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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le hasard ( mais le hasard existe-t-il ?) a voulu que je lise à la suite trois ouvrages traitant de la transformation sociale et politique des années 1970 - 1980- 1990.
Cette fausse trilogie est composée du livre de Véronique Olmi Les Evasions particulières, du livre d'Eric Reinhardt Comédies humaines ( Tiens tiens déjà humaines ! ) et du livre de Serge Joncour Nature Humaine.
Chacun à leur façon ces trois romans traitent de la société française des années 1970/1980. Chaque écrivain a pris un éclairage particulier.
Le roman de Véronique Olmi traite de l'émancipation féminine et des grandes avancées en découlant : l'avortement , la place de la femme dans la société
Le roman d'Eric Reinhardt porte lui sur une société économique et politique qui a fait le choix des ingénieurs plutôt que celui des informaticiens et qui est passé à côté de la création d'Internet. le lobbysme ayant fait le reste.
Le roman de Serge Joncour porte lui sur le monde rural et aussi sur l'aménagement du territoire. Comment le monde agricole se transforme pour faire face à cette société qui s'industrialise , se connecte , se mondialise.
Dans les trois romans , l'histoire est portée par la jeunesse qui se trouve en prise avec ses transformations sociales, politiques radicales. Chaque pan de cette jeunesse étant le vecteur par lequel la société va évoluer et peut se remettre en question.

Revenons au roman de Serge Joncour Nature humaine.
Nous sommes au coeur des années 1970 aux hameaux des Bertranges , dans le Lot à distances de Gourdon , Souillac ou encore Villefranche.
Aux Bertranges vit la famille Fabrier.: ce sont des fermiers, des eléveurs , des cultivateurs , des agriculteurs . En cet été 1976 , on ramasse le safran et pour la dernière fois trois générations de Fabrier participe à cette récolte.
D'abord les grands parents Lucienne et Louis qui vivent sur les terres d'en bas , puis les parents Jean et Angèle qui vent à la ferme dans les terres du haut avec leurs quatre enfants Caroline, Vanessa, Agathe et Alexandre.
Alexandre le fils , celui qui devra reprendre l'exploitation.
Sur ces terres d'en haut vit aussi un peu plus loin Joseph Crayssac. Un personnage libre , irréductible, communiste chrétien, chevrier malmené par un monde en bouleversement.
Alexandre est sensible aux discours de Crayssac qui prédit une agriculture bouffée par cette société libérale et capitaliste. Il faut des Larzac un peu partout et il faut que le peuple se lève contre ce monde là.
Caroline la fille ainée qui fait ses études à Toulouse est en prise direct avec ces attentes. D'ailleurs à Toulouse, elle fréquente un groupe trés européen ou se côtoient des étudiants espagnols, basques, allemands. Des étudiants qui refusent de se faire bouffer par cette société libérale.
Alors on va manifester sur le Larzac, on proteste contre la création de la future centrale nucléaire de Golfech. On a un faible pour la vie en communauté et le retour à la terre.
On se veut activiste.
Par l'entremise de Caroline , Alexandre va connaitre ce groupe et plus particulièrement Constanze , jeune allemande de l'est qui enflamme Alexandre.
Mais pour Anton et Xabi activistes , Alexandre est un trésor. du fait d'être agriculteur, il posséde des tonnes d'engrais qui sont les explosifs nécessaire à la mise en place de leurs nuits bleues.
A partir de là Serge Joncour va nous dresser une fresque qui reprend 20 ans de la vie rurale entre 1970 et 1990.
Tout est abordé : le fils "sacrificiel ", l'évolution à pas forcés de l'agriculture ( les rendements - les produits phytosanitaires - la vache folle - le rejet de la nature) - l'aménagement du territoire ( désenclavement du Sud Ouest - Construction d'autoroute ) - les combats politiques contre le nuclèaire - l'activisme mais aussi le partage et la succession d'une exploitation.
Comme à l'habitude avec Serge Joncour c'est du solide , du bien ancré dans la terre mais aussi de la poésie et de la nature qui s'insinue dans toutes les pages de ce roman. Cette ruralité et cette solidité qui représentent ces terres du Sud ouest , terres qui se peuvent arides sur les Causses mais d'une fertilité et d'une beauté renversante dans les vallées.
Tout au long de ce roman Serge Joncour joue avec son titre Nature Humaine et il en fait presque un oxymore.
Nature et Humaine paraissent si dissemblables et pourtant...
L'humain devant rester très humble devant cette force de la nature. Comme dans un conte , Serge Joncour nous laisse le soin de comprendre que par sa force , sa violence la nature remet les choses à plat et que l'homme est bien orgueilleux de penser le contraire .
Dans le cortège des jours aux Bertranges , restera longtemps l'odeur suave des champs de menthe sauvage et les effluves d'un parfum de patchouli qui rappelle notre jeunesse et ses convictions. La nature est grandement humaine.
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Serge Joncour a la plume facile. Ceux et celles qui ont vécu la canicule de 1976, les mouvements de désobéissance civile de l'époque dans la mouvance de Mai 68 (Gardarem lo Larzac!), ont sûrement, comme moi, bu du petit lait dès les premières pages de ce roman. Je me suis laissé embarquer dans l'histoire d'amour imaginaire d'Alexandre et dans ses élans « activistes » empreints tous deux de naïveté. Je me suis laissé berner par les moments de suspense qui se dont avérés des baudruches et j'ai refermé le roman sur une fin en queue de poisson avec l'impression que Joncour aimait donner vie à ses personnages imaginaires mais que ceux-ci, in fine, prenaient le contrôle de l'écriture et que l'auteur n'avait d'autre choix que de mettre fin à la narration quand le nombre de pages suggéré par l'éditeur était atteint…
J'ai trouvé là, certes, un bon roman en ce sens que jamais je n'ai ressenti de lassitude; mais qui aurait sans doute gagné à s'ancrer dans une construction plus solide. En conclusion, comme beaucoup d'auteurs à la mode, j' ai peur que Joncour ne reste pas dans les annales…
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Alexandre, en ce 23 décembre 1999, attend. Il est prêt. Prêt à quoi ? A tout faire sauter.... Ainsi commence Nature humaine

"Chaque vie se tient à l'écart de ce qu'elle aurait pu être. A peu de chose près, tout aurait pu se jouer autrement. (p9)"


Serge Joncour n'y va pas par quatre chemins. On connaît son attachement à la terre, à la nature, aux campagnes que l'on ravage et qui sont en train de disparaître (je sais de quoi je parle, où je vis j'ai vu en 6 ans le paysage changé). Mais comme il est romancier, il utilise ce laps de temps pour évoquer de 1976 à 2000,  début de ce nouveau millénaire tant à la fois redouté et prometteur suivant le camp que l'on se choisit, l'histoire du domaine des Bertranges où vit Alexandre et celui-ci a choisi.

Agriculteur d'une trentaine d'années, il revoit ses "presque" trente glorieuses mais qui n'ont de glorieuses que le nom, car elles furent jalonnées de désastres, de la canicule de 76 au bug annoncé du passage à l'an 2000 et parcourt le chemin qui l'a mené à décider d'employer les grands moyens puisque désormais il n'espère plus rien ou plutôt parce que ce chemin l'a amené à revoir son avenir.

C'est une fresque de nos campagnes que raconte Serge Joncour, sur les bouleversements opérés en trois décennies, les révoltes qu'elles soient humaines ou l'oeuvre de la nature elle-même, une époque pleine de mutations. Une plongée dans un monde qui a bouleversé les paysages, les usages, le sol pour répondre à la frénésie de la vitesse de déplacements de ses habitants, de la production agricole, toujours plus grand, toujours plus vite, toujours plus......

Trois générations cohabitent sur cette terre dont Alexandre est l'héritier, trois générations ancrées dans cette ferme et qui d'ailleurs ne s'en éloignent guère une fois la retraite arrivée sauf pour la dernière génération, celle qui part pour les villes, pour l'ailleurs à part Alexandre qui lui ne voyage pas, encore moins loin et surtout pas en avion, jamais, même par amour.

Serge Joncour fait d'Alexandre un bienheureux jusqu'au jour où Constanze va croiser sa route, une allemande qui va semer le doute dans son esprit, elle, si différente dans ses aspirations, elle avec ses amis révolutionnaires, elle qui pourtant aime le parfum de la menthe fraîche dans les prés de la ferme.

Alexandre est la génération charnière, celle des choix et en intégrant les changements politiques mais aussi les différentes catastrophes et combats menés qui ont jalonné cette période, l'auteur, romancier-sociologue, revient sur les interrogations qui se posent que ce soit pour l'homme mais également pour la nature, pour l'environnement.

Encore une fois, non seulement l'ambiance rurale, presque charnelle avec le sol est  bien rendue mais les aspects psychologiques de chacun, ses ambitions, ses doutes et parfois ses prises de position radicales, comme avec le personnage du père Crayssac, terrien de la première heure et visionnaire, sont propices à la réflexion.

C'est un roman qui allie questionnements, prises de position mais également relations inter générationnelles et humaines au sein d'un territoire, d'un héritage familial lié à un environnement, à une conception de son travail et son rapport à la nature mais qui doit faire face à un monde en pleine mutation. Concilier nature et travail pour ceux qui sont liés intimement à elle.

J'ai beaucoup aimé avoir confirmation de mon ressenti que tout va très vite, que les paysages changent, que nos modes de vie changent et toute la question est de savoir si tout cela est positif ou pas. A nous de faire nos choix.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Alexandre a repris la ferme familiale au milieu d'un petit paradis de nature : prés, bois, champs, rivière… Tous les visiteurs s'extasient sur la beauté des lieux. Ses trois soeurs pourtant sont toutes parties à la ville et reviennent deux fois l'an pour des fêtes de famille.
En suivant la vie d'Alexandre c'est aussi celle des campagnes françaises, leurs métamorphoses, leurs contraintes que nous suivons.
Cette tranche de vie s'étale donc de 1976 à 1999, de la fin des 30 glorieuses à la mondialisation triomphante. Les curseurs temporels sont calés sur la grande sécheresse d'une part, la tempête de la fin de siècle d'autre part. Cela semble logique puisque forcément la vie d'un paysan est tournée vers le ciel. Mais les catastrophes sont aussi suscitées par les activités humaines : Tchernobyl, la crise de la vache folle… et les décisions politiques prises depuis Paris qui aménage le territoire français à marche forcée sans consulter ceux qui vont être directement impactés par ces choix.
Pour le coup les difficultés d'Alexandre dans la gestion de sa ferme, dans ses relations avec ses soeurs, dans ses amours avec la belle Constanze deviennent un concentré des problématiques de la ruralité aujourd'hui : enclavement, désertification, pesticides, endettement, bien-être animal, grande distribution, mobilités…
Avec le recul de quelques jours, je dois admettre que c'est très bien pensé. Comme toujours avec Serge Joncour, c'est bien écrit, sans fioritures, plein d'humanité.
Cependant, et je le regrette bien, j'ai été un peu frustrée par ce roman. Cela tient probablement au caractère taiseux d'Alexandre. On connait son manque de confiance en lui dans ses relations sociales, on connait ses exaspérations, sa colère mais il laisse dire, laisse faire, surtout les femmes…
Ou bien est-ce volontaire de la part de Serge Joncour ? Que faire quand on est un pot de terre et que l'on se bat contre des pots de fer ?
A lire malgré ce petit bémol.
Challenge Multi défis 2021
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Souriez, c'est pour la photo --- de famille aux Bertranges, 1976 - 1999. un roman qui commence par un suspens en décembre et se termine en décembre par une tempête, rythmé par les saisons de la nature et par les saisons des hommes. Radiographie d'une période révolue: politique, nature, élevage, nucléaire, hormones, sécheresse, tempête, Ouest/Est. Bienvenue au 21è S, bienvenue chez nous.

"La France est noyée sous une tempête diluvienne qui lui donne des airs, en ce dernier jour de 1999, de fin du monde. Alexandre, reclus dans sa ferme du Lot où il a grandi avec ses trois soeurs, semble redouter davantage l'arrivée des gendarmes. Seul dans la nuit noire, il va revivre la fin d'un autre monde, les derniers jours de cette vie paysanne et en retrait qui lui paraissait immuable enfant. Entre l'homme et la nature, la relation n'a cessé de se tendre. À qui la faute ?"

* En offrant aux humains de 2020 la description de ce monde révolu, cette histoire toute simple (et pleine de suspens aussi) nous rappelle à tous combien notre humanité est en péril aujourd'hui. Que la nature pourrait bien exiger de reprendre certains de ses droits, qu'elle est déjà en train de le faire, que l'enfer est pavé de bonnes intentions, d'intérêt général (souvent particulier).

* Dans ce roman de « la nature // humaine », l'auteur rappelle 30 ans d'histoire où sont évoqués, convoqués, passés à la loupe les progrès, les luttes, la vie politique et les catastrophes successives qui ont jalonné la fin du XXe siècle, percutant de plein fouet toute une famille.

@ Beaucoup de tendresse et un peu de nostalgie dans ce roman. Comme l'impression d'y être chez moi et de vivre avec toute la famille autour du poste de télévision à attendre le journal parlé et les informations, de grandir en même temps qu'elle (le sida y est évoqué aussi)
@ Beaucoup d'humour aussi et en même temps une vision claire de ce qui s'est passé pendant ces presque 30 ans que ce soit en France ou en Belgique, nous sommes voisins - je viens moi aussi d'un petit village & je me rappelle bien les vaches paissant à côté de chez nous - juste avant l'autoroute et notre départ vers la ville.
@ Les personnages y sont aimés par l'auteur: Alexandre, Jean, la mère, le vieux Crayssac, les grands-parents, les petites et puis grandes soeurs, tous sont très attachants, c'est presque normal puisque eux, c'est nous. Comme si l'auteur nous avait demandé de poser avec lui pour sa photo de famille. Il a réussi ici l'album en entier avec toutes les photos de chacun d'entre eux aux différents âges de leur vie et celles de la nature aussi. Bravo l'Auteur.
@ L'écriture est simple directe sans effets de style.
Les chapitres alternés entre les différentes périodes de vie d'Alexandre (de sa famille, de l'époque, de la campagne, de la ville, de l'ouest et de l'est, des jeunes, des vieux, des amours avec Constanze) - entre passé et présent, permettent d'avoir une respiration qui se fait bien souvent dans la nature, les bêtes, les champs bleus dans lesquels on pourrait se noyer avant de se replonger dans l'homme et ses errements, ses folies, ses erreurs qu'on appelle parfois progrès ou anti-progrès.

Conclusion toute simple: j'ai vraiment aimé cette histoire ! de Serge Joncour qui (re) pose les questions fondamentales d'aujourd'hui sur demain en se basant sur le déjà hier. Les Bertranges, c'est eux, nos parents, nos grands-parents, c'est nous aussi. C'est vous et moi !
Un roman touchant à l'essentiel, et par l'écriture et par les sujets et par l'émotion. Il m'a touchée, il m'a eue. c'est foutu - Ah bon ? - C'est le vieux Crayssac qui aurait eu bien raison finalement de prévoir la fin du monde ? Et bien NON, ce roman est aussi plein d'espoir en l'humain donc en vous, en moi, en nous.
Rentrée 2020: j'espère que ce livre aura un de ces prix qui mettent en lumière car lumineux il l'est ce roman et pcqu'elle le vaut bien cette Nature Humaine. Nous la valons bien cette nième chance. A nous de la saisir. (Lecture du 20/09/2020)

Et Playlist est offerte avec le roman, nostalgie, les vieux tubes, un régal aux oreilles aussi tout comme l'évocation des plats de notre enfance. Un régal et je me suis régalée.
PS: Petit Paysan et Devenue veuve à 24 ans peuvent compléter cette lecture.

Rem: Mis à part la politique typiquement française évoquée - moins marquante pour une petite belge - avec cet espoir placé dans une rose et la liesse que cette rose bientôt fanée avait provoquée, tous les sujets évoqués dans ce roman, je les ai vécus comme nous tous (de loin souvent en fonction de mon âge de l'époque et de mon insouciance): La sécheresse et chaleur de 1976 (j'étais planquée dans la cave avec les chiens y cherchant un peu de fraîcheur, je n'y ai pas vu plus loin), le nuage de Tchernobyl (mon amie Hanna, tchèque, a probablement été une de ses victimes collatérales ayant perdu de nombreux parents d'un cancer), la catastrophe Erika et tout ce pétrole gluant qui avait tué des milliers d'oiseaux, images frappantes, la chute du mur de Berlin pour laquelle nous avions tous dansé de joie, le scandale de la vache folle, les veaux piqués aux hormones, l'arrivée du sida à une époque où avions déjà goûté aux joies de la sexualité libre bientôt recouverte d'un plastique sanitaire, les campagnes désertées par les rats devenus de ville, les villages aux âmes dépeuplés (Muno, son église, son café, son unique épicerie/boulangerie), les dangers des amitiés entre potes plus âgés et plus politisés pouvant amener à des actions commandos. Bref, ce roman, c'est tout ça aussi. En plus d'un immense rappel du simple respect que nous devons à la nature, notre mère nourricière, pour qu'à son tour elle nous donne le droit de continuer à y vivre.

- Lecture du 20/09/2020 -
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De juillet 1976, torride, à décembre 99, tempétueux, Nature humaine évoque plus de 20 ans d'Histoire, française et mondiale (Tchernobyl, fin de l'URSS, Mitterrand, Erika, etc.). Cela, c'est la toile de fond du roman de Serge Joncour mais son coeur est rural, le récit se déroulant dans un coin perdu du Lot qui, pour être isolé, n'en est pas moins sujet à bouleversements, avec la diversification des campagnes, l'arrivée de technologies et d'infrastructures nouvelles, les enjeux d'un commerce mondialisé ... Alexandre, le petit paysan du livre, subit bon gré mal gré toutes les mutations mais avec le désir viscéral de rester à la terre et auprès de ses vaches. Ce n'est pas le dernier des Mohicans mais presque et il n'aura pas d'autre choix que de faire des concessions pour survivre. Nature humaine est d'un classicisme absolu dans sa narration et c'est ce qui en fait sa valeur. Pas de déconstruction à l'horizon, le roman suit une ligne chronologique claire, avec plusieurs arrêts sur image en 1999 (pour le suspense), ménageant de belles ellipses qui nous font cheminer auprès d'Alexandre, sa famille, un voisin gratiné et divers jeunes gens révoltés. S'il est vrai que Nature humaine est un hymne à la terre, un hommage aux agriculteurs et un constat sans concession des radicaux changements de mode de vie de ces dernières années, qui préfigurent des catastrophes à venir, le livre raconte aussi une superbe histoire d'amour, de celles qui auraient pu être et ne sont pas ou plutôt pas tout à fait. Cette intrigue, romantique en diable, n'est pas le moindre atout d'un roman qui cherche à montrer plus qu'à démontrer la stupidité collective des hommes qui ne jurent que par le progrès, fût-il toxique, en oubliant de regarder le cours des rivières et de sentir l'odeur de la menthe dans les champs. Avec son côté naturaliste et son amour des histoires fortes et intimes, imbriquées dans l'évolution sociale, Joncour est le digne héritier des grands romanciers français du XIXe siècle.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Ça commence en 1976, avec le terrible épisode caniculaire qui ravagea les campagnes françaises, et ça se termine en 1999, avec l'effroyable tempête qui causa tant de dégâts à travers le pays.

Entre ces deux événements climatiques, trente-trois ans se sont écoulés.
Trois décennies de mutations radicales et de développements économiques profonds, trois décennies de bouleversements sur tout le territoire, depuis l'installation massive des lignes téléphoniques jusqu'à l'avènement du nucléaire, en passant par la prolifération des hypermarchés (et le déclin concomitant des petits commerces), la passation de pouvoir entre Giscard et Mitterrand, les projets d'autoroute au coeur des campagnes, l'essor de l'agriculture intensive et l'emballement incontrôlable d'une société de consommation toujours plus insatiable et mortifère...
Trois décennies, enfin, que Serge Joncour nous invite à vivre aux Bertranges, dans un hameau perdu du Larzac, sur cette terre du Lot si chère à son coeur et si inspirante pour lui.
C'est là, dans la ferme des Fabrier, en compagnie d'Alexandre, que nous assistons au spectacle saisissant d'un monde qui s'emballe.

Et quelle position délicate alors pour le jeune agriculteur !
D'un côté ses parents, fidèles aux traditions du terroir mais très vite dépassés par la multiplication des normes et des obligations nouvelles auxquelles se trouve soumise leur exploitation, bien décidés à préserver leur mode de vie et néanmoins conscients des difficultés qui les guettent.
De l'autre ses trois petites soeurs, beaucoup plus sensibles aux sirènes de leur temps et qui se rêvent en citadines modernes. Toutes trois auront d'ailleurs tôt fait de quitter la ferme pour gagner Toulouse ou Paris, définitivement ("dans les campagnes, tous les fermiers le savaient, une fois que vos enfants avaient goûté à la ville, il n'en revenaient plus").
Et au milieu de tout ça Constanze, la belle militante écologiste. La ferveur de son engagement - mais surtout l'éclat de ses beaux yeux - inciteront bientôt Alexandre à nouer contact avec l'un de ces petits groupes d'activistes très impliqués, dans les années 70, en faveur de la protection du causse du Larzac. S'ouvrent alors de nouvelles perspectives...

Les thématiques abordées dans Nature Humaine sont donc nombreuses.
Elles couvrent une période historique très dense sur les plans politiques, économiques et sociaux, et nous interrogent pêle-mêle sur la notion de progrès ("c'est comme une machine, ça nous broit"), le poids des héritages et des traditions familiales, la désertification des campagnes et le sort réservé à la ruralité dans nos sociétés modernes, la gestion de nos territoires et de nos ressources, les conséquences de la mondialisation et de notre appétit toujours plus prononcé pour la vitesse, la productivité, la rentabilité...

De sa plume simple et belle, sans fioriture et pleine d'humanité, Serge Joncour dresse une rétrospective captivante et un brin nostalgique d'une époque de grands changements, une époque charnière où l'on sentait confusément qu'un monde était sur le point de s'éteindre mais où tous les idéalismes étaient encore permis. le personnage d'Alexandre, sur lequel pèse de grandes responsabilités et qui semble comme coincé entre deux générations, écartelé entre un passé révolu et un avenir incertain, est particulièrement attachant.
Depuis sa ferme des Bertranges, il voit son univers se décomposer et s'accroche par conséquent à la jolie Constanze comme à une bouée de sauvetage.
Tandis que partout les mutations s'accélèrent, que le drame de Tchernobyl remet en question le nucléaire français et mobilise les contestataires, que les farines animales britanniques font planer la menace de la vache folle jusqu'au fin fond du Lot et que bientôt un viaduc viendra défigurer la vallée, le jeune homme doit continuer à s'occuper des bêtes et tenter d'enrayer le déclin de l'exploitation familiale.

Noble combat, s'il en est, et joli regard plein d'empathie porté sur la nature, sur les hommes qui la peuplent et sur les forces irrépressibles de ce que nous appelons "progrès", ce moteur puissant qui transforme nos vies pour le meilleur et pour le pire.
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De la grande sécheresse de l'été 1976 à la tempête de décembre 1999, en passant par l'élection de François Mitterrand en 1981 ou l'explosion de Tchernobyl en 1986, Serge Joncour raconte la vie d'Alexandre dans sa ferme du Lot de son adolescence aux approches de la quarantaine, de quoi raviver bien des souvenirs chez ceux qui sont de la même génération que l'auteur. Ici, pas de recherche forcenée d'effets littéraires comme chez Franck Bouysse mais de solides connaissances sur un monde rural en profonde mutation et un récit captivant sur l'évolution des relations entre des personnages finement dépeints. le lecteur en quête de haute littérature est certes prié de passer son chemin mais ce bon roman populaire touchera ceux qui n'ont pas cette prétention.
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Que j'aime cet auteur !
Il a un je-ne-sais-quoi dans le style qui m'enveloppe et m'emmène vers une infinie douceur, une nostalgie enivrante, jamais négative. C'est sans doute le talent, le sien, celui que l'on reconnaît dès les premières phrases.
Alexandre a 15 ans dans les années 1970. Ses parents sont agriculteurs dans le Lot. Ils exploitent la ferme de leurs parents, qu'ils laisseront à leurs enfants le moment venu. Surtout à Alexandre car ses soeurs ne sont intéressées et attirées que par le bruissement de la ville, qu'elle s'appelle Toulouse ou Paris.
A travers l'histoire de cette famille, c'est toute la France de la fin du XXe siècle qui défile sous nos yeux, les grands évènements de l'Histoire mais aussi les anecdotes du quotidien.
Mais c'est avant tout un pamphlet contre le profit et la surconsommation qui font disparaître la nature au bénéfice du béton, qui distribuent des plats pré-mangés au détriment de la bonne cuisine, celle qui mijotait pendant des heures pour faire ressortir des arômes oubliés au fil du progrès (sic).
A travers les doutes et les engagements des personnages, l'auteur nous parle de la difficulté de faire des choix, du conditionnement de la société et de l'absence de liberté qu'il engendre.
Ce récit est aussi une histoire d'amour désenchantée, belle et triste.
J'ai lu ce roman d'une traite et j'en redemande. Une merveille
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Le récit s'attache à Alexandre, fils d'éleveurs de bovins dans le Lot, et se déploie de 1976, l'été de la grande sécheresse, jusqu'à la tempête de décembre 1999.
Entre ces deux dates marquées par des événements météorologiques exceptionnels, nous suivons le parcours d'Alexandre, jeune homme solitaire profondément attaché à sa ferme mais rêvant aussi d'un « ailleurs », un « ailleurs » s'incarnant dans la belle et insaisissable Constanze, une est-Allemande dont il reste, par-delà l'absence et les années, éperdument amoureux. L'amour qu'il voue à Constanze, engagée précocement contre les excès du capitalisme et les dangers qu'ils font courir à la « nature humaine », l'entraîne à deux reprises vers un militantisme et des luttes qu'il ne croyait pas devoir mener. C'est l'occasion pour l'auteur de revenir sur certains des combats gagnés ou perdus ayant jalonné l'histoire de France des vingt-cinq dernières années, comme la lutte contre l'extension militaire du Larzac ou contre la construction de la centrale nucléaire de Golfech, mais aussi sur les désillusions ayant suivi la victoire de la gauche en 1981 ou la terreur engendrée par la catastrophe de Tchernobyl.
Le tiraillement entre la tradition, incarnée ici par l'irréductible Creyssac, le vieil éleveur de chèvres, et la modernité à laquelle aspire, à l'image des soeurs d'Alexandre, la jeune génération, vidant les campagnes de leurs forces vives, est l'un des fils rouges du livre. Alexandre lui-même oscille constamment entre ces deux pôles, prêt à faire des concessions au monde moderne, depuis l'usage du minitel et du téléphone jusqu'à la tentation de la soumission aux exigences de la grande distribution, tout en restant intimement, profondément réfractaire.
Le suspens, admirablement entretenu par la construction en ellipses et les aller-retours entre le temps présent du récit, les 23-24 décembre 99, et de larges portions du passé, court tout le long du livre. le ton nostalgique, ça et là parsemé de touches d'humour désabusé, sert admirablement le propos, un propos qui sonne à nos oreilles à la fois comme désespérément prémonitoire et comme une invite à lutter, nous aussi, modestement mais avec détermination, en faveur de la nature, la nôtre.
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Les événements du roman se déroulent entre 1976 et 1999

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