-Les structures de pouvoir se fondent sur des formes de véridiction des savoirs, et des formes de subjectivité,
-les modes de subjectivation ont des prolongements politiques et des rapports particuliers à la véridiction,
-les discours de vérité ont une incidence sur le gouvernement de soi et des autres.
Il convient donc maintenant d’étudier les effets du dire-vrai sur la subjectivation, en comparant les perspectives foucaldienne et psychanalytique.
Ce n’est que par confusion intellectuelle que l’on peut, justement, confondre psychanalyser une œuvre (ce qui relève de l’inanité) et repérer le « poinçon » par lequel le sujet engagé dans son œuvre la marque d’un sceau inconscient qui en éclaire les ressorts et contribue à son avancée objective dans l’ordre du savoir.
[Avec la psychiatrie], il y a là un « gommage anthropologique » du corps et des plaisirs des individus au profit d’une psychologie et d’une technologie environnementale qui permet non seulement une réinterprétation des conduites en termes de comportements économiques, mais plus encore une légitimation des actions sociales et psychologiques au nom d’un contrôle de la pertinence utilitaire des comportements. On ne corrige plus au nom d’un contrôle de la sagesse, de la vertu, de Dieu ou du devoir national, mais au nom d’une plus grande rentabilité économique des comportements, d’une optimisation des jouissances existentielles.
Lacan admettait que n’existait pas le moindre désir de savoir, Foucault substitue au « connais-toi toi-même » le « souci de soi ».
Ni pour l’un, ni pour l’autre, le problème n’était pas celui, philosophique ou théologique, de la vérité, mais celui du dire vrai. […]
Ce qui convoque le concept de subjectivation, que l’on trouve chez l’un et l’autre. Il est exclu de rester le même, a fortiori de le vouloir.
Les conditions de véridiction déterminent, à chaque fois, une vérité particulière. Si Foucault porte l’accent sur ces conditions, et ne se soucie pas de discuter de manière anhistorique la vérité des théories construites, il n’en désigne pas moins le formatage de cette vérité par ces conditions mêmes de véridiction. Prétendre qu’il détacherait la vérité, comme grammaire interne, de la véridiction, comme système de conditions externes, revient à dépolitiser et déshistoriciser l’usage qu’il prête au vocable de vérité […].
Une conversation présentée par Robert Maggiori, critique littéraire, et membre fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco
Avec
Dov Alfon, Directeur de la rédaction et la publication au quotidien Libération
Raphaël Glucksmann, Député européen et essayiste
Laurie Laufer, Psychanalyste
Asma Mhalla, Spécialiste des enjeux politiques et géopolitiques de la Tech
Informer est un droit, s'informer un devoir. Il n'est techniquement pas impossible de savoir quelles circonstances, quelles situations politiques économiques ou militaire, quels régimes de gouvernement, quels types de pouvoirs autoritaire, dictatorial, totalitaire, etc., entravent le devoir d'informer. Mais il est plus malaisé de déterminer les causes qui rendraient labile, «occasionnel», intermittent, le devoir de s'informer. Renonce-t-on de force à ce dernier lorsqu'aucune résistance, aucune «opposition» ne semblent assez fortes pour rétablir le droit bafoué? A-t-on, comme on dit, «perdu confiance» vis-à-vis d'organes d'information dont on pense qu'ils ont des objectifs - les mal nommés - politiques, idéologiques, n'ayant plus rien à voir avec la «formation» des citoyens à laquelle devrait participer une information objective, variée, ancrée à des sources sûres, argumentée, vérifiée? Ou le mal est-il plus profond, et tient d'abord à la confusion entre information et communication, puis à l'hégémonie de celle-ci sur l'autre? Si l'on considère en effet qu'il est plus important de communiquer que d'informer, alors il sera admis de tous, d'une part, que le fait de dire compte plus que ce qui est dit, compte plus que la véracité (la rigueur, le bien-fondé, la justesse…) de ce qui est dit, et, d'autre part, que l'opinion vaut en tous points le savoir. Les méga-entreprises de communication plus fortes que les Etats, grâce à leurs réseaux sociaux, dans lesquels chacun «s'exprime», ont transformé ce mal en pandémie universelle, et transformé la vérité en «option», en «avis». Quelles conséquences pour l'information, la formation, l'éducation des citoyens?
#philomonaco
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