Les éditions du Seuil sont pour moi gages de qualité, mais là j'abandonne au bout de 100 pages. Il y a des phrases magnifiquement bien écrites et là je n'invente pas ; mais j'en suis devenue à devoir lire en diagonale... 100 pages et il ne se passe rien, rengaine rengaine... Je déteste abandonner un livre, et bien voilà. (smiley triste)
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On savait qu'elle pensait, qu'une part de sa pensée était intacte. Mais on ignorait le contenu de cette méditation atroce. Les idées avaient-elles copié l'immobilité du corps, se sclérosant avec lui ou au contraire, sous ce masque figé, ne connaissaient-elles pas un secret bouillonnement de révolte, de haine, de désespoir qui, un jour éclaterait, se répandrait en une complainte terrible, un long thrène tragique ou un flot d'imprécations vengeresses ? A la voir ainsi, on eût dit quelque pythie pétrifiée attendant l'heure de la vérité.
Déjà la catastrophe avait enfanté toute une série de plaisanteries, de devinettes macabres. C'est ainsi que l'on exorcisait l'horreur. On en riait en catimini. L'humanité avait le pouvoir de rire de sa mort, de l'absolue douleur. Elle pouvait rire de son extinction. Un grand rire noir dans le vide.
Il adorait ma mère. Elle a toujours trente ans pour lui. Il a connu d'autres femmes sans les aimer. Il a dû les étreindre sans les rater, sans escamoter la moindre étape du rituel complet, en prononçant ce qu'il convenait de nos mots gentils ou crus selon la demande. Mais elles ne l'ont jamais possédé vraiment. Elles ont pleuré et souffert de ce manque. Elles n'avaient rien à lui reprocher. Il était parfait. Elles lui reprochaient tout.
Il paraît que les victimes ou les témoins d'une catastrophe, après un temps plus ou moins long de refoulement et de latence, connaissent un assaut de symptômes. D'abord, c'est le déni, puis l'obsession surgit dans les cauchemars, les bouffées anxieuses, et vous voilà rongé, empoisonné, hanté... J'espère que ma peur n'est pas le signe avant-coureur de l'invasion.
Un mois avant la catastrophe, j'avais rompu avec une femme. C'avait été déjà la fin du monde. Je me suis retrouvé vide et nu. Sans doute m'étais-je secrètement initié à l'extinction des choses.
Lecture de Patrick Grainville tiré du livre Figures d'écrivains, dirigé par Étienne de Montety.
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Pour en savoir plus : https://www.albin-michel.fr/figures-decrivains-9782226436351