"Veuillez attacher vos ceintures, nous allons entrer dans une zone de turbulences. ". Ne paniquez pas !
C'est juste que lorsqu'on lit un roman ayant obtenu un prix Goncourt, on s'attend à avoir un coup de coeur pour le livre, pas à un ressenti mitigé.
L'idée de départ est excellente, mais je ne la révélerai pas.
Un vol Paris-New York. Une zone de turbulence . Quelque chose d'inoui va se passer.
Mais il faudra attendre, pour nous lecteurs, la page 138, pour que ça arrive, pour que l'action démarre vraiment. Avant... des passagers trop vite "croqués" dont une avocate, un vieil architecte international épris d'une monteuse de cinéma qui s'en fout, une fillette, un chanteur africain, un tueur à gage, un malade du cancer stade 4, et un écrivain qui permet à le Tellier, une mise en abîme, le livre de son auteur s'appellant
L'Anomalie... Il lui fait dire aussi la phrase suivante : " Combien de récits simultanés un lecteur consentirait-il à suivre ? "
Et bien, c'est, entre autre, ce qui pêche dans ce roman, le nombre de personnages ( passagers ou pas) , le survol de leurs caractères qui ne provoque pas autant d'empathie qu'on devrait en ressentir. le Tellier ne sait pas écrire" l'amour." C'est bourgeois, vieux et ennuyeux,
Comme une série télé au casting "idéal" et un peu superficielle ( un méchant/ un homo/ une noire avocate vindicative / un vieux beau, etc) . Ils ne sont pas de" vrais" gens, des gens en chair et en os, mais des "cas", des "exemples", des "prototypes" qui vont servir le propos, la démonstration de l'auteur, comme un exercice de style puisant dans différents styles littéraires. Mais, qu'est ce que le résultat est froid ! le Tellier est un auteur qui ne te prend pas par les tripes...
Le théme est : comment chaque personnage (et la société ) va réagir face à cette "chose inouïe" qui s'est passée ?
Certains vont très bien l'accepter, d'autres seront très malheureux, pour certains se sera une " chance", pour d'autres un renoncement, une tragédie, un sacrifice, certains seront cyniques et sans pitié...
C'est donc à partir de la page 138 ( de mémoire) , que cela devient intéressant , jusqu'ici le Tellier posait les bases. L'action peut ( ENFIN ) commencer . Et avec cet "événement", commence le cirque politique, sécuritaire, religieux , scientifique pour nommer cet événement, lui donner des contours, le gérer au mieux, et surtout, SURTOUT: l'annoncer au monde, faire passer la pillule. Et autant, les parties des débats religieux et scientifiques, me sont passées au dessus, autant j'ai bien aimé le côté "Men in black" et les décisions "pragmatiques " des grands de ce monde... On y croisera quelques vraies personnes, quelques réactions et réflexions sont amusantes.
Mais je déplore une accumulation de références culturelles parfois trop élitistes (Epithémée /
Jankélévitch /Qqtelet, fils de David , la Gidouille du père Ubu ], suivi plus loin par : les stoïciens pensent ceci , et trucmuche pense cela ... [ " Miss
Platon contre
Spinoza," ]
Et le Tellier rajoute jusqu'à l'overdose, des citations ou des blagounettes racontées par un personnage-enfant qui viennent alourdir l"histoire, ralentir le rythme, supprimer toute tentative de suspens et éloigne le lecteur du genre SF.
L'idée de départ est excellente, ambitieuse, originale, mais le style de l'auteur, pour ces raisons évoquées plus haut, ne sert pas au mieux cette idée. Mais on sent qu'il s'est amusé, on sent aussi qu'il a subi l'influence de beaucoup de films et séries télé.
Pastiche, humour, mise en abîme : oui, mais aucune jolie phrase, pas de poésie, et un humour facile... Pour un roman ayant reçu le prix Goncourt, je m'attendais à apprécier la plume, à admirer le style ... Je n'ai admiré que l'idée.
J'ai relu deux fois la fin pour être sûre ...Elle est très réussie , très originale dans sa mise en page.
C'est l'aspect visuel, ajouté à l'idée de départ ,qui fait que je ne regrette pas d'avoir lu ce roman.
Mais, qu'est ce que toutes ces références culturelles font prétencieux et pédant !
Je peux décrocher ma ceinture, je suis arrivée à bon port, je suis seule devant mon clavier : OUF !