Goncourt atypique !
Je commence par ces deux mots, parce que j'ai été sensible au fait que ce Prix soit attribué à un roman qui n'est pas dans la tradition dudit Prix.
Pour essayer d'en parler, il ne me semble pas inutile d'en dire quelques autres sur l'auteur.
Hervé le Tellier est à l'image de son roman un écrivain polymorphe et polyvalent. Auteur de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, poète, humoriste, il est en outre président de l'
Oulipo ( Ouvroir de littérature potentielle ), mathématicien de formation, docteur en linguistique passé au journalisme ( pour le Monde,
Charlie Hebdo, le Canard enchaîné...), il a été l'un des animateurs de l'émission - Des Papous dans la tête - sur
France Culture... et à ce stade, je suis à peu près sûr de ne pas avoir coché toutes les cases de son CV.
J'ai la faiblesse de penser que si l'on n'a pas à l'esprit ce pédigrée, ce parcours très original, il nous manque, en tant que lecteur, l'une ou des clés de son ouvrage Goncourisé.
Avant d'en résumer brièvement l'histoire, il ne me paraît pas inutile non plus d'avoir en tête les noms d'
Italo Calvino, de Philip K.Dick, de
Georges Perec... et quelques souvenirs du film de Spielberg - Rencontres du troisième type - et tant qu'on y est, j'ajouterais celui de Zemekis - Contact - avec Jodie Foster. Ah oui... que je n'oublie pas - Lost - Homeland - et - Matrix - entre autres...
243 passagers se retrouvent sur un vol long-courrier Paris New York. Une tempête, que n'avait pas prévue la météo, va changer le cours de leur vie.
Le Tellier nous fait pénétrer la vie de huit d'entre eux pris dans un tourbillon dystopique.
Le livre se séquence en trois parties : la première, au cours de laquelle nous faisons la connaissance, dans de courts chapitres, de chacun de ces huit personnages, qui ont pour caractéristique d'incarner à travers leur vie et leur histoire, des genres littéraires différents... le polar, la romance, l'espionnage, le drame etc... Et cette partie est la plus aboutie. La mieux écrite et celle où le fond est travaillé et maîtrisé.
La seconde, où l'intrigue se dénoue... Hélas, là... rien de ce à quoi le suspense de la première partie nous avait "alléchemment" préparés ne se réalise. C'est plutôt aseptisé, "à la papa", convenu et parfois très cliché, et surtout attendu.
Enfin, la troisième et dernière partie où nos huit protagonistes se retrouvent face ( à face... sourire ) aux conséquences de leur " aventure ". Bof !!!
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L'Anomalie - "oecuménismise" donc sans surprise quelques-unes des facettes de cet homme touche-à-tout : l'écrivain, avec beaucoup de hauts et quelques bas, le poète ou le lettré, l'érudit, le mathématicien, le linguiste, l'homme de théâtre et surtout l'humoriste.
Car son bouquin est à mes yeux une oeuvre au réalisme pastiché, et en ce sens, lu ainsi, il est réussi.
On pardonnera les clichés, les truismes lorsqu'on lira à propos de Trump : " le gros mérou à perruque blonde" ou de Macron :" le petit connard arrogant ", lorsque nous seront proposés des éléments de réflexion sur la politique, les religions, l'écriture, l'amour, l'argent, la vie, la mort, les moeurs... le confinement ( eh oui ! ), la pédophilie ( eh oui ! )... bref, lorsqu'on retrouvera un monde philosophé, pensé, commenté, moqué, que nous connaissons bien et dans lequel chacun peut se reconnaître.... à moins que l'on n'ait pas réussi à percer le mur de notre miroir...
Ce n'est pas le meilleur des Goncourt que j'ai lu, mais c'est un cru qui est loin d'être une piquette.