Un face à face épique !
Nous sommes en Grande Bretagne, dans le cadre d'une Institution d'Enseignement, un Collège, dans une petite ville. Sheba est une femme de la bourgeoisie aisée, 42 ans, mariée avec deux enfants, un tempérament vaguement artiste et qui vient d'entamer une activité d'enseignante, la poterie, dans ce Collège où travaille déjà depuis bien longtemps Barbara. Barbara, la soixantaine, professeur d'histoire, célibataire, seule surtout et qui ne semble pas spécialement douée pour les relations.
«
Chronique d'un scandale » est tout autant l'histoire du dit scandale (Sheba a entretenu une relation avec un élève de quinze ans, se retrouve chassée de chez elle et du Collège et confrontée à la justice) que celle du comportement de Barbara (qui raconte l'histoire), confidente et piètre soutien de Sheba. Tout autant car si le scandale est une pièce maîtresse du roman, l'art de
Zoë Heller consiste à nous faire comprendre, par le biais de la manière dont Barbara nous relate la succession des évènements, le caractère fragile et mesquin de celle-ci. Une gravure en creux en quelque sorte. Insuffisante dans l'amour, dans l'amitié, mais en même temps hypnotisée par l'aisance et la liberté de Zoë, Barbara est un symbole de ce que peut donner une éducation rigide.
Sheba qui reprend une activité d'enseignement, donc, de la poterie, se retrouve très vite chahutée par ses élèves et perd ses illusions. Elle croit trouver la rédemption dans sa rencontre avec Steven Conolly, un pitoyable garçon de quinze ans. Celui-ci peut effectivement donner à Sheba l'illusion qu'elle remplit son rôle d'éducatrice en éveillant à l'art un garçon jusque-là jugé primaire. En réalité cette rencontre tournera très vite en une relation amoureuse déséquilibrée et vouée au drame.
Tout ceci nous est raconté par Barbara dont l'éducation rigide est incompatible avec ce genre de « fantaisie ». Mais Sheba restera un mystère pour Barbara, un mystère et en même temps un pôle d'attraction irrépressible. Si bien que nous ne comprenons à la fois ni l'attitude de Sheba ni celle de Barbara, mesquine et infantile.
Malentendus et maladresses conduiront les deux femmes à la situation inextricable et pitoyable où nous les laisseront à la fin du roman.
Il y a des ces histoires pour lesquelles le roman est le support artistique idéal. C'est le cas pour celle-ci en raison de l'intensité psychologique qui s'en dégage. La narration frise la perfection. le personnage de vieille fille jalouse rôdant autour de sa jeune copine, enviant sa famille et la liberté qu'elle ose s'offrir en couchant avec un mineur, est remarquable.
L'auteur y fait une réflexion assez juste sur le danger de qualifier une relation illicite simplement sur une barrière technique de l'âge. Et sur la médiocrité des médias, la superficialité des gens, la bêtise humaine…
En dépit du fait que l'on connaît en grande partie comment se termine l'aventure, la finesse dans l'évocation des rapports humains est telle que j'ai été captivée du début à la fin.
Un roman fin aux nuances infinies!