L'ouvrage, s'il est intéressant par sa vision décalée de l'histoire japonaise dans la première moitié du Vingtième siècle, comme anthropologie d'une époque, reste malgré tout assez superficiel. Kaneko n'est pas vraiment un analyste ni un historien et son approche est très subjective(il est connu au Japon principalement comme poète). Son point de vue demeure toutefois fort original ; celui d'un japonais "étranger" en son propre pays. Ce qui fait de lui, d'une certaine manière, un écrivain très moderne. On recueillera malgré tout nombres d'informations en ce livre, qu'il faudra recouper avec d'autres lectures et recherches si l'on veut se faire une idée sérieuse de ce qui se joua alors en extrême-orient, en Chine, au Japon, etc ... Un champ extrêmement complexe qui n'est évidemment pas sans liens avec la complexité du monde actuel. On notera que Kaneko ne semble nullement considérer le désespoir évoqué en son titre comme une simple négativité mais au contraire comme un état potentiellement beaucoup plus fructueux qu'un ensemble de certitudes. Voilà enfin une bonne nouvelle !
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C'était à je ne sais plus quel étage de l'immeuble Maru no uchi, où une exposition des chefs-d’œuvre de la poterie mondiale avait été organisée, le 1er septembre 1923, alors que midi approchait.
Les gens étaient littéralement abîmés dans leur contemplation, quand soudain, tandis qu'ils trébuchaient comme pris d'un vertige annonciateur de paralysie, ils sentirent ce déséquilibre assaillir leur esprit et le sang se retira de leur visage. Au même instant, les chefs-d’œuvre mondiaux d'une valeur presque inestimable - verreries gréco-romaines, vases de Perse, céramiques "trois couleurs" Tang -, roulant légèrement devant nos yeux, tombaient en dansant des présentoirs pour aller se fracasser nonchalamment.
Telle fut la soudaineté avec laquelle le grand tremblement de terre survint, sans aucun signe précurseur, dans la région du Kantô.
Dans ces conditions, le peuple, plutôt que se leurrer lui-même, avait développé une technique étonnante : faire disparaître tout "moi" susceptible d'être trompé. Aussi les jeunes gens, avec une apparence d'insensibilité stupéfiante, ne montraient-ils pas la moindre douleur sur leur visage quand on leur découpait une portion de derrière pour s'en faire une côtelette, habitués qu'ils étaient à être traités comme des porcs.
L'époque de Meiji fut celle des sieurs à moustache.
Les fonctionnaires se firent pousser d'épaisses moustaches, et tout en tortillant de la main les extrémités pour former des vrilles, l'épaisse chaîne de leur montre en or lovée dans leur ceinture hekoobi, ils flânaient nonchalamment la canne en l'air, toisant de haut les temps modernes.