Autant le Rebelle est sans doute le volet de la biographie de
De Gaulle par
Jean Lacouture qui peut faire l'unanimité, autant le Politique et le Souverain peuvent susciter des réactions diverses, et cela peut se comprendre. Pour ma part, je réagis toujours positivement au portrait du monarque républicain dessiné par le journaliste-biographe de talent que fut Lacouture. Je trouve cet ouvrage bien plus intéressant que les "hagiographies" laissées par les gaullistes, que les verbatim d'
Alain Peyrefitte ou même que les
mémoires de l'amiral
Philippe de Gaulle, le fils du général.
Je trouve qu'il prend l'exacte mesure de ce que fut
Charles de Gaulle, avec ses forces et ses faiblesses, sa grandeur et ses petitesses, comme postulant au pouvoir puis comme Président de la République, chef d'État et premier représentant de la France à l'étranger comme face au peuple qu'il dirigeait, même si, cela a souvent été dit, il aimait mieux la France que les Français, du moins à ce que l'on a cru pouvoir dire de lui, en fonction de son amour de l'histoire de notre pays et de la place qu'il disait vouloir y tenir et qu'il sut y tenir. Sur le flou entretenu par
De Gaulle pour parvenir ou plutôt pour revenir au pouvoir après sa "longue retraite" et sa traversée du désert", dues en partie à la perverse pratique politique des "apparentements" formés contre lui par les partis en place sous la IVème République et essouflés en 1958, il n'y a pas mieux, à mon avis, que ce qu'en a dit
Jean Lacouture, notamment sur ce que le général comptait faire ou ne pas faire (tout de suite) pour la résolution de la redoutable question algérienne ou comment et par quels moyens il entendait reprendre les rênes de l'État. le dialogue manqué avec
Pierre Mendès France, représentant d'une frange des radicaux-socialistes, à ce moment précis, nous laisse l'impression d'un vrai ratage, d'un côté comme de l'autre de la barrière.
Guy Mollet, comme responsable de la S.F.I.O., lui, parut moins embarrassé pour faire la courte échelle à
De Gaulle, tout comme le Président de la République,
René Coty.
Jean Lacouture donne de ces pages politiques et du passage progressif de la présidence du Conseil à la
Présidence de la République par
De Gaulle une très bonne analyse. Et je trouve aussi qu'il fait de l'excellent travail concernant la politique diplomatique et extérieure du général, notamment en ce qui concerne les rapports avec les dirigeants de l'U.R.S.S. mais aussi dans les négociations avec les délégués algériens envoyés à Évian pour sortir notre pays du guêpier algérien, même s'il ne s'y prit pas bien. Coup de chapeau aussi à Lacouture quand il retrace l'épisode de la tentative d'insurrection militaire de Salan, Jouhaud et Zeller, et quand il parle de la hauteur prise alors par
De Gaulle dans la gestion de cette affaire. Il faut saluer également ce qui est dit des relations avec les autorités des États-Unis dans la crise russo-cubaine, dans le piège de la guerre menée par les Américains au Vietnam, et de l'effort d'instauration de rapports multilatéraux avec certains États et gouvernements d'inspirations politiques différentes, afin de maintenir partout l'image de dialogue que la France voulait donner d'elle-même sous le régime gaulliste, même si le général entretenait, ce faisant, un mythe, celui d'une France en paix avec elle-même et dépositrice d'une grandeur à laquelle elle ne pouvait pas renoncer, comme si les Deux Guerres mondiales et les mouvements de la décolonisation et de la déconstruction de son Empire n'y avaient jamais rien changé.
Dans le duel qui opposa le général à son deuxième premier ministre,
Georges Pompidou, je pense que bien des sous-entendus, maladresses et non-dits également imputables à l'un et à l'autre ne nous permettent pas de trancher définitivement, même si j'avoue avoir un préjugé favorable pour
Charles de Gaulle.
J'ai retiré, il y a des années de cela, une impression très positive et une grande satisfaction de la lecture de ce troisième volet de la biographie de
De Gaulle écrite par
Jean Lacouture.
François Sarindar