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EAN : 9782070328499
240 pages
Gallimard (05/01/2023)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Il y a quelque chose du poète maudit chez Étienne Jodelle né en 1532 et mort à quarante-et-un ans dans la misère, solitaire et tombé en disgrâce.
Membre de la Pleïade auprès de Ronsard, Du Bellay et Remy Belleau, il est surtout connu pour être l'initiateur du théâtre classique inspiré de l'Antiquité écrit en alexandrins, en cela novateur audacieux et visionnaire. Mais paradoxalement le meilleur de son oeuvre est sans aucun doute constitué de ces sonnets, la ... >Voir plus
Que lire après Comme un qui s'est perdu dans la forêt profondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les vers d'Etienne Jodelle étaient jusqu'à maintenant surtout accessibles par l'édition d'oeuvres complètes d'Enéa Balmas, édition très intéressante, en particulier par sa présentation de l'homme et de l'oeuvre. Mais c'est une édition maintenant un peu ancienne, datant des années 60 du siècle dernier. Et elle restitue les textes tels quels, alors que le changement de la langue ne les rend pas simples à lire. Donc cette anthologie de Sonnets de l'auteur de la Cléopâtre captive, dans une édition de poche très accessible, et qui propose une adaptation-traduction en français moderne, est plutôt la bienvenue.

Ne s'agissant pas d'une édition « savante » la présentation, les notes, l'appareil critique sont forcément relativement succincts même si très judicieux dans l'ensemble. Il s'agit bien plus de donner à lire, à découvrir les textes que de les commenter et faire une analyse poussée de la poésie de Jodelle. Agnès Rees qui propose cette édition a fait le choix de balayer l'ensemble de l'oeuvre, en donnant des échantillons de divers genres de sonnets auxquels s'est adonné Jodelle. A la poésie amoureuse, un peu un « must » de l'époque dans la tradition pétrarquiste, l'éditrice adjoint des poésies lestes, des sonnets de circonstance, adressés à des nobles protecteurs éventuels, des sonnets polémiques, qui combattent la religion protestante, des sonnets d'éloge et d'amitié, et enfin des tombeaux, c'est à dire des hommages à des défunts.

Les poésies amoureuses sont sans aucun doutes les plus intéressantes. Jodelle a un style particulier, très baroque, très complexe, caractérisé aussi par une mise à distance de l'objet qu'il traite, une sorte de second degré. Il maîtrise les codes du sonnet amoureux, les respecte, mais en même temps arrive à faire une sorte de pas de côté, qui le fait basculer dans une autre dimension. C'est érudit, élégamment ironique, suprêmement maîtrisé.

Forcément, lorsqu'il aborde d'autres thématiques, comme l'hommage obligé aux grands de ce monde, cela fonctionne beaucoup moins bien. Et les vers sur les protestants, sont de mauvaise foi et pleins d'une violence et d'une détestation qui questionnent. J'ai presque regretté qu'une place si importante ait été donnée à ces aspects de sa poésie.

Évidemment, il faut être conscient en lisant Jodelle que la majeure partie de sa production a disparu : il n'a pas publié ses vers de son vivant, et des 4-5 volumes promis par Charles de la Mothe après la mort du poète, un seul voit le jour, toutes les autres oeuvres semblent définitivement perdues. Ce qui reste est donc une sorte de splendide ruine, et on ne peut qu'imaginer ce qu'elle a pu être dans sa totalité. Cela renforce la légende du poète maudit, mais frustre le lecteur, parce que ce qui reste, malgré tout, recèle des moments de grâce étonnants.
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"Comme un qui s'est perdu dans une forêt profonde" est le titre d'un sonnet amoureux de Jodelle, où l'Amant est perdu dans l'obscurité car seul, loin de sa Dame qui l'éclaire ; c'est aussi le titre donné à ce recueil qui rassemble l'essentiel des oeuvres poétiques de Jodelle qui ont été conservées.
Car Jodelle lui-même s'est perdu dans la forêt poétique de la postérité pourrait-on dire, il n'avait pas fait publier ses oeuvres de son vivant, les dictait parfois sans même les écrire. La Pléiade est le nom d'une constellation, Jodelle en était l'étoile noire, ou l'étoile naine, celle qui était peu reconnue, à son époque comme aujourd'hui. Je connaissais à peine son nom, et je remercie l'émission Poésie et ainsi de suite de France Culture qui m'a donné envie de lire cet ouvrage.
Je ne vais pas donner de commentaires savants, j'en serai incapable. Mais j'ai ressenti toute son originalité, sa singularité, même sur un thème qui peut sembler éculé, le sonnet pétrarquiste. Oui, sa poésie célèbre l'amour, oui, c'est une poésie humaniste pleine de références à l'antiquité, mais ce n'est pas une ode à une femme et à son corps, il n'y a pas la sensualité voire l'érotisme joyeux, grivois mais toujours solaire pourrait-on dire de Ronsard, pour comparer avec ce que je connais mieux. Non, "la forêt est profonde" chez Jodelle, la couleur dominante est le gris - voire la nuit. La Dame est ainsi plusieurs fois comparée à Diane, déesse de la lune, dont une des formes est Hécate, la déesse souterraine. Ce n'est pas une relation heureuse, l'amant n'a que peu d'espoir, peu de bonheur. C'est une relation marquée par la souffrance, l'amour devient quasiment une torture : "Amour vomit sur moi sa fureur et sa rage", ou plus loin l'Amant se présente comme une "victime menée au sacrifice". Dans tous ses sonnets amoureux, il semble finalement que le véritable amour du poète, sa muse, se soit moins la Dame que la Poésie elle-même. L'idée revient plusieurs fois, il écrit parce qu'il aime écrire, pas parce qu'il aime. D'ailleurs, un des rares sonnets au ton plus léger, placé de façon révélatrice dans l'ensemble du "Contr-Amour" exprime toute la puissance poétique : la Dame n'est pas blonde, mais les vers l'ont décrite ainsi : "Combien de fois mes vers ont-ils doré / Ces cheveux noirs dignes d'une Méduse ? / Combien de fois ce teint noir qui m'amuse, / Ai-je de lis et de rose coloré ?".
La puissance de l'écriture, la foi presque dans la puissance des vers, se retrouvent dans les autres sonnets. J'ai moins apprécié les "sonnets de circonstance", des poèmes de cour écrits sur commande ou du moins pour plaire, qui célèbrent de façon plus attendue la famille royale, ni les "sonnets politiques et polémiques", des poèmes de cour, écrits sur commande ou du moins pour plaire. Il est vrai qu'il faut connaître le contexte très particulier du début des guerres de religion du XVI ème siècle pour comprendre les allusions - même si les notes critiques l'éclairent grandement. Cependant, là aussi, Jodelle affirme le pouvoir de la poésie. Ses poèmes pourront vaincre l'hérésie protestante. Cependant, ils sont d'une grande violence, en terme contemporains on dirait qu'ils sont des terroristes pour lui.
Une intéressante découverte, il faudra que je relise de façon plus attentive les différentes parties.
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Avec Étienne Jodelle, l'expression poète maudit n'aura jamais pris autant de sens. J'ai trouvé ses sonnets satiriques bien plus intéressants à lire que sa poésie amoureuse, qui m'a semblé un peu redondante. Bien qu'écrits il y a plusieurs siècles, on sent l'amusement du poète pour sa poésie grivoise, et c'est assez sympa. Bref, c'est une jolie découverte.
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A mon goût ce recueil se scinde en deux parties, une premiere moitié juste fabuleuse, et une deuxième partie absolument décevante et trop bizarre à mon goût.. j'ai préféré rester sur une bonne image du recueil alors j'ai arrêté assez rapidement quand j'ai vu vers où la seconde moitié du recueil allait…
Même si la seconde moitié du recueil est bizarre, il vaut le coup d'être lu rien que pour le début qui n'est pas lassant, et dont les tropes rappellent certains tropes romantiques…
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critiques presse (1)
LeMonde
09 janvier 2023
« Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. » La phrase de Samuel Beckett pourrait servir d’exergue acerbe à la vie et à l’œuvre d’Etienne Jodelle (1532-1573).
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
De mes ennuis, chagrins, regrets, fureurs, douleurs,
Langueurs, pleurs, et sanglots enfants de mes malheurs,
Ni de cruel délai, s'il faut encor attendre,
Je ne me plains, pourvu qu'Oui, qu'un Nenni
Me fasse heureuse vie, ou mort heureuse prendre,
Mort qui de vie égale à cent mort m'ait banni.
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« Sur la devise de la Cigale »
Quand le chien d’Érigone ou l’avant-Chien encore...



Quand le chien d’Érigone ou l’avant-Chien encore,
Au plus fort de l’Été d’une ardente cuisson
Sèche toute herbe aux champs, avançant la moisson
Que le Soleil doré de son or même dore :

Du plein jour l’âpreté, qui toute humeur dévore,
Vient tous gosiers d’oiseaux fermer à leur chanson,
La Cigale sans plus renforçant son haut son,
Sans fin de voix et deuil, l’œil du grand monde honore.

Car tu es la Cigale, et ta Dame un Soleil,
Mais au chaud de l’Été ton chaud n’est pas pareil,
Ni ton beau chant au chant de la rauque Cigale :

Car ta Dame peut faire ainsi qu’aucun flambeau
N’égale à ton avis son lustre en tout si beau
Qu’aucun chaud, qu’aucun chant, ton chaud, ton chant n’égale.
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Maudirai-je l'amour, maudirai-je de toi
La grâce ou la rigueur et trop douce et trop dure ?
Maudirai-je de moi une encline nature
A suivre et recevoir le mal que je reçois ?
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Je me trouve et me perds, je m'assure et m'effroie,
En ma mort je revis, je vois sans penser voir,
Car tu as d'éclairer et d'obscurcir pouvoir,
Mais tout orage noir de rouge éclair flamboie.
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Si quelqu'un veut savoir qui me lie, et enflamme,
Qui esclave a rendu ma franche liberté,
Et qui m'a asservi, c'est l'exquise beauté
D'une que jour et nuit j'invoque et réclame.
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Étienne Jodelle - Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde
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