Je crains de ne pas être assez convaincante pour vous dire à quel point j'ai apprécié la lecture du roman de
Inaam Kachachi . Tout m'a touchée dans son écriture. Elle sait par son style nous faire partager la beauté de la langue poétique arabe. J'ai pensé que François Zabbal, même si ce n'est pas facile à rendre en français, avait dû prendre bien du plaisir car un traducteur est un amoureux de deux langues et cette auteure m'a fait regretter de ne pas lire l'arabe.
Le roman parle de l'exil des chrétiens Irakiens. le personnage central est une femme gynécologue de 84 ans, Wardiya, qui arrive en France d'abord chez une nièce poète et de son fils Iskandar adolescent. Un lien très particulier se tissera entre cette femme extraordinaire porteuse de tout le riche passé de l'Irak et cet ado qui a vécu principalement en France, il ne connaît son pays qu'à travers les innombrables morts pleurés par ses proches ; cela lui donnera l'idée de créer un cimetière virtuel qui connaîtra un certain succès auprès de sa tante. L'auteure sait nous faire revivre son pays et on se rend compte que l'humanité toute entière a beaucoup perdu à travers la destruction d'une ancienne et riche civilisation, en particulier l'occasion de faire vivre
ensemble une mosaïque de peuples aux moeurs divers et variés. Il n'en reste pas grand chose et le pays est, aujourd'hui, aux mains de gens sans honneur ni dignité . Les chrétiens sont les dernières victimes, ils ont essayé de rester mais, quand la peur quotidienne est au rendez vous, on ne peut que fuir. Comme Wardiya qui a vu un jour dans son cabinet, rempli de femmes qui venaient en consultation, une toute jeune fille arriver avec une ceinture d'explosifs et qui, par quel miracle ?, ne voulait plus mourir, ce dernier épisode tragique la décidera à partir de son cher Bagdad.
Ce roman raconte aussi, ce que représente l'exil quand, ce qui est souvent le cas, les familles sont complètement éclatées. Wardiya a trois enfants, l'une à Dubaï, son fils à Haiti et sa fille au Canada. Elle a essayé de rejoindre sa fille médecin comme elle, mais le Canada lui a refusé son visa, elle rend hommage dans son livre à
Sarkozy (c'est si rare que l'on parle de lui positivement que je le souligne !) qui a ouvert les portes de la France aux réfugiés chrétiens d'Irak. Elle raconte bien comment à l'arrivée un simple toit sécurisé et la disparition de la peur rend n'importe quel réfugié de zone de guerre heureux. Puis vient le moment où on se rend compte qu'il faut s'adapter à un monde qui n'est pas le sien. Avec toute la famille dispersée sur toute la planète. C'est vraiment très dur quand on a plus de 80 ans. On se demande si la vraie patrie de cette Wardiya ce n'est finalement pas la médecine, en tout cas c'est dans sa confrontation avec les médecins qu'elle se sent revivre complètement. Plusieurs voix se font entendre dans ce roman et plusieurs époques s'entremêlent, il fallait bien cela pour nous faire comprendre à quel point voir ses proches
dispersés par l'exil est une véritable douleur même si chaque jour qui passe on remercie le ciel ou la France d'être en vie.
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