Écologies déviantes : Voyage en terres queers

Une mes plus chouette lecture en non-fiction cette année. Ecologies déviantes est un essai qui se lit très bien. Il présente comme un récit de voyage dans lequel se glisse très naturellement la réflexion de l'auteur. J'ai beaucoup apprécié de pouvoir le lire presque comme un roman pour ces moments plus littéraire, et de ne pas me heurter à un discours trop jargonneux.
J'ai particulièrement aimé les moments où il est question des dérives de certains mouvements décroissants et des tendances technophobes/anti-technicistes. L'auteur souligne par exemple le risque de glissement idéologique vers l'éco-fascisme dont témoignent certains discours critiques de la PMA, de la GPA et des parcours de transitions hormonés.
Tout le passage sur le mouvement des Wandervogel, jeunes hommes allemands gays des années 1920 portés sur le culte de la nature, l'idéalisation du corps et la défense de la patrie a aussi été très instructif pour moi qui n'en avait jamais entendu parler.
La réflexion sur la stérilité de l'opposition entre milieu rural et milieu urbain comme ancrages de mouvements de résistance queer m'a aussi paru bénéfique. Pour moi qui ne rêve que de quitter la "grande ville" pour retrouver la campagne qui m'est plus familière, c'est le genre de considération que je suis contente qu'on me remette en tête.
C'est encore une lecture dont je ressors avec une bonne quantité de références bibliographiques à explorer, mais avec joie.

Très curieuse de découvrir plus d'essais sur les problématiques écologiques, j'ai fouillé un peu chez les éditeurs que je connais pour trouver un ouvrage qui me tentait. Et c'est chez Cambourakis que je me suis arrêtée pour cet ouvrage qui allie les sujets écologiques et queers.

Je ne vous dirais pas que c'est l'essai le plus simple à lire que j'ai eu en main mais, c'est peut-être l'un de ceux qui m'a le plus questionné, le plus fait réfléchir et le plus appris sur des sujets dont je connais encore trop peu de choses.
Le livre se compose en trois parties : le constat sur le présent, un retour dans le passé et une étude de ce que le présent peut amener dans l'avenir.

L'auteur a su tout au long du livre mettre en parallèle les deux sujets pour montrer à quel point ils sont liés. D'ailleurs, force est de constater que ces deux luttes sont tout à fait entremêlées depuis des années, des décennies même. En parcourant l'histoire, Cy Lecerf Maulpoix nous permet d'exhumer des récits enfouis et de montrer que l'écologie et les personnes queers ne sont pas des sujets “à la mode”.

Si dans la première partie le constat est alarmant (précarité des personnes queers, et l'on sait que les dégâts écologiques touchent en priorité les gens les plus pauvres), on ne peut que se rassurer en lisant la dernière partie. En plus de démontrer à de nombreuses reprises que le changement d'identité n'est pas du tout contre nature, l'auteur va plus loin en remettant en cause la société hétéronormée en montrant à quel point elle façonne notre façon d'agir, d'interagir et de se limiter.
C'est peut-être cet aspect qui m'a le plus remuée dans ce récit. M'interrogeant sur le patriarcat depuis longtemps, j'en suis aussi venu à m'interroger sur la société hétéronormée. J'ai été servie avec ce livre qui m'a ouvert des pistes plus qu'intéressantes.

Si vous aimez les essais et que ces deux sujets vous intéressent, je vous conseille vivement sa lecture qui ne manquera pas de vous questionner.
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