli est volontaire, et qu'il compte soit sur l'ignorance de son lectorat, soit sur son indulgence. le bilan de bonne foi sera donc pour une autre fois.

Et c'est bien dommage, car ce type de procédé jette le doute sur les réussites qui relèvent, pour le coup, incontestablement du flair, du leadership et de la compétence de Ghosn : les nouvelles implantations industrielles (Tanger) réussies, la conquête de nouveaux marchés (Chine dès les années 1990 avec Nissan, rachat de Lada par Renault, semi-acquisition de Mitsubishi), les partenariats lui sont en grande partie redevables.

En conclusion : “Le temps de la vérité” aurait dû s'appeler “Le temps de ma vérité”, tant il manque d'équilibre dans la présentation des faits. On devine que Ghosn, marqué par la cabale inique dont il a fait l'objet au Japon puis dans le reste du monde, considère qu'il doit se défendre envers et contre tout. Soit pour l'affaire de son arrestation et le Japon. Mais cela n'excuse pas le manque de nuance du reste du livre et l'effort lassant mais incessant de Philippe Riès de faire monter son héros sur un piédestal. A lire, mais à prendre avec du recul.
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Vidéo de Carlos Ghosn
Jusqu'au bout Carlos Ghosn aura été le maître de son destin exceptionnel.
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