"Quatre choses que le maître n'avait pas: pas d'idée, pas de nécessité, pas de position, pas de moi." Je tire cette citation des Analectes (recueil des paroles et actes de
Confucius, IX 4) du remarquable ouvrage de
François Jullien, «
de l'être au vivre, Lexique euro-chinois de la pensée ».
François Jullien est un philosophe français contemporain, de formation classique, devenu sinologue pour pouvoir appréhender d'un point de vue extérieur les fondements de la pensée européenne. Dans cette publication de 2015 il met en parallèle dans vingt chapitres correspondant chacun à une notion fondamentale de l'une et l'autre culture les modalités chinoises et européennes pour penser l'homme et le monde. Comme il l'explique, il ne s'agit pas de lister des différences, ce qui reviendrait à figer des positions désormais irréconciliables, mais d'identifier aux différents stades de la construction sociale et sociétale les écarts entre les deux approches ce qui devrait permettre, dit-il, de “promouvoir un commun de l'intelligible qui ne soit pas fait de slogans planétarisés” – passer de l'Être au Vivre. C'est fascinant, passionnant et pas trop difficile à lire. L'auteur utilise pour nous permettre de cheminer avec lui 20 “dipôles” (concepts correspondants des pensées respectives) , comme les couples Propension-Causalité, Disponibilité-Liberté, Influence-Persuasion, Entre-Au delà...
Une exploration stimulante intellectuellement entre la primauté du sujet dans la pensée occidentale (Je pense, donc je suis), et la situation comme élément fondamental pour définir les rapports sociaux dans
la pensée chinoise. A lire absolument, pour qui souhaite comprendre au-delà des clichés ce qui sépare et ce qui peut unir nos civilisations. Traduit et publié en Chine en 2018.