Shmoulik, Malka, Levana, Tsion, le Hongrois, Rosa......habitants d'un vieil immeuble de Tel-Aviv, aux marges de la ville et de la société. Seuls, mal mariés, sans travail ou à la retraite, infirme ou ridiculement grand....chacun des personnages souffre d'un mal physique, mental ou social qui le ronge. "Quel immeuble.....tous des gens sans foi ni loi, sans spiritualité, qui ne s'intéressent à rien d'autre qu'à eux-mêmes " s'étonne l'un des habitants, le Hongrois.
Un immeuble que j'ai ressenti comme une métaphore d'Israel et de ses habitants. Des hommes venus des quatre coins du monde, Russie, Pologne, Irak, Iran, Afrique du Nord.....parlant des langues différentes et traînant derrière eux souvent une histoire douloureuse, si non la Shoah, comme confirme l'image poignante du strip-tease de la vendeuse de loto derrière la vitre de son kiosque fermé à clef de l'intérieur. Impossible de se défaire du passé dans ces conditions de vie difficiles et le désespoir qui en découle; un désespoir qu'on vit souvent seul, même entouré, dans une communauté qui n'a que la judéité en commun et encore....
Un roman poliphonique, où la solitude de la majorité de ses personnages les met dans une condition existentielle de base. Isolés, enfermés dans leur petit monde, leur regard sur la Vie est assez sinistre, allant jusqu'au délire, dont l'auteur non sans humour, en exagère légèrement les fantasmes . Des fantasmes qui virent souvent au cauchemar, de la grande femme des rêves de Shmoulik au voyeur, étrangleur “pourri “ qui hante l'imaginaire de Rosa l'aveugle. Des fantasmes qui vont peu à peu devenir réalité.....
Yehoshua Kenaz est un des plus grands auteurs israéliens vivants. C'est son deuxième livre que je viens de lire, c'est particulier et profond, et malgré sa noirceur il m'a beaucoup plue !
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Un été brûlant à Tel Aviv, les habitants d'un immeuble en marge de la ville s'avancent vers leurs destins. Des destins à la mesure de leurs vies : de petites vies, rongés par les souvenirs douloureux, par des passés inavouables, par une incapacité au bonheur. Rosa l'aveugle qui fantasme et provoque, le Hongrois trop grand et incapable de se lier à quiconque, Shmoulik et sa femme Malka qui disparaît régulièrement en le plongeant dans un désespoir proche de la folie, Tsion chauffeur de taxi à la recherche de perpétuelles conquêtes féminines….
Le roman les suit à un moment décisif, qui résume toutes leurs existences, tous leurs échecs, toutes leurs impasses. le Hongrois prend sa retraite, qui le laisse seul et sans aucune occupation, Malka disparaît une fois de trop, Tsion se heurte au vieillissement qui va mettre fin à sa carrière de séducteur, Rosa a mené trop loin ses provocations… Aucune issue ne semble possible pour aucun d'entre eux. Leurs solitudes se côtoient, se croisent, mais jamais aucun d'entre eux ne pénètre celles des autres, ne s'apaise au contact de l'autre, ne peut aider ni soulager.
Les personnages s'enferment de plus en plus dans leur solitude, leur monde intérieur, dans leur incapacité (et un manque d'envie) de communiquer avec les autres, jusqu'à une forme de délire parfois. C'est sombre, désespéré, peut-être un peu trop systématiquement, les dénouements finissent par devenir quelque peu prévisibles. Il m'a aussi un peu manqué de mieux connaître le passé des personnages, au-delà de ce moment où tout était perdu, où ils tournaient en rond. Mais c'est un livre fort et dense, qui dresse un tableau sans complaisance de la société israélienne.
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Un jour le Hongrois avait rêvé que les S. l'invitaient à habiter avec eux dans leur maison propre et bien entretenue, dont chaque recoin respirait la présence d'une femme. Et toujours dans son rêve, il avait répondu à l'invitation et s'était immergé dans l'atmosphère familiale. La fin du rêve était des plus tristes et, au réveil, il avait y honte d'y penser. Maintenant, au moment où ils lui déclaraient leur amour, le souvenir de ce vieux rêve lui pinçait le coeur. Tout cela était bien triste.
Laissez-moi vivre auprès de vous et, en échange, j'essaierai d'effacer ma présence. Je ne vous dérangerai pas, je ne troublerai pas votre joie par ma misère. Je ne suis qu'une erreur désolante. Rien de plus. Une chose qui a surgi par inadvertance et existe par oubli. Je ne sais pas, peut-êtere ai-je été créé pour une autre époque, pour d'autres lieux. Ou peut-être pas.