Pour comprendre un étron politico-médiatique de la taille de Zemmour, le
Discours de la servitude volontaire (
La Boétie) ne suffit plus, d'autant qu'il se pique lui-même de le citer entre deux Napoléonismes en peau de Pétain. Pour adhérer à pareille fiente, il faut aussi, outre le légendaire masochisme populaire, avoir été profondément marqué au fer rouge du ressentiment, cette constipation de l'action, cette rétroaction intériorisée du malheur, cette « digestion qui n'en finit pas », cet « empoisonnement du corps et de l'âme » (
Nietzsche) ; bref, cette faiblesse existentielle radicale qui se cherche aveuglément un bouc-émissaire parmi plus faible que soi, et ne se sent forte qu'en faisant foule derrière le « petit homme » (Reich) : le même que soi, aussi rigidifié, aussi étroit, mais en plus grand. La psychologie de masse du zemmourisme est fondée sur cette inversion spectaculaire ordinaire : « ils sont méchants, donc nous sommes bons. » (Généalogie de la morale), tout comme le nazisme, ou le « communisme » version petit père du peuple. Plutôt que de faire le constat lucide de la dépossession généralisée – qui n'épargne évidemment pas les immigrés -, le névrosé de la-marchandise-qui-ne-brille-pas-pour-lui, en veut aux étrangers de ce que le monde lui est devenu étranger, alors qu'évidemment « tout se serait passé de même s'il n'y avait pas eu un seul immigré » (Debord). le zemmourisme est la maladie sénile de l'aveuglement volontaire.