Elle se contempla dans la glace. Les hommes n’avaient pas besoin de lui dire qu’elle était jolie : elle ne le savait que trop bien ! Ses cheveux étaient naturellement blonds. Ses yeux bleus étaient joliment placés dans son visage ; elle avait un joli nez, une jolie bouche, et un teint irréprochable. Ah ! elle ne tenait certes pas de son grand échalas de père ! Dieu seul savait de qui sa mère l’avait eue. Pas étonnant si son vieux lui flanquait des raclées chaque fois qu’il était saoul !
La plupart des livres qu’elle avait lus affirmaient qu’en général les appétits charnels s’apaisaient une fois passé cet âge. Mais pour être rassasié de quelque chose, il faut d’abord en avoir goûté à satiété. Et c’était bien là le hic.
Ce nom de Poulos était l’abréviation du vieux et honorable patronyme grec de Satrokapoulos que ni elle, ni son mari n’employaient jamais en entier. Lui, il trouvait plus pratique pour ses relations avec les pêcheries de s’appeler Poulos. Quant à elle, elle avait honte de son vrai nom. Grâce Kelly, Marilyn Monroe ou Audrey Hepburn auraient-elles pu faire leur chemin si elles s’étaient nommées Satrokapoulos ?
Elle avait un joli ventre, de jolis seins… Tout en elle était réussi. Que de temps elle avait perdu ! Elle aurait pu faire tellement mieux ! Mais quand une fille sort comme elle d’un trou perdu dans les sapins, elle ignore tant de choses de la vie ! À l’époque, le chalutier et le poste de télévision que lui apportait Steve lui avaient paru un vrai conte de fées.
C’est perdre son temps que faire de la toilette dans l’espoir de plaire aux hommes : peu importe ce qu’une femme se colle sur le dos, ce que la plupart des hommes souhaitent voir est toujours caché en dessous !
"Les félins" (1964) de René Clément - Bande annonce