Théodore Poussin, tome 13 : Le dernier voyage de l'Amok

Depuis que je sais lire je crois, la bd m'a toujours accompagné, dans mon enfance, puis mon adolescence où des centaines sont venus s'empiler sur mes étagères avant de rejoindre des cartons puis le grenier de la maison familiale, avant de finir....en cendres sur un malentendu...
Après un break de plusieurs années et au hasard de mes rencontres, grâce à mon fils aussi et au professionnalisme et à l'enthousiasme de libraires spécialisés, je renoue aujourd'hui pour mon plus grand plaisir avec le genre.
Parmi mes prospections, J'avais récemment aperçu dans les rayons ce tome 13 des aventures de Théodore Poussin.
Il faut dire que l'ouvrage est superbe et que la couverture est intrigante.
Les Éditions Dupuis m'ont gâté en m'offrant l'opportunité de le lire.
Cela peut interpeller de commencer par le 13ème tome (et peut-être le dernier), mais on m'avait laisser entendre que cette lecture pouvait très bien s'affranchir des épisodes précédents, ce que j'ai donc pu vérifier et confirmer.
1934.
Dans le dernier voyage de l'Amok, le héros de Frank le Gall, Théodore Poussin, désormais exilé dans les bas quartiers de Singapour, décide de reprendre l'ile que lui confisqua quelques mois plus tôt le sanguinaire Capitaine Crabb.
À simplement le feuilleter, on pourrait trouver un côté Tintin à Théodore, mais dès qu'on attaque le récit, on comprend très vite qu'il n'en est rien. Les méchants sont de vrais méchants. Les coups font mal. Les armes donnent la mort.
Ce dernier voyage est une vraie bande dessinée d'aventure avec des personnages dignes des meilleurs romans du genre.
Poussin, quant à lui, avec sa tête ronde qu'orne une paire de lunettes assortie, dégage une part de mystère qui fait qu'à peine refermé cet exemplaire, je n'ai eu qu'une hâte, découvrir au plus vite ses précédentes péripéties.
Voilà le genre de Bd qui peut vous réconcilier avec le genre, moi en tout cas j'y ai pris beaucoup de plaisir.

Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas eu de nouvelles de Théodore Poussin, et l'arrivée de ce treizième et sans doute dernier album est un grand plaisir de lecture. Il y a plus de dix ans, notre héros s'était fait prendre son île et ses cocoteraies par l'odieux capitaine Crabb. Depuis Singapour et ses bas-fonds l'idée de récupérer son bien faisant son chemin, Poussin organise un plan audacieux. Après avoir racheté un bateau et engagé un équipage hétéroclite, il prend la mer et repart à l'aventure.
Franck le Gall, pour les plus fidèles lecteurs, nous aura permis depuis 2016 de découvrir cette nouvelle aventure en quatre épisodes agrémentés de dessins préparatoires et d'une interview très attachante et instructive. Son héros, (suivi comme son ombre par l'inévitable Novembre), plein de doutes et d'interrogations est toujours hanté par ses souvenirs douloureux, et sous des dehors un peu rêveur et détaché, ne manque pas de capacités de réaction.
Dans un dessin qui a beaucoup évolué depuis ses débuts, le scénario ne manque pas de finesse et de références, et pour les lecteurs assidus, on ne peut s'empêcher de penser à la fois à Tintin et à Corto Maltese.
J'ai fermé avec un brin de tristesse ce dernier opus, car sans trahir l'histoire on peut penser que c'est sans doute la fin des aventures de notre Théodore, même s'il est toujours plein de vie.

A y lire de plus près, Théodore ressemble à la fois à Tintin et à Corto Maltese – waouwww quelle filiation ! Mais en fait Théodore Poussin c'est du Théodore Poussin et Frank le Gall et bien c'est du Frank le Gall.

BD à part dans le monde de la BD et cela depuis 1987, avec un héros qui n'en est pas un tout en étant un. A présent, dans ce tome 13, qu'il est loin ‘le jeune homme employé au bureau de fret d'une compagnie de navigation maritime de Dunkerque'. Pourtant il n'a que 4 ans de plus. Mais c'est devenu un homme entre-temps. (NB : pour sa jeunesse, je vous conseille franchement la lecture du petit bijou qu'est ‘La Vallée des roses'.)

Nous sommes toujours sur la mer dans le Sud-Est asiatique. Il y a toujours des pirates, Novembre est encore là, les rêves aussi, le reflet dans les lunettes aussi.

Aventure ou pas aventure ? Aventure, mais douce et lente et sans beaucoup de surprises, avec juste un brin d'audace.

Alors dernier tome de la série ou pas ? Je le pense parce que le destin de Théodore, Novembre, est mort et parce que les deux derniers phylactères sont clairs – à savoir qu'on n'est vivant qu'en dehors des planches.
- Sans indiscrétion, qu'allez-vous faire ?
- Être vivant.

N'oubliez pas d'admirer Théodore Poussin avec Aro Sateo dans une scène en ‘négatif' ou ‘ombre chinoise', en page 46.

Notre Théodore a l'âme d'un aventurier à défaut d'avoir le physique. On s'attache très vite à ce petit bout d'homme car il accomplit ce que beaucoup rêvent de faire : quitter leur travail et prendre le large. Il montera à bord du cargo mixte Cap Padaran où il rencontrera son destin. Novembre ne le quittera jamais et sera à ces côtés où qu'il aille et quoi qu'il fasse. Des aventures périlleuses vont se succéder et l'emmener sur les mers du monde. Maintenant il veut récupérer l'île sur laquelle il s'est fait déloger par l'horrible capitaine Crabb. Il va user de sa simplicité et son éloquence pour trouver les fonds pour son expédition. Pour montrer la folie du voyage, le bateau va se nomme l'Amok (référence au roman de Stefan Zweig). Les femmes sont assez peu présentes. On rencontrera une chef pirate, Aro Satoe, apprend à Poussin que "le pardon est une arme puissante". Va-t-il l'écouter pour partir sur de meilleures bases ? Il faudra attendre pour le savoir.

Ce que j'apprécie c'est l'ambiance particulière qui règne dans l'histoire qui s'installe doucement. Les dialogues sont cousus mains pour au mieux nous guider dans le danger et le doute sans oublier une touche d'humour.  « Merci Sir Carey, mais les excellents garçons sont justement ceux que nous n'engageons pas. ».L'ouverture de fin de tome qui nous promet une suite avec notre Théodore et Novembre est assez réjouissante. La suite ne sera pas pour dans 10 ans mais ce fait déjà attendre. Que va nous réserver Frank le Gall ? Je ne préfère pas imaginer et me laisser guider par la prochaine aventure. Car maintenant que j'ai renoué avec ce marin, je ne vais pas le laisser prendre la mer sans moi.

Plus de 10 ans après le tome précédent, Frank Legall revient enfin à Théodore Poussin avec ce 13ème tome qui fait directement suite au tome précédent. A la fin du tome 12, Théodore voyait sa plantation, et plus encore, lui être ravi par le capitaine Crabb.
Mais Théodore veut sa revanche et nous le voyons développer son plan tout au cours de cet épisode. C'est avec plaisir que j'ai retrouvé l'univers de cette série et même si ce nouvel opus est loin d'être le meilleur album, il reste très fréquentable. La dessin est malgré tout parfois un peu inégal. Un retour réussi !