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Fabrice Hadjadj (Autre)
EAN : 9782706724169
176 pages
Salvator (13/04/2023)
4.19/5   8 notes
Résumé :
La Bonne Nouvelle n'est pas une théorie économique, et cependant, révélant Dieu, elle redécouvre plus profondément l'humain, jusque dans les conditions matérielles de son existence.
Ainsi le christianisme, prêchant un Verbe fait charpentier, a-t-il transformé en profondeur la vision du travail héritée des Grecs et des Romains, et affirmé la dignité du manouvrier. Au-delà d'une critique frontale des valeurs sociales, il s' est agi d'abord de manifester le beso... >Voir plus
Que lire après Travailleuses, travailleurs ! Les Pères de l'Eglise et l'économieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Fondé en 2004 en Suisse, en réponse aux appels du Pape Jean-Paul II à mener une nouvelle évangélisation menée sur l'articulation entre la Foi et la Raison, l'institut Philanthropos est un organisme de formation universitaire catholique. Il rassemble des personnalités de divers horizons et portée intellectuelle, mais rassemblées par une volonté apologétique et une adhésion fidèle à l'église catholique romaine.

Des universitaires de renom, incontournables dans leur domaine d'étude ont apporté leur contribution aux enseignements de Philanthropos : c'est le cas du philosophe Rémi Brague ou encore de Jean-Marie Salamito, spécialiste reconnu des études patristiques, professeur en Sorbonne.

Il s'agit donc de patristique dans ce petit livre édité sous l'égide de Philanthropos par les éditions Salvator : c'est à dire la philologie grecque et latine appliquée aux textes des pères fondateurs, théoriciens orthodoxes du 1er au 8eme siècle, ayant construit la doctrine chrétienne face aux nombreuse hérésies.
Autant dire que le sujet est plutôt pointu puisque l'auteur nous emmène chez les auteurs de l'antiquité tardive et nous plonge dans un monde très éloigné du nôtre.
L'ouvrage rassemble 4 textes précédemment publiés, revus et articulés ensemble dans une problématique ayant trait aux questions économiques. Économie dans l'optique de l'antiquité : donc plutôt restreinte car il s'agit principalement d'évaluer la place du travail, le statut des travailleurs et des esclaves.

Le lecteur qui n'est pas familier du monde antique comprendra donc mieux la cohérence du titre du livre, que son sous-titre, s'il avait eu des attentes sur l'économie. Par contre, autant il est abondamment question des travailleurs, la mention des travailleuses ne semble faire écho qu'à la formule consacrée par une célèbre femme politique française d'extrême gauche. Car des spécificités du travail féminin il n'est pas vraiment question.

Nous sommes donc plongés dans un monde où l'économie renvoie à l'agriculture, l'artisanat et au négoce, et où l'esclavage est un fait social. L'auteur démontre toute son exigence et son érudition pour permettre à son lecteur de prendre conscience de l'univers intellectuel et social dans lequel le christianisme est apparu et s'est développé.
Car cela demande une gymnastique intellectuelle, que de se projeter dans un monde Romain totalement étranger à nos conceptions du monde, et de considérer le christianisme comme un corpus en cours de constitution, et les chrétiens comme des acteurs de cette société de laquelle ils sont tentés de se démarquer. Tout en gardant à l'esprit que les chrétiens de l'époque, qui attendaient de retour imminent du Christ, ne se projetaient pas forcément dans un engagement à réformer la société dans laquelle ils étaient minoritaires.
Un univers qui nécessite de multiples nuances et de toujours contextualiser les sources pour ne pas en faire un usage abusif ou les extrapoler.

Jean-Marie Salamito commence par déconstruire les préjugés, liés aux débats intellectuels du XIXeme siècle, sur le christianisme qui aurait accordé au travail j'en noblesse que la pensée antique lui reniait. Les choses sont bien plus nuancées. Et il sera question de nuances tout au long du propos, que ce soit pour évoquer les descriptions des professions, les prises de position sur l'esclavage, et pour distinguer en permanence ce qui relève de la simple rhétorique, du souci du spirituel ou de celui du social dans les textes de St Paul, St Augustin ou Grégoire de Nysse.

Le propos se focalise longuement sur la question de l'esclavage pour mieux comprendre quels ont été les positions des auteurs chrétiens de l'époque. A travers cette question fondamentale on comprend mieux le mouvement de fond apporté par le christianisme à la civilisation antique : celui d'une lame sous jacente, qui accompagne la société sans la justifier, et appelle à changer de regard sur les pratiques sociales au nom d'un nouveau regard sur la dignité humaine.

Le livre de Jean-Marie Salamito, exigeant et passionnant, participe à une approche scientifique et sans idéologie de la spécificité chrétienne dans le monde où elle est apparue.
Je remercie l'éditeur Salvator et Babelio pour ce livre reçu dans le cadre de la Masse Critique essais de juin 2023.
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Un grand merci aux Editions Salvator et à Babelio pour cette découverte dans le cadre de l'opération Masse Critique.

Ce livre a reçu en juin le Grand Prix Moron de l'Académie 2023 (prix annuel, créé en 1987 est attribué à un "auteur français d'un ouvrage ou d'une oeuvre favorisant une nouvelle éthique"). Cela dit déjà le sérieux et la profondeur de l'étude.

Car oui, nous sommes face à un ouvrage d'étude, richement documenté. Pour autant, ce n'est pas qu'un livre d'expert car l'accès est accessible. Oui c'est un livre universitaire, ce n'est pas un livre qu'on lit forcément sur la plage non plus, mais il peut être mis entre les mains de toute personne que le sujet intéresse.

L'auteur aborde l'approche de l'économie dans la pensée et les écrits des Pères de l'Eglise des premiers siècles de l'Eglise.
Et puisqu'il est abordable à ceux qui ne sont pas spécialiste, on passe en revue la pensée des Antiques, des premiers Chrétiens, des rapports entre spirituel et matériel, comment les Antiques le pensaient eux mêmes, comme cette pensée à évolué, etc...
Ce livre dépoussière aussi les idées préconçues ou véhiculées dans les derniers siècles, nous fait réfléchir et nous éclaire sur l'histoire de la pensée.

Car au delà de ce sujet assez pointu, je trouve qu'il est important même aux non croyants mais à tous ceux qui s'intéressent à l'Histoire de la pensée, de la société, à ceux qui cherchent une éthique entre travail et humanité.

Bref, en résumé, un livre costaud, d'un sujet pointu, universitaire mais accessible. Merci beaucoup à Jean-Marc Salamito pour ce travail de recherche et ce livre excellent.
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Nous n'avons pas l'habitude d'avoir des ouvrages de ce niveau d'érudition qui restent accessibles à un large public. La collection Philanthropos des Éditions Salvator cherche et réussit assez magistralement cela.
Personnellement je découvre cet auteur avec une très grande envie d'en lire plus ! Travailleuses, travailleurs n'est pas un titre slogan où la politique se mêlerait aux pères de l'Église. Il s'agit plutôt de se plonger dans les Pères pour comprendre comment aujourd'hui nous sommes encore invités à penser l'économie.
Jean-Marie Salamito fait découvrir le riche corpus biblique et apostolique. Il cherche ainsi à éclairer les défis des premiers chrétiens avec les prises de position successives.
Commençant par étudier la main – oui l'organe lui-même, outil humain aux multiples usages – il montre comment les Pères se sont penchés sur la vie économique de la cité. En effet, tant que les persécutions des premiers temps sévissaient, une telle réflexion était impossible. Mais la paix constantinienne arrivant, les évêques élargirent leurs exhortations.
La travail, l'esclavage et toutes les formes de dépendances économiques sont étudiées. Bien entendu, l'auteur aborde le sujet économique contemporain d'auteurs comme saint Paul ou saint Augustin. Cela n'a donc rien à voir avec notre économie.
La réflexion sur l'esclavage est particulièrement intéressante. Il met en exergue le processus qui partit de Paul (ni pour ni contre) est remis à plat, réfléchit à nouveaux frais par saint Augustin et d'autres.
La grande richesse de cet ouvrage réside – en-dehors des analyses très pertinentes – dans la profusion de citation. Salamito n'hésite pas à citer ces Pères pour mieux nous les faire comprendre. Il passe ainsi le flambeau de la connaissance de manière efficace. Charge à nous d'en faire quelque chose !
La structure de l'ouvrage et le phrasé permettra à chacun de ne pas être perdu. Les citations et notes de bas de page – dont il n'est pas avare – ouvrira pour les plus érudits de nouvelles pistes de réflexion.
Lien : https://lirechretien.fr/2024..
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Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse critique. de prime abord, le sujet paraît aride, austère. Mais finalement, à la lecture du livre, tout s'éclaire, tout se lie. L'auteur nous entraîne auprès des philosophes antiques mais convoque aussi des auteurs plus modernes comme Schumpeter.
Pour lire ce livre, il faut être motivé. L'écriture est érudite et demande l'attention du lecteur. Elle est exigeante mais le thème est passionnant.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Si ces contradictions restent latentes, au lieu de faire l'objet d'une dénonciation explicite, c'est sans doute pour deux raisons principales. D'abord, le but de tous ces auteurs reste exclusivement religieux, sans se prolonger en un programme social : ils veulent annoncer un message de salut, édifier des croyants, non réformer une société. Ensuite, les premiers chrétiens, comme l'immense majorité de leurs contemporains, ne peuvent pas croire à la possibilité d'une société sans esclavage: ils sont trop accoutumés à voir autour d'eux l'omni- présente réalité du travail servile, et l'extrême rareté des progrès techniques. Dans de telles conditions, ces textes du Nouveau Testament ne sont subversifs que potentiellement. Les chrétiens de l'Antiquité (et des époques ultérieures) peuvent y trouver soit des prétextes au conformisme social soit une incitation à des réformes.
Mais nous pourrions aussi invoquer une troisième raison: tous les documents éudiés jusqu'ici, qu'ils proviennent du Nouveau Testament ou d'ouvrages des débuts de la période patristique, voient les esclaves dans la perspective d'une théologie de la rédemption, d'une sotériologie, et pensent à la seule vie ecclésiale. Ce qui compte pour leurs auteurs, cest de proclamer un message de salut et d'en tirer les conséquences communautaires, non de réfléchir sur l'ordre de la création ou de bâtir les fondations d'une société chrétienne. C'est à l'âge d'or des Pères de I'Église (c'est-à-dire au IV° siècle et à la première moitié du V°) qu'il faut demander une réflexion sur l'esclavage en termes proprement anthropologiques.
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Au total, il faut nuancer le lieu commun selon lequel le travail en général, prétendument méprisé par la civilisation gréco-romaine, devrait au christianisme des Dremiers siècles sa réhabilitation historique. Ce qu'ont entrepris des théologiens comme Ambroise, c'est de défendre la dignité des travailleurs à gages contre le dédain de l'aristocratie foncière. Cela ne les conduisait pas seulement à critiquer des valeurs sociales, mais aussi à s'opposer à une conception globale de l'existence humaine. Le désir d'autarcie économique, ancré dans la psychologie des possédants, et la recherche de la pleine indépendance individuelle (autarkeia), chère à la tradition philosophique, convergeaient dans l'exaltation de l'autosuffisance comme condition de bonheur, de sagesse, d'accomplissement de soi. En définissant le chrétien comme un «salarié du Christ», l'évêque de Milan place l'expérience personnelle de la dépendance au centre de la nouvelle religion. D'une manière analogue, son disciple Augustin, lorsqu'il déclare que le cceur de l'homme reste sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Dieu, récuse implicitement toutes les aspirations philosophiques à la tranquillité de l'âme. Ces deux auteurs défendent une conception de l'être humain comme fondamentalement dépendant, comme aspirant profondément à un au-delà de lui-même.
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Les chrétiens de I'Antiquité s'intéressent (comme les juifs) à l'économie, parce que leur Dieu (comme celui des iuifs) se soucie plus du sort concret des humains que des hommages qui lui sont rendus. Au lieu du contrat que les polythéistes concluent avec leurs dieux pour une relation à deux termes, le chrétien (comme le juif) se situe dans un schéma triangulaire: Dieu, lui-même, ses semblables.
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Voilà une remarque capitale, rappelant une évidence tellement simple qu'elle en est presque toujours oubliée. Les écrits du Nouveau Testament adressent des préceptes moraux aux aux maîtres et aux esclaves, mais sans jamais les assortir de la moindre réflexion générale sur Il'institution esclavagiste, ni sur le caractère supposé des esclaves ou sur le tempérament des maitres. L'esclavage y est toujours envisagé comme une réalité de fait; il n'y est jamais justifié au plan théorique. En d'autres termes, s'il n'a pas condamné le système esclavagiste, le christianisme primitif ne la pas légitimé non plus. Il n'a, du reste, pas regardé le système en tant que tel, mais seulement les individus qui vivaient quotidiennement dar ce système.
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Le lieu commun de la réhabilitation chrétienne du travail est donc un héritage des controverses du XIXeme siècle. Il ressemble plus à un argument apologétique qu'à un résultat de la recherche historique. Il est l'arme employée par des intellectuels catholigues -en premier lieu, Henri Wallon - pour laver leur religion de l'accusation de ne pas avoir exigé, dès ses débuts, l'abolition de l'esclavage et, plus généralement, de ne pas avoir assez contribué à améliorer la condition des humbles.
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Vidéo de Jean-Marie Salamito
✊Le christianisme transforme la vision du travail et affirme la dignité du manouvrier. ✊L'Evangile n’est pas une théorie économique. Cependant, révélant Dieu, elle redécouvre plus profondément l’humain, jusque dans les conditions matérielles de son existence. Ainsi le christianisme, prêchant un Verbe fait charpentier, a-t-il transformé en profondeur la vision du travail héritée des Grecs et des Romains, et affirmé la dignité du manouvrier. ✊Au-delà d’une critique frontale des valeurs sociales, il s’est agi d’abord de manifester le besoin de tout homme d’être sauvé – l’aristocrate aussi bien que l’esclave – et de conduire, indirectement, ou de surcroît, à une économie de la communion et de l’humilité.
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