AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,7

sur 619 notes
J'aime beaucoup Philippe Jaenada ; je me suis donc précipitée pour lire son dernier livre.
Ce n'est pas le plus simple. Encore une enquête minutieuse, archi-fouillée, précisément documentée sur le meurtre d'un petit garçon en 1964.
Il ne faut pas rater une ligne au risque de manquer une information et ne plus rien comprendre, et comprendre ce n'est déjà pas simple tant il y a de personnages, d'informations, de mensonges, de manipulations et de fourberies.
Comme à son habitude Philippe Jaenada met son grain de sel, juge et interpelle les protagonistes, raconte des anecdotes sur sa vie ; heureusement, cela met un peu de légèreté dans cette histoire qui en manque singulièrement. Cela permet de sourire et de reprendre son souffle dans le récit.
La justice est encore une fois passé à côté et ça, ça l'énerve Jaenada.
Ce livre veut réhabiliter.
C'est dense, c'est triste, c'est injuste ; c'est le printemps des monstres.
Commenter  J’apprécie          410
Il faut s'accrocher!

749 pages où tout est disséqué, remué, contrarié…
Philippe Jaenada cherche, gratte, analyse l'une des grandes interrogations du XXème siècle et jusqu'à nos jours : qui a réellement tué le petit Luc Taron dans la nuit du 26 au 27 mai 1964?

Et Philippe Jaenada, avec cette plume qui lui est propre, nous emmène dans une étude acharnée des faits mais aussi des mensonges, des contradictions, des inconnues qui nous laissent à bout de souffle et au plus haut degré du doute…

Pour lui, Lucien Léger (41 ans de prison) n'est pas le tueur même si sa conduite (auteur de lettres qui ont apeuré la France) et même s'il a participé d'une manière ou d'une autre à cet enlèvement.
Il nous emmène, avec force de détails, force d'incongruités dans les témoignages, force de gens troubles (parents, « amis »), force de relever les sous-entendus de certaines lettres échangées entre Léger et sa femme Solange, il nous emmène à sa conviction.

Les manquements dans l'enquête, les pistes trop tôt abandonnées ou négligées, l'attitude du premier avocat, la dérive de certains médias, son influence sur l'opinion publique, les jugements incorrects et hâtifs de la foule, les personnes concernées dont le passé révèle bien des anomalies… tout est montré, souvent démontré.

Philippe Jaenada a un véritable talent pour raconter les faits-divers et plonger le lecteur dans l'ambiance d'une époque.
Il faut un fameux esprit de synthèse pour ordonner tous ces documents et donner une version compréhensible pour le lecteur d'aujourd'hui.
C'est un véritable tour de force : il se déplace sur les lieux pour s'imprégner, il lit et relit les documents (procès-verbaux, articles de presse, lettres…), il cherche des aides ou des confirmations auprès de ses prédécesseurs et/ou collègues, etc…

Pour alléger l'atmosphère, il n'hésite pas à introduire des éléments de sa vie personnelle qu'il traite avec auto-dérision.

Une idée se dégage du livre dans le sens où des gens peu clairs, troubles, fuyants, au passé douteux finissent par s'en tirer sans problème et cela a été vrai dans les années 6O et l'est toujours aujourd'hui.

La troisième partie du livre consacrée entièrement à l'épouse de l'Étrangleur (Solange) lui confère une place qui lui a toujours été niée (mère-médecins-psychiatres-belle-famille-juges…), à l'exception de deux familles qui l'ont accueillie dans sa jeunesse.
C'est tout à l'honneur de Philippe Jaenada et de sa capacité d'empathie.

Mais n'oublions jamais la victime principale, le petit Luc Taron qui paya de sa vie ce qui demeure un mystère chez les survivants.

On sort de cette lecture étourdis par ce noeud de vipères, troublés par les non-réponses, sceptiques quant au déroulement des faits et en interrogation : coupable, pas coupable? Qui? Comment? Pourquoi?

Reste une vérité judiciaire mais est-elle La Vérité?


Commenter  J’apprécie          392

le 27 mai 1964, le corps d'un petit garçon de onze ans est découvert dans un bois de la banlieue parisienne. Luc Taron avait disparu la veille au soir. C'est au matin, en allant déclarer sa disparition, que les parents apprennent que leur fils a été retrouvé mort étranglé.

L'enquête commence et la France a peur. Quelques jours plus tard les radios et les journaux reçoivent des lettres d'un corbeau s'accusant du meurtre, rapidement Lucien Léger, un étudiant infirmier, est arrêté. L'étrangleur derrière les barreaux la France rassurée peut respirer.

Quelques mois plus tard celui qui deviendra le plus vieux détenu de France se rétracte, non il n'a pas tué le petit Luc Taron, il a écrit les lettres et connait l'assassin mais ne peut révéler son nom. Trop tard la machine judiciaire est en marche et rien ne l'arrêtera.

L'intrigue est exposée et les acteurs sont en place, mais comme l'inspecteur Philippe Jaenada va rentrer en scène, oublions tout ce que je viens d'écrire, avec lui remontons le temps et retrouvons les images d'une France en noir et blanc. Philippe Jaenada le Willy Ronis de la littérature. Livre enquête, roman historique et véritable somme des acteurs anonymes qui peuplent notre beau pays au sortir de la guerre. Etude sociologique d'une France moyenne voir médiocre et de ses habitants prêts à tout pour se frayer un passage dans ces années de reconstruction, vraiment prêts à tout certains de ses habitants.

Vrais collabos, faux résistants, anciens de l'OAS, juges, policiers, avocats ou journalistes paresseux, la deuxième partie de « Au printemps des monstres » est une édifiante plongée en apnée dans la fosse septique de la France des trente glorieuses.

Jaenada est un vrai romancier, chez Baz'art on le sait depuis longtemps, mais dans ses derniers ouvrages il effectue aussi un vrai travail de mémoire.

Archiviste méticuleux, chercheur compulsif, gratteur de vernis opiniâtre, il parcourt la France à la recherche de la vérité et son obsession devient contagieuse.

Ce qu'il découvre et qu'il distille, au sujet de l'Affaire Luc Taron, durant sept cents pages provoque chez le lecteur une véritable et très saine addiction, son roman devient impossible à lâcher.

Mais ne nous trompons pas, Philippe le preux, n'est pas du tout un moralisateur cynique et ricanant, c'est avant tout un romancier humaniste qui a aussi le talent d'être très, très drôle, ses digressions autofictionnelles et autres apartés du coq à l'âne sont d hilarantes et tendres bouffées d'oxygène.

N'en déplaise aux tristes tribuns qui encombrent nos médias en cette fin d'année, non la France n'était vraiment pas plus belle avant.

Après avoir pataugé dans le marigot pestilentiel de l'après-guerre, Jaenada le bienveillant, termine son enquête par le triste résumée de la triste vie de Solange l'épouse de Lucien Léger, actrice malgré elle d'une sinistre pièce de théâtre. La jeune femme au sourire espiègle de la couverture, c'est elle l' héroïne oubliée de cette terrible histoire.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          360
J'ai acheté ce livre cet été dans le plus grand magasin de livres de seconde main de Bruxelles, qui vienait de finir ses travaux de rénovation (les Bruxellois sauront de quel magasin je veux parler).

L'item 5 du Challenge Pavés 2022 de Babelio est « Un ROMAN de Valérie Perrin, Franck Thilliez, Pierre Lemaitre ou Philippe Jaenada ». J'avais voulu lire le dernier roman de Pierre Lemaitre (mais comme c'est le premier volet d'une trilogie, je me suis abstenue). Je n'avais jamais lu de livre de Franck Thilliez (mais j'ai abandonné après trois essais, je n'accroche vraiment pas à son style). J'ai trouvé à la bibliothèque Trois de Valérie Perrin (mais il convenait mieux à l'item 3 « Un chiffre ou un nombre dans le titre de ce ROMAN (sauf un) » - ou l'item 10 « La narration de ce RECIT se partage entre plusieurs époques” ; j'ai fini par le caser à l'item 37 «C'est le second ROMAN que je lis de cet.te auteur.e ».

La lecture de la quatrième de couverture de Au printemps des monstres n'était pas de nature à me distraire dans cet été torride 2022. Ce n'est donc qu'après la troisième tentative de lire un roman de Franck Thilliez que je me suis décidée à ouvrir le dernier livre de Philippe Jaenada. Surprise, le livre était dédicacé par l'auteur à la deuxième page.

« le 28 août 2021
Sébastien, j'espère de tout mon coeur que les pages qui vous restent à lire seront les meilleurs. Vous me le direz l'an prochain ?

Amicalement,

Ph. Jaenada »

Un signet était présent à une cinquantaine de pages après le début de l'histoire.

Mu par la détresse financière comparable à celle de Solange Léger, Sébastien aurait dû sa bibliothèque ? A moins qu'après une rupture sentimentale houleuse, Sébastien se soit vu privé de son livre en cours de lecture ? A-t-il été oublié dans un train ou un bus et que celui qui l'a trouvé ait voulu se faire un peu d'argent (au lieu de le déposer aux objets perdus) ?

Sébastien est invité à se manifester (ou Philippe Jaenada). Je suis sure qu'une bonne histoire nous sera racontée.

Challenge Pavés 2022
Commenter  J’apprécie          354
Jaenada semble s'être fait une spécialité des affaires judiciaires troubles, non résolues ou dont on peut douter que le jugement soit juste, conforme à la vérité.
Il s'agit ici de revenir sur la mort d'un enfant de 11 ans et sur les 41 années de prison de Lucien Léger.
Le 26 mai 1964, Luc Taron rentre de l'école, un peu en retard. Il ressort après avoir volé de l'argent dans le porte-monnaie de sa mère et… disparait. le lendemain, son corps est retrouvé dans la forêt de Verrières, étouffé.
Pendant un mois, un homme se revendiquant comme « l'Etrangleur » envoie des lettres, des messages délirants, téléphone aux parents, à la police, aux médias, choquant la France entière.
Lucien Léger, arrêté, avoue. Il est l'Etrangleur.
La machine judiciaire se met en marche. L'affaire semble claire. Et pourtant…
J'ai retrouvé Jaenada avec grand plaisir. Non pas que je connaisse bien l'auteur mais « La serpe » m'avait tellement séduit.
Ici encore, Jaenada va, de manière presque obsessionnelle, tout relire, tout décortiquer, se rendre sur tous les lieux, reprendre toutes les pistes, en découvrir de nouvelles, accéder à de nouvelles sources et bien sûr… faire des digressions.
Après s'être consacré à une 1ère partie factuelle de l'affaire, de la mort du gamin à celle de Lucien Léger, il s'attache dans une grosse 2ème partie à reprendre toutes les pistes troubles, toutes les anomalies qu'il a pu relever (et ne se prive pas de rappeler ce qu'il doit au travail colossal de ses prédécesseurs sur cette affaire Stéphane Troplain et Jean-Louis Ivani, ni à sa perle de chercheuse-fouineuse Wats).
Et les voilà les monstres !
Lucien Léger avait déclaré dans un de ses messages déments « Je suis de la graine qui pousse au printemps des monstres ». Pour Jaenada, les monstres ne sont pas ceux que l'on croit. Tous les protagonistes sont monstrueux. Et effectivement il va lever bien des lièvres dans le genre abject… les parents, les « amis » de Lucien, les avocats, la police…
Sauf, sauf Solange, l'épouse, la soi-disant « folle » qui mourra dans le dénuement et la solitude la plus profonde. Il lui consacrera toute sa dernière partie.
Certes, Lucien n'est pas très sympathique (ses forfanteries lors de son arrestation, de son jugement sont largement douteuses) mais pour autant… 41 ans de prison…
Si cette nouvelle enquête mobilise un nombre très important d'intervenants, Philippe (allez, nous sommes de la même année et j'en sais désormais assez sur sa petite santé que je pense pouvoir l'appeler par son prénom) se fait fort de toujours rappeler qui est qui afin que nous ne soyons jamais perdus (enfin presque).
Si cette nouvelle enquête ne permet pas de résoudre cette affaire, s'il reste de nombreuses zones d'ombre, il n'empêche que les indices, les déductions de Philippe (j'insiste) m'ont permis de me faire mon opinion : Lucien Léger n'a pas tué Luc Taron.
Pour finir, un mot sur les digressions qui en agacent quelques-uns. Personnellement, je trouve les interventions, les jugements, les fameuses parenthèses, de Philippe (😊)drôlissimes . Non seulement, il y va carrément sur les protagonistes notamment sur les salauds, il livre des petites remarques au fil de son écriture (et de sa relecture) sur des évènements liés à son contexte d'écriture mais surtout il crée des ruptures salutaires dans un récit dont le fond est si glauque que sans elles il deviendrait pesant.
Commenter  J’apprécie          320
Philippe Jaenada est né le jour où Luc Taron, 11 ans, a disparu. Il sera retrouvé le lendemain, mort, dans un bois de l'Essonne. Un homme va alors commencer à jouer avec la police et les médias, passant des coups de fil et envoyant des lettres, s'accusant d'être l'étrangleur. Il sera arrêté, jugé, emprisonné, longtemps, très longtemps.
Un peu plus de 50 ans plus tard, Philippe Jaenada trouve l'histoire intéressante, creuse, s'interroge, enquête,... et si c'était là un des plus gros scandales judiciaires français du 20e siècle?

J'aime beaucoup les romans de Philippe Jaenada. Parce que c'est toujours très intéressant, bien documenté et qu'il y met une grosse part de lui-même. Dans l'enquête bien sûr (il est allé se promener dans les bois de Verrières à la poursuite du fantôme de Luc Taron, il a réservé les chambres d'hôtel qui servaient de logement à certains protagonistes sans le sou dans ces années 60, il a arpenté le métro parisien...) mais aussi dans le bouquin. C'est vrai qu'il digresse beaucoup, qu'il aime bien nous parler de sa vie, de ses petits et gros bobos, des voitures qu'il loue pour ses enquêtes,... Et moi j'aime ça, parce que ça apporte de l'humanité dans un récit qui ne fait qu'en perdre tout au long des pages. Et ça allège, par un humour pince sans rire et souvent ironique dans lequel il excelle.

Pour ce Printemps des Monstres, l'auteur nous emmène donc fouiller dans le passé, à la recherche du destin d'un garçon qui aura eu onze ans pour toujours et de celui qui a payé par la prison un crime qu'il n'a peut-être pas commis. On sent à travers l'ensemble que Philippe Jaenada est aussi très touché par Solange, la femme du criminel, qui aura eu une vie de misère jusqu'au bout alors qu'elle aurait peut-être mérité qu'on mette un peu de paillettes dans sa vie.

Le récit est dense. Ca fourmille d'informations, de détails, dans l'ordre, dans le désordre. Et sur les détails, on rajoute les couches de réflexions, de suppositions, d'hypothèses, de certitudes,... On déterre les mensonges, les incohérences, les invraisemblances, les lâchetés....
J'aime quand quelqu'un ose s'attaquer à la petite histoire, j'aime quand un auteur titille mon esprit logique, remet en question l'acquis...
Il faut dire que j'avais fait confiance à Philippe Jaenada et n'avais pas lu la 4e de couverture, me gardant la surprise totale. Et j'ai pris la version audio parce que je trouve ses bouquins plus digestes sous cette forme.

Donc, la première partie déroule chronologiquement les faits, tels que les français ont pu les suivre à l'époque. Et au moment où le procès est clos, l'appel impossible, la réclusion confirmée.... il restait encore presque une trentaine d'heures d'écoute. Qu'est-ce qui pouvait encore bien se passer? Et c'est là que la sentence jaenedienne est tombée: s'il était sûr d'une chose, c'est que Lucien Léger n'avait pas tué Luc Taron !
Si j'avais été intéressée par ce qui précédait, la suite m'a littéralement captivée. Parfois, les monstres ressemblent à monsieur et madame Tout le monde, parfois les monstres, c'est les voisins, parfois, les monstres, ils passent à la télé,... Parfois, les monstres ne sont pas ceux qu'on croit.

Je salue une nouvelle fois le travail remarquable de Philippe Jaenada et j'attends avec impatience sa prochaine enquête.



Commenter  J’apprécie          301
Début de la quatrième page de couverture, Texte de Philippe Jaenada : Ce n'est pas de la tarte à résumer, cette histoire .
Oh que oui !
Essayons de faire simple.
27 mai 1964 - le corps d'un enfant de 11 ans, Luc Taron est trouvé dans les bois de Verrières en Seine et Oise.
Pendant un mois , un individu qui se fait appeler l'Etrangleur va inonder médias et police de plus de 50 courriers pour revendiquer le meurtre.
Au bout d'un mois il se fera arrêter . Il s'appelle Lucien Léger. Il a 27 ans. Il passe des aveux circonstanciés.
Un an et demi après il est condamné à la prison à perpétuité.
Il sera pendant très longtemps le plus vieux prisonnier français.
Il restera 41 ans en prison jusqu'en 2005.
Lucien Léger mourra en 2008.
Fermez le ban comme dirait Philippe Jaenada.
Cela ne mérite pas, à première vue un livre de 750 pages.
C'est mal connaitre Philippe Jaenada.
Comme dans la Petite Femelle , la Serpe , Philippe Jaenada va minutieusement reprendre tous les éléments de ce fait divers.
Et comme toujours, il va intriquer sa vie personnelle dans cette enquête. Fidèle à ses habitudes d'écriture les disgressions sont encapsulées dans de multiples parenthèses où l'humour vaut bien la longueur des parenthèses.
Reste que ce livre est un monument de documentation que Philippe Jaenada déstructure pour nous dire que les monstres ne sont pas obligatoirement où c'est le plus évident.
Dans cette société des années 60 encore proche de la fin de la Deuxième guerre mondiale, les Trente Glorieuses semblent très loin.
Philippe Jaenada nous dresse un portrait saisissant de cette époque en démontant point par point la réalité de tueur de Lucien Léger.
Il nous livre des pages étonnantes sur la réalité humaine d'Yves Taron , père du petit garçon tué. Il fait apparaitre des personnages au double jeu inquiétant tel Jacques Salce. Il n'exonère pas Lucien Léger de ses responsabilités.
Tout comme il n'oublie pas de nous montrer les terribles ratés ( volontaires ?) des différents enquêteurs et commissaires.
Malgré les incohérences du dossier , aucune demande de révision de procès n'aboutira.
Et puis il y a Solange, la femme de Lucien Léger . Bout de femme ballotée par la vie et de santé fragile. Fragilité de santé que l'on assimilera rapidement à une maladie mentale.
Solange qui restera fidèle à Lucien.
Solange , l'inverse d'un monstre.
Je suis sorti de ce livre un peu cassé par temps de noirceur, de folie , de mensonges , de monstres.
Tant de vies bousillées.
Cela reste une expérience de lire Philippe Jaenada et je ne la regrette pas.
Reprenant la quatrième de couverture de Philippe Jaenada : Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice.
Quel terrible constat.

Lien : https://auventdesmots.wordpr..
Commenter  J’apprécie          281
Philippe Jaenada retrace avec le brio et la minutie qu'on lui connait ce fait divers qui a fait la une des journaux en printemps 1964, le meurtre d'un jeune garçon de 11 ans, Luc Taron.
Le monstre, c'est Lucien léger, auto-proclamé l'Etrangleur. Qui avouera le crime, et qui clamera ensuite pendant 40 ans son innocence. Il fait partie du cercle très fermé des criminels aux plus longues incarcérations purgées.
Pour qui aime les faits divers, c'est un ouvrage à lire.
Jaenada marche littéralement dans les pas de Lucien Léger. Et s'attaque ensuite à l'enquête, aux autres protagonistes, aux autres sphères entourant ce meurtre sordide. Sans oublier Solange, l'épouse perdue.
Un récit extrêmement détaillé, précis, argumenté. Un travail monumental.
Mais pas facile à lire, ni à digérer. Heureusement, les parenthèses de l'auteur sont nombreuses et bienvenues : amusantes,cyniques, nostalgiques ou ironiques, elles aident à continuer et à se raccrocher au présent, l'auteur nous confiant ses souvenirs, ses soucis, ses peurs ou ses pensées.
Un récit atypique, qui ne laisse pas indifférent.
Merci aux éditions mialet Barrault et à babelio pour cette découverte.
Commenter  J’apprécie          271
Rarement ma première impression n'aura été aussi négative avec un pavé pour finalement changer d'avis et arriver au bout. D'entrée de jeu deux choses m'ont horripilées : les digressions de l'auteur, entre autres, sur sa vie personnelle, et l'abus de parenthèses.
Pour ce qui est des digressions, au bout d'un certain nombre de pages je me suis mise à les apprécier : elles étaient comme des pauses salutaires dans le récit vu la densité des informations. Elles apportaient un peu d'oxygène à un récit plutôt étouffant. En plus certaines m'ont appris des choses curieuses, comme l'origine de l'expression « Ca fait la rue Michel », d'autres, celles sur Modiano, se sont avérées parfaitement justifiées.
Par contre pour les parenthèses ça ne s'est pas arrangé, bien au contraire, puis que Philippe Jaenada va jusqu'à utiliser trois parenthèses enchâssées : « C'est d'abord dans Ici Paris (qui titre, le 9 août 1974 : «  Et si c'était l'une des plus grandes erreurs judiciaires du siècle ? ») puis surtout, le 24 août, sur France Inter et dans Le Figaro (les médias ont reçu une lettre de seize pages écrites par Léger depuis la centrale de Haguenau, transmise par son jeune frère Jean-Claude (à qui il l'a fait passer dans la couverture d'une bible (Lucien s'est inscrit à l'atelier de reliure de la prison))), puis partout ailleurs, que la bombe, la petite bombe, le pétard, mouillé, explose. » Pourtant le style de Jaenada, hormis ces parenthèses, est plutôt simple, coulant, facile d'accès. le ton est plutôt très agréable, mais ce qui rend la lecture difficile, c'est aussi la répétition de détails au point que l'on finit par se perdre. C'est largement le sujet qui veut ça avec Lucien Léger qui reprend jusqu'à plus soif au fil du temps des versions différentes. C'est donc assez fatigant à lire, mais je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une lecture exigeante. Fatigante donc, mais suffisamment passionnante pour que je sois allée jusqu'au bout (mais en même temps j'abandonne rarement un livre, ou alors dès la première page). En fait le plus grand intérêt que j'ai trouvé dans cet ouvrage, c'est la plongée dans les années cinquante, la crise du logement qui obligeait des français moyens à se loger dans des hôtels, l'ambiance de l'époque est très palpable, bien retranscrite.
Le livre est constitué de trois parties : la première sert surtout à informer le lecteur de l'affaire telle qu'elle était connu à l'époque par le grand public, et par les personnes qui l'avaient suivi de près. Ensuite, la deuxième partie, « Les monstres », représente un vrai travail journalistique en reprenant les zones d'ombre (dont certaines que l'auteur n'avait pas encore souligné mais que le lecteur pouvait repérer), en creusant le profil d'autres protagonistes de l'affaire (les parents de la victime, des témoins au procès, le juge, les enquêteurs, ….) La dernière partie est consacrée à Solange, l'épouse de Lucien Léger, qui se révèle totalement différente de l'idée que l'on pouvait s'en faire jusque là. L'histoire, un fait divers, se révèle digne d'un véritable feuilleton. L'approche méticuleuse est impressionnante, mais l'écriture aurait gagnée à un certain élagage, parce que tant de pages pour ne gagner aucune certitude (on s'en doutait), constater qu'il ne faut pas se fier aux apparences, que les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit, que l'âme humaine est bien complexe, … Dans le même genre (un fait divers décortiqué jusqu'à l'os), j'ai mille fois préféré Laetitia d'Ivan Jablonka.
Commenter  J’apprécie          262
Vendredi 3 septembre au matin, il me restait une cinquantaine de pages d'Au printemps des monstres à lire (quand j'aime un gros livre et que j'approche de la fin, je ralentis pour faire durer le plaisir), et coïncidence (Philippe Jaenada les aime, et moi aussi) : au même moment à la radio, l'écrivain expliquait à Augustin Trapenard d'où lui était venue l'idée de s'intéresser au meurtre du petit Luc Taron le 27 mai 1964, à l'arrestation de Lucien Léger, sa condamnation à perpétuité (malgré le manque de témoins, de preuves, de mobile), sa libération conditionnelle après quarante années en prison (Léger est sorti à soixante-huit ans à l‘automne 2005 ; il meurt en juillet 2008).

Tout ce que Philippe Jaenada a dit à Trapenard et ses auditeurs ce matin-là, est dans le roman :
— ses trois années (“sept jours sur sept, cinquante-deux semaines par an”) de recherches minutieuses et lectures de comptes rendus d'audience, témoignages, interrogatoires, articles de presse, etc. : des dizaines de milliers de pages ; ensuite, une année d'écriture et de relectures du manuscrit
— sa vision des années 60, noires, pénibles, difficiles, loin des images colorées, twist et rock'n'roll, auxquelles on pense d'habitude
— son regard sur la monstruosité, le mensonge, les apparences, le poids de l'opinion publique ; les faits-divers ont en eux-mêmes peu d'intérêt (haine, violence, bêtise, inhumanité), dit-il, mais en se donnant le temps et le recul nécessaires, en creusant patiemment autour, on (lui) peut en tirer des leçons et regards sur la société, les gens, les mécanismes de l'âme humaine.


Par contre, j'ai remarqué que Philippe Jaenada n'avait rien dit à Trapenard (le format d'entretien de Boomerang est court !) sur Solange.
Tant mieux pour moi, ça me laisse un peu de champ. Mais ça m'a surprise. La troisième et dernière partie du roman (pp. 615-749) porte en titre son prénom ; il n'y parle presque que d'elle ; c'est une évidence pour moi : PJ est tombé sincèrement et tendrement amoureux du petit fantôme de l'épouse de Lucien Léger, le soi-disant "Étrangleur". Il a peut-être voulu garder ça pour lui, trop intime pour la radio ! Je parie que c'est lui seul qui a choisi la photo de couverture, inattendue mais si parlante.
Il compose pour Solange (1938-1970) un portrait-tombeau sensible, qui laissera enfin une trace émouvante de celle qui n'a jamais eu de place dans la société, depuis son enfance fracassée, jusqu'à la fosse commune d'un cimetière de banlieue non identifié où son corps usé de trente-et-un ans a été inhumé.
Personne n'avait jamais parlé d'elle en bien avant Philippe Jaenada (sauf Lucien Léger dans sa correspondance).
Dès le début de l'affaire, il est clair qu'elle n'y est pour rien. Son alibi : elle est "soignée" depuis de longs mois à l'hôpital psychiatrique de Villejuif. La presse fait aussitôt d'elle une folle, une handicapée mentale (sans doute aussi par analogie avec son mari), une inutile. Ce qu'elle n'est pas encore, et qu'elle résistera de son mieux à ne pas devenir, malgré les pressions grandissantes, puis l'abandon total de tous.
Pour PJ, elle est celle qui a le mieux compris le comportement aberrant de Lucien Léger, ses mensonges, ses entêtements, ses revirements.
Mais encore pires que les journalistes, ce sont les enquêteurs, les avocats, les juges, qui vont écarter sans égards (euphémisme ou litote) la jeune femme (soi-disant à cause de sa santé (elle n'a même pas été appelée à témoigner au procès de son mari)), et peu à peu la réduire à une ombre condamnée à s'effacer par leur monstrueuse inhumanité (elle ne s'est pas suicidée).
“ En lisant sa correspondance, je me suis rendu compte qu'elle était au contraire tout à fait sensée, douée d'une capacité salutaire de détachement, fine et spirituelle, atypique mais remarquablement lucide, et protégée par son humour. ”
(et en matière d'humour, de détachement et d'autodérision, PJ est un connaisseur, un vrai)

Je ne suis pas d'accord, d'avance, avec ceux qui diront que ce à quoi Philippe Jaenada travaille depuis 2010 (Sulak, La Petite Femelle, La Serpe, Au printemps des monstres), ce n'est plus de la littérature.
Si, c'en est.
J'ai dû le lire quelque part mais je trouve ça juste : c'est de la "littérature du réel“.
Ce ne sont pas des biographies, pas des documents, pas des contre-enquêtes (sorry Augustin) ; les choses ont été jugées, les peines exécutées, les personnages principaux sont morts. C'est trop tard pour eux. Sauf pour espérer corriger leur mauvaise réputation posthume toujours vivace, et pour comprendre si possible les incohérences qui parsèment leurs histoires, et qui apparaissent encore mieux avec le temps. Aussi, surtout, pour pointer les erreurs de ceux (avocats, juges, journalistes) qui ont eu leur sort entre leurs mains.

Pas non plus d'accord, avec ceux qui diront : sur la page de titre figure "roman", mais où elle est, la place de la fiction dans un tel livre ?
Tout ce que Philippe Jaenada raconte du fait-divers et de ses suites est vrai, pas truqué, mais par contre pour la narration entre les lignes de ses démarches, de ses voyages de poche, de ses petites mésaventures un peu pathétiques, il est libre d'inventer, de déformer, d'exagérer, ou pas ; et il ne s'en prive pas ! Il y en a il me semble moins que dans La Serpe, mais elles sont toujours une respiration plaisante, parfois hilarante.

Toujours pas d'accord, avec ceux qui remarqueront finement qu'une grande partie de texte est reprise telle quelle d'extraits de documents judiciaires ou journalistiques : où il est alors, le style de l'écrivain ?
Ok. C'est vrai qu'il y a à longueur de page dans APDM, des passages entre guillemets qui ne sont pas des mots de Philippe Jaenada ; mais c'est bien lui qui les a choisis, qui les a organisés pour qu'ils s'articulent avec précision, avec le plus de logique possible, et servent ainsi son projet de dingue...

Les vrais critiques littéraires vous parleront mieux que moi des liens de APDM avec les romans de Modiano (mais PJ est bon gars : il signale souvent, voire toujours, ces références) ; encore plus fort : il y a des liens avec Modiano lui même en la personne d'Alberto, son père, qui fait une apparition pour de vrai dans le milieu interlope auquel Lucien Léger a peut-être été mêlé de plus ou moins loin ; moi, avant, j'avais relevé les noms des tout premiers "témoins" dans l'affaire, qui sont plus modianesques que nature : Jacqueline Krolik, David Beck, Jacques Farge, on rêve, non ? pourtant c'est vrai.

J'ai mis une semaine (jours ouvrés) pour lire APDM ; j'ai pris des notes, je me suis parfois perdue, mais chaque fois retrouvée... Philippe Jaenada reconnaît lui même que par moments c'était un vrai "fourbi", son truc, qu'il n'y comprenait plus rien... mais à force de patience (pour lui comme pour moi !), sans vouloir dire que tout s'éclaire, il se dégage, à la fin de cette énorme lecture, un sentiment d'apaisement (un peu triste quand même) qui tranche certainement volontairement de la part de l'auteur avec l'effroi, l'horreur et la stupéfaction ressentis dans les premiers chapitres.


Lien : https://tillybayardrichard.t..
Commenter  J’apprécie          258




Lecteurs (1512) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2901 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}