Avant toute chose, merci à Babelio et aux éditions Triartis pour l'envoi de ce livre pour l'opération Masse critique.
« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je viens vous parler d'un livre de non-fiction intitulé La parenthèse de l'Aigle, de Pierre Landete. L'Aigle noir est une chanson de Barbara dans laquelle elle révèle l'inceste dont s'est rendu coupable son père ; ce livre analyse le texte pour en dévoiler le sens profond.
-Et ?
-Et je suis embarrassée.
-Pourquoi ?
-Parce que le texte m'a posé quelques problèmes et je ne suis pas certaine d'être bien légitime pour en parler.
Disons-le tout net une fois pour toutes : je suis une grosse inculte, c'est pourquoi je ne me sens pas bien à l'aise.
La rencontre avec ce livre a mal commencé dès le début : je n'y ai pas trouvé les paroles de la chanson reproduites intégralement. J'ai compris à ce moment-là que le texte n'était ni rédigé ni publié pour des personnes comme moi, qui ne connaissent pas la chanson par coeur.
« Qu'à cela ne tienne, ai-je pensé, l'auteur va analyser la chanson strophe par strophe, je vais très vite m'y retrouver. » Oui, en effet, mais dans le désordre. J'ai donc gardé sous le coude une version complète, pour me rendre compte où nous nous trouvions dans la chanson.
Après ce petit désagrément, j'entamai l'analyse proprement dite. Nouvel étonnement : je m'attendais à une dissection linéaire de texte, figure de style par figure de style, un travail proche d'un commentaire de texte universitaire ; or M. Landete structure son analyse par les réflexions que lui inspire le texte, chaque chapitre développe une idée différente et ce plan m'a déconcertée.
Et maintenant, j'attaque la partie vraiment embarrassante.
Il m'a semblé repérer des approximations dans le texte. Peut-être peu, je n'ai pas tout vérifié, mais elles me gênent, parce que je ne sais pas quel crédit accorder au reste.
-Quel genre d'approximation ?
-L'acide salicylique, par exemple. Voilà, ça, c'est le genre de choses qui me gêne.
-L'acide sali… quoi ?
-Ce qui compose l'aspirine, si tu préfères. le texte dit que ce principe est extrait de la sève du saule, ce qui m'a paru étrange, j'avais toujours pensé que c'était l'écorce, je ne sais plus où je l'avais appris… et après quelques clics et différents liens, rien à faire : je ne trouve nulle part le travail de la sève, partout celui de l'écorce pour localiser la base de l'aspirine.
-Rhôôôh, tu chipotes, Déidamie. Sève, écorce… on s'en fiche un peu, non ?
-Non. Je ne m'en fiche pas. J'attends d'un texte analytique un très haut niveau de précision : si un détail comme celui-là passe à la trappe, cela me pousse à douter de tout ce qui va suivre. Et j'ai continué à douter avec les aigles qui sont Zeus et la référence à l'Iliade. le rapprochement ne me convient pas.
-Le rapprochement entre quoi et quoi ?
-Selon le texte, « Depuis Homère, Zeus-aigle était bien cet oiseau-roi capable d'allumer le Soleil, d'irriguer les terres (…) ». La phrase signifie que l'aigle et le dieu ne forme qu'une seule entité. Cette phrase me dirige vers un passage de l'Iliade, chant XXIV, vers 290.
Or, si j'ai bien compris cette référence et si j'ai cherché correctement*, il n'est nulle part fait allusion au soleil ou à l'eau dans ce passage précis. L'aigle n'accomplit aucune fonction naturelle et ne commande pas aux éléments.
Le texte de l'Iliade parle d'un oiseau messager, de l'oiseau le plus fort de tous, le préféré du roi des dieux, il existe également une précision sur sa couleur… mais je n'ai trouvé à cet endroit-là de l'épopée aucune allusion à la fusion Zeus/aigle (au contraire, le premier commande, le second obéit en transmettant ses messages).
-T'as dû mal chercher !
-Bah j'ai pensé que je me trompais, que la note indiquait mal le passage et qu'il s'agissait en réalité du vers 24 290, mais ça ne marche pas : l'Iliade ne contient « que » 15 000 vers…
Que l'aigle et Zeus soient considérés comme une seule entité dans l'Antiquité, je veux bien l'admettre, mais dans ce cas précis, je ne peux pas, parce que le texte vers lequel je suis dirigée marque bien la dualité, la différenciation entre Zeus et son oiseau : le premier ordonne, le second lui obéit.
-T'en fais pas un peu trop pour un passage minuscule au regard de l'oeuvre?
-Non. Je m'attarde pour une raison précise : cela a influencé toute la lecture qui a suivi. Comme je le disais plus haut, une fois que j'ai buté sur ce genre de difficulté, il me devient difficile d'accorder un total crédit au travail de l'auteur. Je reste sans cesse sur mes gardes en me demandant jusqu'où les citations sont exactes, si elles sont appropriées, si la réflexion a été menée avec rigueur, discipline et exigence, si la comparaison de différents mythes est faite avec pertinence.
Bref, je doute de tout ou presque, sans lire avec sérénité puisque je ne suis pas qualifiée pour démontrer avec fermeté ceci ou cela. J'ai donc lu la suite sans vraiment l'apprécier.
-Bon. Et donc, tu fais partie des partisans « la chanson parle d'un rêve et un aigle, c'est juste un aigle, pas son père violeur » ?
-Ah non ! Je n'ai jamais dit une chose pareille.
-Ooooh, vraiment ?
-Bon, si, je l'ai dit, mais ça, c'était avant de jouer moi-même à l'analyse de texte toute seule dans mon coin.
D'ailleurs, à ce propos, l'analyse de Pierre Landete contient des réflexions intéressantes sur la résilience et la représentation de l'indicible. L'auteur parle avec justesse des abus sexuels dans le cercle intrafamilial et de leur perception dans ledit cercle. J'ai bien aimé les passages purement biographiques, tout ce qui parle du rêve, de la chanson d'une âme, cela m'a donné envie de relire Sandman. Et d'un point de vue strictement formel, le livre n'est pas désagréable, M. Landete connaît ses figures de style et s'applique à faire rimer son texte, à le rendre beau.
Hélas, ce ne fut pas suffisant pour me convaincre, je trouve certains passages peu accessibles, voire confus.
Je m'étais promis de me pencher davantage sur l'oeuvre et la vie de Barbara pour régler le problème de culture gravement lacunaire dont je parlais plus haut. Ce livre n'était pas le bon ouvrage pour le faire, sa forme n'est pas adaptée à ce que j'attendais. le texte oscille sans cesse entre l'hommage et la réflexion, et j'ai du mal à apprécier l'exercice. »
*Il est très possible que, maîtrisant mal mes classiques et les moteurs de recherche, je n'aie pas vérifié correctement. J'ai cependant comparé trois traductions différentes...
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Un livre très intéressant; j'y ai découvert des aspects dont je ne me doutais pas sur la chanson "L'Aigle Noir" de Barbara. Très complet !
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Une famille préfère toujours compter dans ses rangs un menteur, un vagabond ou que sais-je encore... qu'un abuseur sexuel démasqué.
Dans son poème, Barbara est à la recherche, d'un espace et d'un temps disparus. Elle est un être à part, offert puis délaissé après l'accomplissement d'un acte tabou qu'aucun mot ne peut décrire.
Quand la parenthèse de l'aigle se referme, à l'instar du récit biblique, l'oiseau a le "cou raide", c'est à dire, devient "soudain" par effraction, le rapace qui enfreint la loi des hommes.
Au cirque de l'existence et par le chant, l'âme de Barbara a dompté ses pires souvenirs en prenant possession de la beauté.