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EAN : 9782700724417
302 pages
Aubier Montaigne (13/10/2005)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Dans Psychanalyse et Télépathie (1921), Freud évoque certaines analyses au cours desquelles ses patients lui rapportent des phénomènes qui relèvent pour lui de la " transmission de pensée ". Comment a-t-il été amené à les identifier ainsi ? Comment les a-t-il nommés ? Quelle place, quelle valeur ou quelle portée leur a-t-il accordées dans sa théorie ? Wladimir Granoff et Jean-Michel Rey - respectivement psychanalyste et philosophe - se proposent de ressaisir cette d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le texte de Freud sur « Psychanalyse et télépathie » n'occupe qu'une partie succincte de cet ouvrage. Il est fondamental pour comprendre la prise de position de Freud à l'égard de l'occultisme.


« Il ne va pas de soi que le renforcement de l'intérêt pour l'occultisme signifie un danger pour la psychanalyse. Entre les deux, c'est au contraire à une sympathie réciproque que l'on aurait pu s'attendre. Ils ont en commun d'avoir subi de la part de la science officielle le même traitement dédaigneux et hautain. »


Freud cultive ce qu'il pense être un trait caractéristique de la pensée psychanalytique : l'ouverture au champ de l'inconnu, auquel l'occultisme appartient. Il relate quelques cas cliniques foireux de médiumnité. Les prédictions tombent à côté de la plaque, mais si elles font malgré tout si forte impression, c'est parce qu'elles révèlent au consultant un grand espoir tenu hors de portée de la conscience. « […] ce n'est pas un fragment quelconque de savoir indifférent qui s'est transmis par voie d'induction d'une personne à une autre » mais « un souhait extraordinairement fort [qui] […] peut se trouver une expression consciente légèrement voilée à l'aide de quelqu'un d'autre », en l'occurrence le médium.


Freud reconnaît la possibilité, pour un individu (le médium) de métaboliser sous forme de paroles les pensées et les désirs les plus insistants d'un autre, venu à la consultation médiumnique dans l'espoir d'entendre quelque chose de sa vérité – position proche de celle de l'analysant lorsqu'il s'adresse à l'analyste. Mais alors que le médium ignore et ne veut rien savoir de ce qui se produit, renvoyant à l'autre ses pensées comme si elles venaient d'ailleurs, d'une autorité surplombante, d'un autre fantasmatique, le positionnement éthique de l'analyste implique de ne pas jouer sur cette illusion qui ne fait que continuer à éloigner le sujet de la possibilité de devenir responsable de sa parole, en quête de son désir.


Alors que « la grande majorité des occultistes n'est pas poussée par une soif de savoir, ni par la honte de la négligence et de la méconnaissance où la science s'est tenue par rapport à des problèmes indéniables, ni par le désir de s'approprier de nouveaux champs de phénomènes », et qu'elle entraîne ainsi la résurgence de « la vieille croyance religieuse, celle qui a été repoussée par la science dans le cours du devenir de l'humanité, ou une autre plus proche encore des convictions surmontées des primitifs », Freud rappelle sa volonté d'inscrire la psychanalyse dans une démarche continuellement critique. « On apporte des attentes dans le travail, mais on doit les repousser. Par l'observation, l'on est amené à rencontrer tantôt ici et là quelque chose de nouveau, les fragments ne tiennent d'abord pas ensemble. On fait des suppositions, on fait des constructions auxiliaires, que l'on retire, si elles ne se vérifient pas, il faut beaucoup de patience, il faut être prêt à toutes les éventualités, on renonce aux convictions prématurées pour que leur pesée n'empêche de voir des facteurs nouveaux et inattendus, et pour finir la dépense s'avère payante, les trouvailles éparses s'assemblent, on acquiert une vue sur tout un pan du Seelischen Geschehens, la tâche est accomplie et l'on est libre dès lors pour la suivante. »


Le court essai de Freud est accompagné d'un commentaire de Wladimir Granoff et de Jean-Marie Rey consacré aux questions de la traduction et de l'intertextualité freudienne, plutôt lourd et imbuvable par son style, imitation ratée (car forcée) de Lacan. Voici un exemple type : « car il s'agit ici d'un livret. Il est fourni en plus. Qu'il soit court ne devrait pas empêcher de le voir en position tierce. Non seulement un de plus, lorsqu'il y en a déjà deux, mais encore effet de la place tenue par le tiers. Qu'en toute rigueur le tiers soit en position quarte, nous le concéderons par avance à la critique de l'esprit chagrin. » On comprend cependant que Wladimir Granoff et Jean-Michel Rey se sont défoncés pour nous fournir une traduction dont chaque mot a été minutieusement pesé, et nous les en remercions.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le patient, en mars dernier, se décida à consulter la diseuse de bonne aventure, et il lui proposa la date de naissance de son beau-frère, sans bien entendu le nommer ou lui révéler qu’il pensait à lui. L’énoncé de l’oracle fut : en juillet-août prochain, cette personne mourra d’un empoisonnement causé par des écrevisses ou des huîtres. Après m’avoir raconté cela, il ajouta : c’est vraiment faramineux.
Ne comprenant pas, je lui répliquai vigoureusement : qu’y a-t-il de si faramineux ? Voilà déjà plusieurs semaines que vous êtes revenu chez moi ; si votre beau-frère était effectivement mort, vous me l’auriez raconté depuis longtemps ; il est donc toujours vivant. La prophétie s’est produite en mars, elle devait s’accomplir au milieu de l’été, nous sommes maintenant en novembre. Elle ne s’est donc pas réalisée, qu’y trouvez-vous de si merveilleux ?
Il me répondit : bien sûr que ce n’est pas arrivé. Mais ce qui est remarquable, c’est ceci : mon beau-frère est un grand amateur d’écrevisses, d’huîtres, etc., et il a effectivement été empoisonné par des écrevisses en août de l’année dernière, et il en est presque mort. Il n’en fut plus question.
Voulez-vous que nous discutions maintenant ce cas.
[…] L’affaire s’explique sans reste, si nous voulons admettre que ce savoir s’est transféré à elle, la soi-disant prophétesse, par des voies inconnues excluant les modes de communication qui nous sont connus. C’est-à-dire qu’il nous faut conclure : il y a du transfert de pensée. Le travail astrologique de la diseuse de bonne aventure y a joué le rôle d’une activité qui détourne et occupe de façon anodine ses forces psychiques de manière à ce qu’elle puisse recevoir et transmettre l’effet des pensées d’un autre, devenir un véritable « médium ». Nous connaissons par exemple dans le trait d’esprit de semblables arrangements, lorsqu’il s’agit d’assurer à un processus psychique une décharge plus automatique.
Mais l’analyse fournit à ce cas un surcroît de sens. Elle nous apprend que ce n’est pas un fragment quelconque de savoir indifférent qui s’est transmis par voie d’induction d’une personne à une autre, mais qu’un souhait extraordinairement fort de quelqu’un […] peut se trouver une expression consciente légèrement voilée à l’aide de quelqu’un d’autre […]. On pourrait reconstruire le cours des pensées du jeune homme après la maladie et le rétablissement du beau-frère haï comme rival. Bien, ce coup-ci c’est vrai qu’il en a vraiment réchappé, mais c’est bien pourquoi il ne va pas renoncer à ce goût dangereux et, la prochaine fois, espérons qu’il en mourra. C’est cet « espérons » qui est transformé en prophétie.
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Il ne me semble plus possible de repousser l’étude de ce que l’on appelle les phénomènes occultes, ces choses qui prétendument cautionnent l’existence même des forces psychiques autres que celles que nous connaissons chez l’homme et chez l’animal, ou qui dévoilent chez l’un et l’autre des facultés auxquelles jusque-là on ne voulait pas croire. La pente vers ces recherches paraît irrésistible ; durant ces courtes vacances j’ai eu trois fois l’occasion de refuser de collaborer à des périodiques de création récente consacrés à ces études. Et nous croyons comprendre d’où ce courant tire sa force. A côté de l’expression de la dévalorisation qui, depuis la catastrophe mondiale de la grande guerre, atteint ce qui tenait encore, ce courant constitue aussi un échantillon du tâtonnement face au grand bouleversement qui se rapproche et dont on ne peut encore deviner l’ampleur, c’est à coup sûr un essai de compensation, le recouvrement dans un autre domaine – c’est-à-dire le domaine supraterrestre – de ce que la vie sur cette terre a perdu en attrait. En fait, bon nombre de processus des sciences exactes peuvent avoir favorisé ce développement. La découverte du radium a embrouillé autant qu’élargi les possibilités d’explication du monde physique, et la connaissance acquise récemment de ce qu’on appelle la théorie de la relativité a eu pour beaucoup de ceux qui admiraient sans comprendre l’effet d’amoindrir la confiance dans la crédibilité objective de la science.
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Ma propre vie, ainsi que je l’ai déjà déclaré publiquement, a été particulièrement pauvre du point de vue de l’occulte. Le problème du transfert de pensée vous paraîtra peut-être mineur en comparaison de la grande magie de l’occulte. Mais pensez seulement aux conséquences du pas, au-delà de notre point de vue à ce jour, que nous ferions rien qu’en acceptant une telle supposition. Ce que le gardien de Saint-Denis avait coutume d’ajouter au récit du martyre du saint reste vrai. Après qu’on lui eut coupé la tête, saint Denis l’aurait ramassée, et s’en serait allé la portant sous son bras. Et le gardien ajoutait : Dans des cas pareils, ce n’est que le premier pas qui coûte. Après, cela va tout seul.
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Car il s’agit ici d’un livret. Il est fourni en plus. Qu’il soit court ne devrait pas empêcher de le voir en position tierce. Non seulement un de plus, lorsqu’il y en a déjà deux, mais encore effet de la place tenue par le tiers. Qu’en toute rigueur le tiers soit en position quarte, nous le concéderons par avance à la critique de l’esprit chagrin.

[GRANOFF Wladimir, REY Jean-Michel]
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Car si les occultistes jouent entièrement sur le registre métaphorique qu’ils visent à étendre à l’infini, Freud, bien au contraire, va, de 1921 à 1932, dans la direction inverse, celle qui vise à restreindre le registre des métaphores tout autant que l’espace qu’elles peuvent occuper. C’est là une dimension essentielle de sa démarche, et c’est aussi ce qui permet à Freud de proposer la possibilité d’un bout de chemin commun avec les occultistes. La limite de cette communauté possible se repère sans difficulté. Car à l’inverse des occultistes dont la démarche est anticipée comme pouvant échapper à tout scrupule, à tout principe autre que son propre succès, à toute recherche autre que l’éclat noté comme éblouissant de sa réussite, la liberté que Freud se donne dans le choix de ses métaphores doit être sans cesse renégociée à chaque tournant.
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