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EAN : 9782253110613
82 pages
Le Livre de Poche (23/08/2017)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Au Sri Lanka, alors que les populations cingalaise et tamoule s’efforcent de vivre ensemble, un nouveau gouvernement arrive au pouvoir et accorde tous les privilèges aux Cingalais. Nous sommes en 1983, le pays bascule dans la guerre civile.
Comme celle de milliers d’adolescents, la vie d’Antonythasan, surnommé « Shoba », change du jour au lendemain. Il prend les armes, quitte sa famille, et rejoint les rebelles du mouvement de la Libération Tamoule (LTTE).... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le Sri Lanka, jusqu'en 1972, connu comme Ceylan, une île au sud-est de l'Inde, 2 fois la superficie de la Belgique, 22 millions d'habitants, déchiré par une horrible guerre civile entre Cinghalais bouddhistes, qui forment la majorité, et Tamouls hindouistes, de 1985 à 2009, faisant à peu près 70.000 morts et un très grand nombre de réfugiés.

Shoba, le surnom d'Antonythasan Jesuthasan, en est un et assurément le plus connu en France, grâce à l'excellent film de Jacques Audiard, "Dheepan", qui a remporté la Palme d'or au Festival de Cannes de 2015 et dont il est le protagoniste principal.
Le récit de son appartenance aux fameux Tigres tamouls, sa rupture avec ce mouvement, sa fuite et son arrivée en France fait l'objet de "Shoba - Itinéraire d'un réfugié" publié en collaboration avec Clémentine V. Baron.

Signalons que Clémentine V. Baron, journaliste, est l'auteure de "Les oiseaux migrateurs", un recueil de 17 témoignages de réfugiés, d'origines divers, établis en France. "En racontant leurs histoires, toutes singulières, ils dépassent le statut qu'on leur a conféré: celui de réfugié, pour redevenir simplement homme ou femme". (Source : L'Harmattan).

Shoba est né en 1967 au nord du Sri Lanka, en zone tamoule, là justement où il a rejoint comme volontaire les guérilleros des Tigres tamouls. Après la rupture, c'est l'exil, en passant par Hong Kong et la Thaïlande pour arriver en France, et y obtenir l'asile politique, en 1993. C'est à Sevran, au nord-est de Paris, qu'il s'est installé et où il écrit ses livres sous le pseudonyme Shobasakthi. Comme il écrit en sa langue, s'il existe des livres de lui traduits en Anglais, comme "Gorilla" et "Traitor" , ce n'est malheureusement pas (encore) le cas en Français.

Sevran à été à la une des infos, entre autres à propos de la fondation, il y a 3 ans, de la "Brigade des mères" par Nadia Remadna, née en 1959 et d'origine algérienne. Elle est l'auteure de "Comment j'ai sauvé mes enfants". Un témoignage très fort, paru l'année dernière chez Calmann-Lévy.

Une militante tamoule a assassiné en 1991 Rajiv Gandhi, âgé de 47 ans, devenu le Premier ministre de l'Inde, après l'assassinat de sa mère Indira Gandhi en 1984. Deux bons livres à ce propos sont de Philippe Humbert "Inde, les années Rajiv Gandhi : 1984-1989" et la biographie "Indira Gandhi" par Guillemette de la Borie.

L'ouvrage de Shoba & Baron est court (122 pages en édition Livre de Poche) et se lit facilement, grâce aussi aux notes explicatives en fin de volume.

En Postface, Shoba déclare : "Que serais-je devenu si je n'avais pas atteint la France ?"

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Quel parcours ! Les épreuves qu' Anthonythasan a enduré sont terribles mais il s'en est sorti et a enfin réussi à obtenir le statut de réfugié en France.
Dans ce petit livre nous découvrons la violence et la guerre au Sri Lanka, Cingalais contre Tamiuls. Les représailles et les meurtres font parti du quotidien de l'île, la torture et les guérillas sont omniprésentes et il est difficile de s'enfuir et de trouver asile. de plus, il y est question de problématiques culturelles, notamment celle concernant les castes.
Le parcours de ce jeune homme est très atypique, il a fait parti des Tigres, puis s'est ensuite enfui. Il a fait de la prison, a été trompé dans certaines tentatives pour fuir à l'étranger, a connu la faim, les nuits sans toit, la drogue, l'alcool avant d'enfin avoir une situation plus stable.
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En visitant le Sri Lanka cette année, j'ai ressenti le mépris toujours vivace vis-à-vis de la communauté tamoule. de retour chez moi, j'ai donc été intéressée par ce témoignage d'un citoyen lamba pris dans la spirale haineuse des guerres ethniques. Pour mieux comprendre.
Les castes, les religions, l'embrigadement,la fascination, le pouvoir, la terreur, la torture, la fuite,les amis d'aujourd'hui qui deviennent les ennemis de demain... Tout est réuni dans ce court récit poignant qui concerne cette guerre de 30 ans au Sri Lanka, mais qui pourrait se passer n'importe où dans le monde.
En cela, ce récit est malheureusement universel.
Ce n'est pas de la littérature, mais cela nous fait vivre de l'intérieur le destin d'un jeune homme qui, de soldat devient réfugié.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère était la première debout. Elle se réveillait à 5 heures. Vous savez, sur l’île, les hommes partaient travailler très tôt, alors, les femmes se
levaient aux aurores pour préparer le thé. Il ne suffisait pas d’appuyer sur le bouton d’une bouilloire.
Sans gaz ni électricité, le processus prenait au moins
une demi-heure. Si j’étais réveillé, ma mère m’envoyait chercher du bois pour le feu. Je la revois, le
visage penché tout près des braises, les joues gonflées, souffler patiemment jusqu’à ce qu’une flamme
apparaisse, puis elle mettait la théière à chauffer.
Après le thé du matin venait l’heure de la
douche. Encore une fois, l’opération était un peu
contraignante, car il n’y avait pas l’eau courante.
Dès l’âge de cinq ans, je me lavais tout seul et faisais
mes lessives à la main. J’allais tirer l’eau du puits,
c’était long, le seau était lourd… mais mes parents,
comme tous ceux du village, avaient trop de travail
pour s’occuper de leurs enfants. Ensuite, il fallait
déjà partir à l’école.
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L’école commençait à sept ans. Tous les matins,
les enfants partaient à pied en petits groupes. Les
cours s’étalaient de 8 heures à midi. Après quoi,
on rentrait à la maison pour le déjeuner. Nous
mangions le même plat chaque jour : du riz et du
poisson, avec parfois quelques petits légumes cuisinés en curry. La viande était très chère, alors elle
était réservée pour les repas de fête, deux ou trois
fois par an. Nous n’avions école que le matin, que
pouvions-nous faire après ? Certainement pas rester à la maison : elle était minuscule ! C’était une
petite pièce sans fenêtres, il n’y avait pas de place, pas de lumière, pas d’air… On dormait à sept
dedans. Mon père, en revanche, passait souvent la
nuit dehors, couché à même le sol dans le jardin.
Beaucoup de gens faisaient cela, à cause de la chaleur et par manque de place. Dès 8 heures du soir,
tout le village était endormi. Vous savez, l’huile des
lampes coûtait cher, alors, par souci d’économie,
elles n’étaient en général allumées qu’entre 18 et
20 heures, puis on éteignait et tout le monde allait
se coucher.
Allaipiddy comptait environ cent cinquante maisons, regroupées en fonction des différentes castes1
,
comme en Inde. Chaque caste avait une zone réservée, et les familles restaient entre elles. Même les
enfants ne jouaient qu’avec ceux de leur rang. Ils
n’étaient pas tous en âge de comprendre, pourtant
cela se faisait naturellement, car l’éloignement géographique entre les quartiers ne permettait pas de se
mélanger. Le système de castes s’appliquait partout :
à l’école, à l’église, dans les temples… Parfois, cela
engendrait des situations absurdes. Par exemple, j’ai
dû étudier dans une école hindoue, alors que j’étais
catholique ! En effet, 99 % des hindous étaient de
haute caste, tandis que les chrétiens appartenaient
pour la plupart à une basse caste.
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Le Sri Lanka était dirigé par un gouvernement
socialiste, mais, dans les années 1970, cela n’avait
pas le même sens qu’aujourd’hui. C’était la guerre froide.


le monde était divisé en deux blocs : ceux qui
suivaient les États-Unis et ceux qui étaient du côté
de la Russie. Nous étions dans la seconde catégorie.
C’est pourquoi il y avait une restriction importante
sur tous les produits étrangers, en particulier ceux
qui venaient d’Occident. Pourtant, certaines denrées importées étaient indispensables à notre quotidien, comme la farine, le pain, les lentilles, le lait en
poudre pour les bébés, ce genre de choses. Chaque
village avait son « magasin gouvernemental » avec le
strict nécessaire, mais il n’y avait aucune autre boutique. Pour s’habiller, les enfants avaient en général
droit à une tenue complète par an. Ainsi, chaque
hiver, pour Noël ou Divali1
, la fête des lumières, nos
parents allaient au magasin gouvernemental chercher
de larges pans de tissu que l’on apportait ensuite
à la boutique du tailleur. Il les découpait et créait
des vêtements colorés. Ce n’était pas de la bonne
qualité, mais il fallait que ça tienne toute l’année.
Heureusement, mon école n’imposait pas de tenue
réglementaire. L’uniforme était un luxe réservé aux
écoliers des grandes villes. Quant aux chaussures,
on ne les sortait que pour les très grandes occasions. Seuls les plus riches se chaussaient pour aller
en ville ou se rendre à l’église, mais au village tout
le monde se baladait pieds nus.
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Les planches et le bâton
Dans la petite école d’Allaipiddy, il y avait un
professeur par classe qui nous enseignait le tamoul
– seconde langue officielle du pays –, l’anglais,
encore très parlé sur le territoire depuis la fin de
la colonisation britannique, ainsi que des notions
de mathématiques, d’histoire-géographie, et un peu
de sport. On apprenait aussi à chanter et à danser sur de la musique folklorique. Le directeur a
été mon professeur pendant deux ans. C’était un
homme élégant, gentil et terrible à la fois. Comme
tous ses collègues, il n’hésitait pas à donner des
punitions corporelles à la moindre erreur. Il avait
toujours un bâton, une sorte de longue canne de
bois, et s’en servait pour nous frapper durement.
Pourtant, nous le respections beaucoup. Professeur,
c’était un bon métier ! Ils travaillaient pour le gouvernement et gagnaient bien leur vie. Du moins, ils
touchaient un salaire à la fin de chaque mois, ce
qui n’était pas le cas de la plupart des hommes du
village, fermiers ou pêcheurs. Les professeurs, eux,
portaient des chaussures…
Un autre métier qui nous faisait rêver était celui
d’avocat. Lorsque les gens du village avaient un
problème, ils allaient en ville pour régler leurs
affaires et revenaient en parlant de leur intercesseur
comme d’un dieu. « Cet avocat est incroyable… »,
les entendait-on répéter.
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J’ai tant de noms que je me demande parfois qui
je suis. Qu’est-ce que notre prénom dit de nous ?
Quelle part de notre identité représente-t-il ? Eswaran, Antony, Manyan, Shoba… Je réponds à chacun
d’eux, chacun est une partie de moi. Mes parents
aimaient bien « Eswaran », mais ce prénom hindou
n’aurait jamais été accepté par un prêtre chrétien.
Ils me baptisèrent donc « Antonythasan », tout en
m’appelant « Eswaran » dans l’intimité du foyer.
Adolescent, je me suis engagé dans la guérilla séparatiste tamoule sous une fausse identité, « Manyan ».
Bien plus tard, réfugié en France, je suis devenu
écrivain. Alors j’ai utilisé un pseudonyme car, même
en France, écrire ce que l’on pensait de la situation
au Sri Lanka pouvait être dangereux à l’époque.
J’étais dorénavant « Shobasakthi », alias Shoba, un
nom d’origine sanskrit dont la signification évoque
un grand pouvoir… Récemment, j’ai eu cette opportunité incroyable de jouer le premier rôle dans un
film de Jacques Audiard et je suis devenu aux yeux
du monde « Dheepan ». Oui, j’ai plusieurs identités
et plusieurs vies : je suis un écrivain, un ex-guérillero,
un réfugié, un acteur, tout cela à la fois. Je suis plusieurs hommes dans un seul corps. Aujourd’hui,
Antonythasan Jesuthasan n’est plus qu’un nom
d’état civil. J’ai décidé de m’appeler Shoba.
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