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3,66

sur 852 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un couple, celui de l'auteur et sa femme, roule vers un relais château en vilipendant le siècle de vitesse qui est le leur et se retrouvent hôtes d'un lieu qu'ils connaissent déjà au milieu d'un colloque d'entomologistes européens. Parmi ces éminents scientifiques reclus au château émerge à côté du couple, après quelques chapitres, la figure d'un savant tchèque oublié, découvreur d'une mouche inconnue, que sa mise à l'écart sous l'ère communiste a transformé en ouvrier musculeux du bâtiment. Complètent cette galerie un ou deux intellectuels français poseurs et donneurs de leçons épris de bons mots autant que de leur image, un jeune chevalier des temps modernes sympathique (Vincent) adepte de « La Philosophie dans le boudoir » et amoureux de sa moto (sa vraie maîtresse celle qui lui donne l'extase de la vitesse), son mentor inventeur du concept fameux de « judo moral », un cameraman frustré et deux jeunes femmes à fort potentiel érotique (Julie et Immaculata). Ce qui ressemble à une bouffonnerie exhibitionniste peu flatteuse digne du vingtième siècle finissant (ce que son titre est loin de suggérer et qui rend la (re)découverte plus savoureuse) devient au fil des pages une réflexion percutante sur une époque hantée par la quête du plaisir immédiat qui questionne sa finalité. le récit est court - le livre se lit très vite - et se déroule au cours d'une nuit très agitée, rythmé par le sommeil de Vera (la femme de l'auteur) entrecoupé de ses réveils. La mémoire de l'auteur rapidement sollicitée par la vision d'une autre nuit, précédant de deux siècles celle qu'ils sont en train de vivre, dont les personnages de l'hôtel ont l'air de rejouer le même motif. Superbe juxtaposition de scènes aux rythmes opposés offerte par le regard du romancier narrateur soulevant le rideau du temps au-dessus de deux époques : le dix-huitième et le vingtième siècles. La nouvelle de Vivant Denon, « Point de lendemain », agit comme sous-texte vivifiant à la fable contemporaine. À des personnages qui déploient en public la palette de leurs capacités narcissiques et sexuelles et leurs déboires burlesques entre le bar et la piscine de l'hôtel, Kundera oppose en contrepoint l'art et l'esprit révolu du libertinage. Une autre mise en scène, (parade) tout aussi sexuelle et codifiée, écrite par un gentilhomme ordinaire de la cour du roi et publiée la première fois sous couvert d'anonymat en 1777. Entre roman/farce et essai corrosif on est à cent lieues des précédents écrits de l'écrivain mais on reconnaît immédiatement dans La lenteur, en concentré, le ton unique qui est le sien. Direct, féroce, salace, un soupçon désenchanté, anti-lyrique. Avec ici en prime un côté malpoli ou incorrect dans les dialogues, jubilatoires à la relecture il faut dire, de ce premier livre écrit en français (1995). La portée des observations sur notre culte de l'efficacité, de la vitesse et de l'ego est toujours aussi vérifiable aujourd'hui. Au tempo disjoncté auquel sont soumis les personnages contemporains en présence dans le relais château, les séquences pondérées plus réflexives de « Point de lendemain » offrent la lente respiration du temps des cabinets secrets et de celui des carrosses et des chaises à porteurs, soulignent l'esprit épicurien d'un texte porté par le verbe et l'action sans souci de séduction par le style. Spirituel, fantasque et baroque avec de subtils apartés philosophiques, politiques et littéraires ou de plus joyeuses et loufoques digressions narratives. Nocturne d'une beauté totalement incongrue avivée par l'écho lointain magnifique et fantasmé du récit d'un autre siècle et qui s'achève comme lui au petit matin.

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Avec « La lenteur », Milan Kundera écrit un roman beaucoup plus bref que ses précédentes oeuvres. C'est aussi son premier roman écrit directement dans la langue française, dans une langue épurée, précise, sans fioriture ni effet de style afin de mettre en avant le jeu des personnages. le décorum disparait, il y a unité de lieu, on est dans une pièce de théâtre, tragédie, comédie, l'action se déroule sur fond de page blanche.
Milan et Véra partent en week-end dans un château encerclé d'autoroutes, comme une retraite « in-utéro » où les protagonistes seraient protégés du tumulte de la vie, retraite idéale pour une réflexion. Ce château a une légende racontée par Vivant Denon, auteur du XVIIIe siècle, où une comtesse ramène dans son foyer un chevalier qu'elle affiche devant son mari comme son amant, alors que le vrai amant n'est autre qu'un marquis dont elle souhaite cacher l'identité.
Ce week-end est le prétexte pour Milan d'annoncer à Véra : « … Vouloir écrire un roman où aucun mot ne serait sérieux. Une Grande Bêtise Pour Ton Plaisir. » C'est aussi l'occasion de voir défiler une brochette de personnages au prétexte d'un colloque d'entomologistes.
L'auteur écrit : « Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l'oubli… le degré de la lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli. » Il nous en fait la démonstration par le jeu des personnages, leurs interactions, leur état d'observateur ou d'acteur. Ils ont le défaut des politiques, d'être des « danseurs », gesticuler pour masquer la pauvreté de leur discours. Il nous met face à notre couardise devant la réalité crue du moment présent, que nous fuyons dans une course sans fin vers un meilleur sans doute illusoire. Cette fuite en avant serait l'artifice qui nous ferait oublier la fadeur du quotidien, nos accidents, nos erreurs.
On pourrait assimiler ce roman à la première partie d'un triptyque composé de « la lenteur », « l'identité » et de « l'ignorance ».
Postface de François Ricard.
Editions Gallimard, Folio, 183 pages.
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Entre roman et essai, Milan Kundera nous promène entre le rappel du « point de lendemain » de « Vivant Denon », roman libertin qui se déroule il y a deux siècles et une rencontre contemporaine dans le cadre d'un congrès d'entomologistes, point d'orgue de l'ouvrage. Un éloge de la lenteur accompagné d'une ironie jubilatoire et libertine irriguent ce texte court qui prouve le grand talent de l'auteur et ravi le lecteur.
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Résumé : le narrateur et sa femme Vera on décidé de passer la soirée dans un château à la campagne où se déroule un congrès d'entomologistes.
Deux cents ans auparavant, ces lieux ont été le théâtre d'un roman libertin dans lequel un jeune gentilhomme passe une folle nuit d'amour dans les bras d'une Comtesse avant de s'apercevoir qu'il a été utilisé afin de détourner les soupçons du mari du véritable amant.
Divers personnages participant au congrès vivent ce soir-là des évènements particuliers qu'ils ont hâte d'oublier, contrairement au chevalier du XVIIIe siècle qui cherche à prolonger la nostalgie du souvenir dans la lenteur du mouvement.

Mon avis : ce roman est une réflexion sur le monde moderne où chacun court sans s'accorder du temps pour penser ou rêver.
Un bel éloge à la lenteur et une critique de la vitesse et du monde du paraître qui efface l'être.

À lire les pieds sur un coussin, avec un verre de vin blanc (à consommer avec modération) et des noix de cajou avec raisins secs (à consommer sans modération)

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Kundera, dans cette histoire pseudo autobiographique, nous montre à quel point il est important de prendre son temps dans notre société où tout va trop vite. Ses personnages sont formidables et le récit fascinant.
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Fable virtuose, tragi-comique, philosophique, à la trame ultra soignée, ce court roman peut être vu comme un hommage à Choderlos de Laclos et à Vivant Denon. Dans ce vaudeville, car il y a aussi du Feydaux là-dedans, où se succèdent les mises en situation grotesques (mais rarement absurdes : c'est tout l”art de Kundera) à hurler de rire, vont se confronter XVIIIè et XXè siècle. Évidemment, il n'y a pas ici qu'une suite gratuite et divertissante de quiproquos plus ou moins scato plus ou moins burlesques plus ou moins narquois. Derrière la symphonie volontairement un peu lourde de la “Grande Bêtise pour le Plaisir”, se cache une note subtile, “aiguë”, une note “infinie et très haute” à la poésie mélancolique et poignante (enfin, pour moi, elle l'est). Attention, “Milanku, cesse de faire des plaisanteries. Personne ne te comprendra. Tu offenseras tout le monde et tout le monde finira par te détester” ! La lectrice du XXIè siècle que je suis n'est pas ressortie indemne de la lecture de ces quelques pages intenses, corrosives et… Je me retiens de le dire.
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Une langue simple, belle, dépouillée, nous raconte une société qui a perdu le plaisir de la lenteur. Un couple passe le week end dans un château relais et assiste à un colloque réunissant médiocres intellectuels et célébrités bien-pensantes. le narrateur compare son époque à un ancien temps, au même endroit, où un galant chevalier tentait, dans ce même château, de séduire une belle comtesse.
A mon sens, Kundera livre ici son roman le plus émouvant, le plus intime aussi, celui d'un immense auteur qui regrette le temps de la lenteur qui est aussi celui de la sensualité. L'action est sobre. La réflexion naturelle. Pas d'effet littéraire, pas d'emphase. C'est parfois drôle, ironique, piquant. Une conversation exquise qu'on ne veut surtout pas accélérer.
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