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Love & Rockets tome 2 sur 2
EAN : 9781560977834
288 pages
Fantagraphics books (22/02/2007)
4.75/5   4 notes
Résumé :
La série culte des frères Hernandez enfin de retour dans une version complète, restaurée et bénéficiant d'une nouvelle traduction et d'un contenu éditorial enrichi !
Que lire après Love & Rockets, tome 2 : Heartbreak soupVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Chaleur humaine
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Ce tome regroupe 20 histoires parues sous un format périodique de 1983 à 1986. Il s'agit des premières histoires consacrées aux habitants de Palomar, écrites et dessinées par Gilbert Hernandez. Il s'agit donc du début de la série.

Les histoires prennent toutes leurs sources parmi la population d'un village appelé Palomar, vraisemblablement situé au Mexique, non loin de la frontière étatsunienne. L'époque n'est pas précisée, mais les décors et le faible niveau de technologie évoquent des années 1950 ou 1960. le village de Palomar compte 386 habitants qui parlent espagnol, même si le comics est en anglais. La première histoire introduit Chelo qui occupe la fonction de sagefemme du village et qui a aidé la naissance d'une bonne partie des protagonistes.

Au fil des histoires de longueur variable (entre 4 et 45 pages), le lecteur se familiarise avec les différents personnages. Dans Sopa de gran pena (Heartbreak soup), Luba (une femme à la poitrine énorme, se promenant toujours avec un marteau de charpentier à la main) s'installe à Palomar pour exercer le métier de baigneuse pour adulte, concurrençant directement Chelo qui exerce le même métier (en plus de celui de sagefemme). Jesus, un véritable Casanova) a une aventure sans lendemain (enfin pas tout à fait) avec Pipo (14 ans). Pipin' Pipin' est victime de violences conjugales du fait d'une femme qui le quitte et qu'il est dans l'incapacité d'oublier ou d'arrêter d'aimer. Chelo tente de faire pression sur le shérif pour qu'il expulse Luba. Il est également question d'une tortue à 2 têtes et la poitrine de Carmen commence (peut-être) à se développer.

Dans An american in Palomar (24 pages), un photographe américain s'installe en ville pour recueillir des clichés mettant en évidence la pauvreté et la misère des habitants. Des relations se nouent, des espoirs de célébrité naissent, et l'américain se frotte à quelques unes des femmes de Palomar.

Dans Love bites (11 pages), Carmen éprouve un sentiment d'infériorité et de jalousie vis-à-vis d'Heraclio (son mari) qui lit Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. le soir, alors qu'il revient de sa journée de travail en tant que professeur dans la grande ville voisine, il reprend vertement sa femme et Tonantzin Villasenor qui médisent de Luba. Sa femme le met à la porte et il décide d'aller se saouler au bar du village pour affirmer son bon droit, pendant que sa femme essaye de lire un des livres de sa bibliothèque.

C'était la troisième fois que je tentais de séjourner dans la ville de Palomar dont les récits sont vantés comme l'un des plus importants fleurons des comics indépendants. Arrivé à la page 169, toujours aucun déclic ! Les illustrations en noir et blanc sont très agréables, les femmes sont magnifiques, sans être stéréotypées, les hommes se dépêtrent plus ou moins bien de leur existence. La construction du récit repose sur une structure sophistiquée qui enchevêtrent les points de vue de plusieurs personnages au sein de chaque histoire, mais j'étais incapable de saisir l'état d'esprit de Gilbert Hernandez, de comprendre ses choix narratifs, de distinguer le sens (au propre comme au figuré) de sa narration. On arrête tout et on essaye de trouver des indices. La majeure partie des critiques dithyrambiques évoque également Gabriel Garcia Marquez comme source d'inspiration majeure pour Gilbert Hernandez. Après un petit détour par une encyclopédie libre sur la page consacrée à cet auteur, tout s'éclaire et le récit devient lumineux, il s'en dégage une chaleur humaine exceptionnelle.

Finalement les histoires ne se déroulent pas dans les années 1950, mais bien pendant les années 1980, car il est fait mention de l'apparition du SIDA. Hernandez a donc choisi de construire artificiellement un village à l'écart des grandes routes (la gare de train la plus proche est à 5 km), avec une ambiance rétro. Il s'agit d'un dispositif littéraire, d'une licence artistique, presque poétique. Une fois ce fait établi, il est plus facile pour le lecteur d'accepter l'aspect parfois un peu caricatural des habitations de Palomar. Il devient évident que ce qui intéresse Gilbert Hernandez c'est de faire exister ses personnages par leur comportement, au travers de leurs imperfections et de leurs contradictions. À partir de An american in Palomar (page 169), Beto (le surnom de Gilbert Hernandez) commence également à jouer avec ses lecteurs. Ce reporter photo vient pour mettre en évidence les conditions de vie miséreuses des habitants de Palomar, à l'écart du progrès. Il apparaît rapidement que cet américain n'est venu que pour faire des clichés qui lui assureront la reconnaissance de ses pairs et un accès rapide à la célébrité, sans aucun égard quant à la réalité de ce qu'il observe. Beto explique à ses lecteurs qu'ils ne doivent pas se comporter comme des étrangers faisant des gorges chaudes devant ces miséreux vivant dans des taudis d'un autre âge. À nouveau il attire l'attention des lecteurs sur le fait qu'il s'agit d'un dispositif narratif au travers duquel il parle de la condition humaine et que ses personnages profitent autant de la vie que n'importe qui (il glisse même un clin d'oeil supplémentaire avec un habitant en train de lire Les Misérables de Victor Hugo). Cet artifice lui permet de mieux décrire et mettre en valeur des sentiments propres à l'humanité, universels.

Ayant enfin trouvé la clef de compréhension qui manquait, les histoires livrent leur richesse, leur tendresse, leur amour du prochain, leur profonde humanité. Gilbert Hernandez entrecroise les vies d'une vingtaine de personnages (Luba, Maricela, Guadalupe, Doralis, Casimira, Archie, Ofelia, Heraclio, Carmen, Israel, Satch, Vincete, Jesús, Heraclio, Chelo, Pipo, Gato, Tonantzín Villasenor, Manuel et Soledad), sans jamais perdre son lecteur, sans s'embarquer dans un récit inextricable ou confus.

Parmi les spécificités des récits de Beto, il y a la place qu'il accorde aux femmes. Si les hommes essayent de rester dignes et de conserver leur amour propre, les femmes endurent tout et leur volent la vedette systématiquement. Pour commencer, Gilbert Hernandez dispose dès le départ d'une maîtrise du noir & blanc impressionnante. Il n'hésite à arrondir et à accentuer les formes féminines (sans aller jusqu'à les exagérer) ce qui leur confère une puissance de séduction phénoménale. Sa capacité d'observation lui permet de concevoir une apparence physique spécifique pour chaque personnage féminin. le climat chaud de Palomar induit des tenues assez légères, sans devenir outrageusement provocantes, et la tension sexuelle est palpable. Beto ne tombe pas dans la pudibonderie hypocrite qui règne en maître dans les comics américain, mais il n'abuse pas non plus de la nudité. Elle n'apparaît que dans quelques cases, entièrement justifiée par le récit.

En tant qu'illustrateur, ses talents de décorateur s'affinent d'histoire en histoire pour atténuer l'impression de carton-pâte que donnent les habitations des premiers récits. En tant que metteur en scène, il impressionne dès le départ. La majeure partie des histoires repose sur des dialogues qui bénéficient d'une mise en scène habile : les personnages se déplacent dans les décors, donnant un intérêt visuel à chaque case, à chaque séquence, de manière tout à fait naturelle grâce à une maîtrise des techniques de chef opérateur et de cadreur. Hernandez accorde également une attention particulière aux costumes et aux coiffures, sans aucune impression d'ostentatoire. le seul bémol naît d'une impression un peu tassée du fait que ces rééditions sont dans un format plus petit que celui d'origine.

Il m'aura fallu du temps pour comprendre la démarche littéraire de Gilbert Hernandez dans ces histoires (faute d'une culture adéquate de ma part ; heureusement qu'il n'y a pas été trop fort avec le réalisme magique dès le début, sinon j'y serais encore). Mais l'investissement nécessaire permet de découvrir des personnages humains, attachants quelles que soient les facettes de leur personnalité, leurs qualités comme leurs défauts. L'artificialité de certains éléments (la beauté des femmes, la relative liberté des moeurs, l'aspect désuet, presque suranné de Palomar) sont autant de dispositifs narratifs qui permettent à Hernandez de mettre à jour les sentiments des uns et des autres. Loin de tout misérabilisme larmoyant et facile ou de sentimentalisme exacerbé, les habitants de Palomar confrontent le lecteur à ses certitudes, à ses propres sentiments, à sa vie sentimentale intérieure, dans une aura de chaleur humaine douce et bienfaisante. Je réserve tout de suite mon prochain voyage pour Palomar dans le tome suivant.
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Ce tome regroupe 20 histoires parues sous un format périodique de 1983 à 1986. Il s'agit des premières histoires consacrées aux habitants de Palomar, écrites et dessinées par Gilbert Hernandez. Il s'agit donc du début de la série.

Les histoires prennent toutes leurs sources parmi la population d'un village appelé Palomar, vraisemblablement situé au Mexique, non loin de la frontière étatsunienne. L'époque n'est pas précisée, mais les décors et le faible niveau de technologie évoquent des années 1950 ou 1960. le village de Palomar compte 386 habitants qui parlent espagnol, même si le comics est en anglais. La première histoire introduit Chelo qui occupe la fonction de sagefemme du village et qui a aidé la naissance d'une bonne partie des protagonistes.

Au fil des histoires de longueur variable (entre 4 et 45 pages), le lecteur se familiarise avec les différents personnages. Dans "Sopa de gran pena" (Heartbreak soup), Luba (une femme à la poitrine énorme, se promenant toujours avec un marteau de charpentier à la main) s'installe à Palomar pour exercer le métier de baigneuse pour adulte, concurrençant directement Chelo qui exerce le même métier (en plus de celui de sagefemme). Jesus, un véritable Casanova) a une aventure sans lendemain (enfin pas tout à fait) avec Pipo (14 ans). Pipin' Pipin' est victime de violences conjugales du fait d'une femme qui le quitte et qu'il est dans l'incapacité d'oublier ou d'arrêter d'aimer. Chelo tente de faire pression sur le shérif pour qu'il expulse Luba. Il est également question d'une tortue à 2 têtes et la poitrine de Carmen commence (peut-être) à se développer.

Dans "An american in Palomar" (24 pages), un photographe américain s'installe en ville pour recueillir des clichés mettant en évidence la pauvreté et la misère des habitants. Des relations se nouent, des espoirs de célébrité naissent, et l'américain se frotte à quelques unes des femmes de Palomar.

Dans "Love bites" (11 pages), Carmen éprouve un sentiment d'infériorité et de jalousie vis-à-vis d'Heraclio (son mari) qui lit Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. le soir, alors qu'il revient de sa journée de travail en tant que professeur dans la grande ville voisine, il reprend vertement sa femme et Tonantzin Villasenor qui médisent de Luba. Sa femme le met à la porte et il décide d'aller se saouler au bar du village pour affirmer son bon droit, pendant que sa femme essaye de lire un des livres de sa bibliothèque.

C'était la troisième fois que je tentais de séjourner dans la ville de Palomar dont les récits sont vantés comme l'un des plus importants fleurons des comics indépendants. Arrivé à la page 169, toujours aucun déclic ! Les illustrations en noir et blanc sont très agréables, les femmes sont magnifiques, sans être stéréotypées, les hommes se dépêtrent plus ou moins bien de leur existence. La construction du récit repose sur une structure sophistiquée qui enchevêtrent les points de vue de plusieurs personnages au sein de chaque histoire, mais j'étais incapable de saisir l'état d'esprit de Gilbert Hernandez, de comprendre ses choix narratifs, de distinguer le sens (au propre comme au figuré) de sa narration. On arrête tout et on essaye de trouver des indices. La majeure partie des critiques dithyrambiques évoque également Gabriel Garcia Marquez comme source d'inspiration majeure pour Gilbert Hernandez. Après un petit détour par une encyclopédie libre sur la page consacrée à cet auteur, tout s'éclaire et le récit devient lumineux, il s'en dégage une chaleur humaine exceptionnelle.

Finalement les histoires ne se déroulent pas dans les années 1950, mais bien pendant les années 1980, car il est fait mention de l'apparition du SIDA. Hernandez a donc choisi de construire artificiellement un village à l'écart des grandes routes (la gare de train la plus proche est à 5 km), avec une ambiance rétro. Il s'agit d'un dispositif littéraire, d'une licence artistique, presque poétique. Une fois ce fait établi, il est plus facile pour le lecteur d'accepter l'aspect parfois un peu caricatural des habitations de Palomar. Il devient évident que ce qui intéresse Gilbert Hernandez c'est de faire exister ses personnages par leur comportement, au travers de leurs imperfections et de leurs contradictions. À partir de "An american in Palomar" (page 169), Beto (le surnom de Gilbert Hernandez) commence également à jouer avec ses lecteurs. Ce reporter photo vient pour mettre en évidence les conditions de vie miséreuses des habitants de Palomar, à l'écart du progrès. Il apparaît rapidement que cet américain n'est venu que pour faire des clichés qui lui assureront la reconnaissance de ses pairs et un accès rapide à la célébrité, sans aucun égard quant à la réalité de ce qu'il observe. Beto explique à ses lecteurs qu'ils ne doivent pas se comporter comme des étrangers faisant des gorges chaudes devant ces miséreux vivant dans des taudis d'un autre âge. À nouveau il attire l'attention des lecteurs sur le fait qu'il s'agit d'un dispositif narratif au travers duquel il parle de la condition humaine et que ses personnages profitent autant de la vie que n'importe qui (il glisse même un clin d'oeil supplémentaire avec un habitant en train de lire "Les Misérables" de Victor Hugo). Cet artifice lui permet de mieux décrire et mettre en valeur des sentiments propres à l'humanité, universels.

Ayant enfin trouvé la clef de compréhension qui manquait, les histoires livrent leur richesse, leur tendresse, leur amour du prochain, leur profonde humanité. Gilbert Hernandez entrecroise les vies d'une vingtaine de personnages (Luba, Maricela, Guadalupe, Doralis, Casimira, Archie, Ofelia, Heraclio, Carmen, Israel, Satch, Vincete, Jesús, Heraclio, Chelo, Pipo, Gato, Tonantzín Villasenor, Manuel et Soledad), sans jamais perdre son lecteur, sans s'embarquer dans un récit inextricable ou confus.

Parmi les spécificités des récits de Beto, il y a la place qu'il accorde aux femmes. Si les hommes essayent de rester dignes et de conserver leur amour propre, les femmes endurent tout et leur volent la vedette systématiquement. Pour commencer, Gilbert Hernandez dispose dès le départ d'une maîtrise du noir & blanc impressionnante. Il n'hésite à arrondir et à accentuer les formes féminines (sans aller jusqu'à les exagérer) ce qui leur confère une puissance de séduction phénoménale. Sa capacité d'observation lui permet de concevoir une apparence physique spécifique pour chaque personnage féminin. le climat chaud de Palomar induit des tenues assez légères, sans devenir outrageusement provocantes, et la tension sexuelle est palpable. Beto ne tombe pas dans la pudibonderie hypocrite qui règne en maître dans les comics américain, mais il n'abuse pas non plus de la nudité. Elle n'apparaît que dans quelques cases, entièrement justifiée par le récit.

En tant qu'illustrateur, ses talents de décorateur s'affinent d'histoire en histoire pour atténuer l'impression de carton-pâte que donnent les habitations des premiers récits. En tant que metteur en scène, il impressionne dès le départ. La majeure partie des histoires repose sur des dialogues qui bénéficient d'une mise en scène habile : les personnages se déplacent dans les décors, donnant un intérêt visuel à chaque case, à chaque séquence, de manière tout à fait naturelle grâce à une maîtrise des techniques de chef opérateur et de cadreur. Hernandez accorde également une attention particulière aux costumes et aux coiffures, sans aucune impression d'ostentatoire. le seul bémol naît d'une impression un peu tassée du fait que ces rééditions sont dans un format plus petit que celui d'origine.

Il m'aura fallu du temps pour comprendre la démarche littéraire de Gilbert Hernandez dans ces histoires (faute d'une culture adéquate de ma part ; heureusement qu'il n'y a pas été trop fort avec le réalisme magique dès le début, sinon j'y serais encore). Mais l'investissement nécessaire permet de découvrir des personnages humains, attachants quelles que soient les facettes de leur personnalité, leurs qualités comme leurs défauts. L'artificialité de certains éléments (la beauté des femmes, la relative liberté des moeurs, l'aspect désuet, presque suranné de Palomar) sont autant de dispositifs narratifs qui permettent à Hernandez de mettre à jour les sentiments des uns et des autres. Loin de tout misérabilisme larmoyant et facile ou de sentimentalisme exacerbé, les habitants de Palomar confrontent le lecteur à ses certitudes, à ses propres sentiments, à sa vie sentimentale intérieure, dans une aura de chaleur humaine douce et bienfaisante. Je réserve tout de suite mon prochain voyage pour Palomar dans Human diastrophism.
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