Énigme, secret, mystère correspondent à divers degrés ou divers lieux de l’âme. On pourrait proposer les comparaisons suivantes : l’énigme serait le labyrinthe ; le secret logerait en la chambre ; et le mystère serait représenté par l’espace à l’intérieur des murs et tout autour des murs. L’énigme est compliquée mais explicable : elle se résout par la sagacité et correspond au langage articulé. Le secret s’adresse au cœur, il est lié à l’amour, au sommeil, à la musique : il peut se révéler par le poème, par le chant. Quant au mystère, il demeure insondable et requiert l’adoration : devant lui, seul tient le silence. Peut-être que l’adoration muette, précédant le chant et le langage, fut le premier état de l’homme, son état paradisiaque, ébloui…
L’adoration… Cet état sublime que parfois connaît l’être humain en des moments exceptionnels, des moments qui sont la réalité pure, peut apparaître à beaucoup passivité, allégeance, voire servitude. Or l’adoration signe et célèbre la rencontre avec le divin : c’est l’assomption de la parole et l’apothéose de l’être. Mais ce chemin de sagesse demeure peu fréquenté parce que l’activité – physique, cérébrale, langagière – semble définir toute l’existence humaine.
D’abord on cherche le sens des choses, on veut percer les secrets de la Nature, de l’homme. Puis vient non la lassitude mais l’écoute, l’attentive patience – le commencement de la sagesse. Dès lors le sens s’évapore, il ne pèse plus face au mystère sans fond et sans explication. Ce sens des choses si fiévreusement scruté fait place à la beauté des choses, une beauté tranquille, incompréhensible, presque stupéfiante dans son innocence, dans sa gratuité. L’homme qui cherchait, l’homme qui voulait savoir devient un homme éperdu : désormais la louange et la contemplation emplissent son cœur et toute sa vie…
"Si l’amour vient du cœur, s’il est mieux qu’un sentiment, un engouement et un désir physique, il dure par-delà le conflit, la séparation, le trépas. Aimer est une grâce et une gravité.
Toute mystique est une érotique en ce sens qu’elle célèbre un éros qui participe du Divin – et qui vit d’altérité et de mystère, d’éloignement et de retrouvailles. Elle chante le jeu et la joie du désir, irrésistible attirance qui mène à une contemplation éperdue.
Le désir est le médiateur inlassable entre le sensible et le spirituel, il assure le fin passage de la chair à l’esprit, de l’esprit à la chair.
Le désir illimité que ressent le mystique est l’humaine réponse donnée à l’incommensurable Amour. Dès lors, il ne s’agit pas tant de réfréner ses élans, de supprimer tous les appétits afin d’aborder au domaine éthéré de l’amour, que de faire refléter l’amour divin en un désir humain mais immense, mais flamboyant et beau. Là où l’ascèse enseigne la coupure, le détachement (pour passer de la convoitise à l’amour désintéressé, de l’éros à l’agapê), la mystique parle de noces et de miroir, unissant tous les plans de la réalité. Le sentiment d’être aimé de toute éternité éveille chez l’être humain un désir infini. Et ce désir suscité par l’Amour ne connaîtra nul répit jusqu’à l’instant improbable où il pourra savourer le temps éternel de l’union première.
Il est des secrets honteux, des secrets dont on se sent alourdi, prisonnier. On devrait plutôt les appeler des ombres, des dissimulations, des mensonges. Le secret, lui, n’a rien d’inavouable : il demeure ineffable. Le secret n’est pas ce que l’on cache soigneusement, c’est ce qui délivre de toute obscurité.
Il y a ceux qui prennent la parole et ceux que la parole prend.
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Le Temps de la bonté : le livre de Tobit
Jacqueline Kelen
Éditions du Cerf
« À vrai dire, depuis des années, ce récit que l'on date du troisième siècle avant notre ère, ce livre me fait rêver, me questionne, m'enrichit. On a entendu parler de Tobit, père et fils. Il y a une histoire de poisson. On se souvient plus ou moins. Il y a le petit chien aussi qui fait partie de l'aventure. On se doute que ça finit bien. Peut-être que l'on sait que l'ange Raphaël qui est très présent dans le récit, puisque c'est le guide du jeune homme vers la lumière, vers la renaissance spirituelle... »
Jacqueline Kelen, pour la librairie La Procure
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