J'ai habité plusieurs années à Rubigen, non loin de Münsingen et de son asile où résida
Friedrich Glauser à plusieurs reprises dans sa vie mouvementée. Glauser était un écrivain, mais je ne saurais vous dire précisément d'où ; il habita Genève, Zürich, Paris, passa par la Belgique et le Tessin et, pour tout vous dire, c'était un véritable marginal qui, en plus d'avoir été morphinomane, a eu des emplois aussi variés qu'improbables : garçon-laitier, journaliste stagiaire, plongeur, mineur, horticulteur, etc. Influencé par
Trakl et Mallarmé, il quitte Genève et les études en 1916 pour Zürich où il rencontre, l'année suivante,
Tristan Tzara, le peintre Max Oppenheimer, Hugo Ball, Emmy Hennings et quelques autres encore. Sans être dadaïste, il déclame du
Apollinaire et du
Cendrars lors de soirées tonitruantes aux côtés d'Hugo Ball, et c'est d'ailleurs le récit de ses aventures zurichoises que l'on retrouve dans ce court texte sobrement intitulé Dada, et magnifiquement illustré des dessins de
Hannes Binder. À l'heure où le mouvement Dada est fêté, compilé, rejoué, revisité, canonisé, glorifié (et capitalisé à outrance), muséifié, voire déifié, ce petit ouvrage est une parenthèse agréable qui permet de se plonger dans un instantané de Dada - tel qu'il était. C'est aussi une belle introduction à l'oeuvre de
Friedrich Glauser, un écrivain suisse et international, rare et singulier comme l'étaient
Blaise Cendrars,
Ludwig Hohl,
Fritz Zorn ou encore
Robert Walser. Magique.