Frotté* étant mort, fusillé à Verneuil, Napoléon proposa à quelques gentilshommes de Normandie, puisqu'il n'y avait plus de chouans, la gloire et la guerre.
Roger Tainchebraye tomba en Champagne, aux côtés de son piqueur.
Ce dernier, qui n'avait rien qu'une estafilade à travers la lèvre, fouilla les morts à coups de bottes et, parmi les cadavres, reconnut son maître à sa ceinture.
Vivant, sa tête n'était plus qu'une bouillie sanglante.
Le piqueur acheta à Beauvais un cercueil qu'il ficela sur le toit d'une voiture.
Et dans un extraordinaire cortège de blessés, de bancals et de bancroches, il ramena son maître à son château du
pays d'Ouche.
Alors, vint la guérison, grâce à la puissante constitution du jeune homme mais aussi aux soins d'un étrange médecin-major, en convalescence lui-aussi d'un mystérieux mal.
Un jour, Roger se dressa, soudain, athlétique, quoiqu'un peu maigre encore et sa plus terrible blessure disparaissait sous un large loup noir.
Tainchebraye était de retour !
L'on en parla depuis Valognes jusqu'à Rouen.
La légende du beau jeune martyrisé, du jeune seigneur pantelant, avait couru et grossi et toutes les jeunes filles regardaient les fenêtres voilées.
Mais, de ce jour, le jeune seigneur, accumulant les conquêtes féminines, ne fut plus gouverné que par son désir.
Ce n'était plus, aujourd'hui, Hélène de B...abandonnée, peut-être Sylvie de Chenestre, Lise d'Orlandhes ou Sébastienne de Montceau et très certainement, demain, Marie-Madeleine de Hautemer !
Seule, Judith de Rieusses semblait devoir résister à la séduction du jeune seigneur.....
Moins passionnant, de style moins flamboyant que bien d'autres récits de Jean de la Varende, "Nez-de-cuir", paru en 1936, est pourtant un ouvrage central de son oeuvre.
Peut-être aussi est il le plus connu.
L'ombre du grand-oncle est omniprésente dans l'imaginaire littéraire de l'écrivain normand.
La silhouette d'Achille Périer de la Genevraye, car tel est le véritable nom de "Nez-de-cuir", se dresse partout dans le château familial de Bonneville.
Le personnage romanesque apparaît dans la double-nouvelle "Le caducée", dans plusieurs récits, dans "Man d'Arc puis réapparaît dans " "
le centaure de Dieu", dans "
Coeur pensif".
Mais le récit de ces tumultueuses amours n'est pas, à mon avis, si bien réussi.
Il semble s'étirer, rendant parfois fastidieuse une lecture dont l'intérêt n'est pas soutenu par le style élégant et flamboyant auquel nous a accoutumé
Jean de la Varende.
Peut-être trop personnelle pour être richement retranscrite, cette histoire romanesque à souhait, est pourtant plaisante.
Peut-être a-t-elle trop vieilli ?
En 1937, une adaptation cinématographique est réalisée par Yves Allégret avec, je vous le donne en mille, dans le rôle du gentilhomme d'amour le formidable et non moins attendu
Jean Marais.
Françoise Christophe y campait une troublante Judith de Rieusses.
* Marie
Pierre Louis de Frotté fut le meneur historique de la chouannerie normande