Après un précédent roman très remarqué,
le gibier,
Nicolas Lebel a vite compris qu'il lui fallait enChenner. Lieutenante Chen, une des rescapées du précédent opus, se voit enfiler le dossard de personnage récurent, avec sa manière bien à elle de concevoir les relations d'équipe.
Vous n'avez pas lu
le gibier ? Ça ne gâchera pas votre plaisir de lecture, croyez-moi sur parole. Une histoire indépendante, et des liens avec le passé qui sont traités judicieusement.
Avant toute capture, il faut se préparer avec soin. Reconnaître le terrain, étudier minutieusement l'adversaire, déjouer les pièges tendus, savoir saisir les opportunités.
C'est le rôle de l'OCLCH, étonnante et peu connue officine, tout à fait officielle, qui a pour mission de traquer les pires criminels internationaux. Une découverte qui, à elle seule, vaut le détour.
C'est par elle que l'intrigue principale se forme, personnifiée par deux acolytes qui se découvrent, entre un vieux briscard et un flic dépressif envoyé prendre l'air pur.
Morguélen, charmante petite île bretonne (inventée), si peu peuplée que tout le monde se connaît. Mais connaît-on vraiment ses voisins ?
Le climat est un des éléments primordiaux des récits de l'auteur, et pour le coup c'est le grand écart par rapport au précédent livre.
Cette atmosphère marine vivifiante a pourtant l'effet inverse sur une Yvonne Chen qui en deviendrait plutôt neurasthénique. Elle débarque dans cette (fausse) quiétude comme un chien dans un jeu de quilles. Il faut dire qu'il n'est pas facile pour cette parigote de trouver son carburant habituel (dont les bars à cocktails).
Chen va très vite mettre un souk monstre et se retrouver face à une enquête en cours qui la dépasse.
Chen, ah Chen, sacré personnage. Encore davantage ici, où elle est en roue libre. Imbuvable, gueularde, pragmatique comme un bloc de glace en pleine banquise. Un vrai bonheur de côtoyer ce sale caractère, qui permet à l'écrivain de s'en donner à coeur joie dans son style qui mélange sérieux et bons mots. Un peu d'astuce, d'espièglerie, c'est la vie de Lebel.
Oui, il sait comme personne varier les ambiances, passer du sombre au drôle, de passages d'une cruelle réalité à d'autres plus légers, comme des respirations dans le noir. Et à ce jeu-là, il est l'un des maîtres incontestés.
Des personnages hauts en couleurs dans une autre ambiance, un autre rythme. Même si je lui ai préféré son prédécesseur, affaire de goût, les promesses sont bien tenues une fois encore.
Avec une intrigue bien plus étonnante qu'elle n'y paraît. Où les Furies, ces déesses du châtiment rencontrées dans
le gibier, tiennent une place. Où les secrets vont peu à peu se révéler pour le plus grand étonnement du lecteur.
Et, comme dans tout livre de l'auteur, ce qui fait un bon roman noir à mon sens, il y a le fond. Il se révèle d'une étonnante densité, sans pour autant peser sur le rythme général.
Comme le dit souvent l'écrivain, la documentation est le ciment de la fiction. On la sent particulièrement fouillée, même si une partie reste peu visible à l'oeil du lecteur. Un double supplément d'âme, entre personnages singuliers et sujets forts.
Cette histoire de vengeance se révèle plus étonnante qu'il n'y paraît, avec un auteur qui fait, une fois de plus, montre de toute son habileté pour distraire, tout en parlant de ce qui compte. La réjouissance de la lecture, Nicolas Lebel
La capture avec son savoir-faire bien à lui.
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