Universel, bouleversant, «
Lettre à Benjamin » est d'une importance haute de lecture. Un livre qui happe, foudroie mais dont la lumière est-elle, qu'il est une étreinte fusionnelle avec
Laurence Leduc-Primeau. Écrire dans cet après, la lettre ultime, départ à jamais pour l'être de sa vie, d'amour et de certitudes voûte lactée. On imagine le crissement du stylo-plume sur le papier à lettres. Les mots qui s'échappent savent l'heure exutoire et abandon. Elle assigne ce qui fût, vacille encore et retient, majestueuse, les chuchotements de la nuit noire.
« J'ai eu cette idée de t'écrire une lettre_ tant qu'à te parler à longueur de journée. Une lettre qui ira_ je ne sais pas, on verra.
Tout est encore vif, début 2020, c'est bien trop tôt encore pour que ce manque se métamorphose en mystère. Partenaire, compagnon, homme des jours, alter-égo, le néant à fleur de peau, les cris dans les couloirs des angoisses, l'abîme et ses griffes. L'homme n'est plus : suicidé. Malade, dans ce tourbillon d'un mal-être, un funambule en déséquilibre, vertiges et souffrances. Mourir, ne plus savoir vivre.
« le dernier livre que je t'ai donné est «
Pas dans le cul aujourd'hui » de
Jana Cerná. Une lettre. Je ne sais pas si tu l'as lu. Je pense que tu as commencé. le titre te faisait peur. Je trouvais sweet que ça soit une lettre. Les morts n'ont pas droit à la parole. Il y a dans ce livre-là une idée haute, absolue de l'amour. »
Laurence Leduc-Primeau avance, mots sur les maux, rappels et corde à noeuds. L'exutoire n'est pas pour elle. Il n'y a pas non plus de pathos. «
Lettre à Benjamin » est le glas qui délivre une conversation qui ne peut vaincre seule la finitude.
« Tu sais, toi, ce que la lumière peut cacher. » « Et toi, comment tu vas ? T'es-tu fais des amis ? Cuisines-tu encore autant qu'avant ? »
Apprendre à revivre, et seule, broyée de solitude et de culpabilité.
« Apprendre, genre, à aimer le désert en feu. »
La lettre est rédemption, prière, le trou noir, l'amour au fond du bois de la belle intimité. Il y a la percée du jour, les bruissements du pavlovien. Ne serait-ce que les battements de son propre coeur, celui d'elle. Ailes de colombe.
Benjamin, le monde, la vie, le bruit de la chaise que l'on recule pour le passage inaltérable de l'impensable. Cette lettre est un bleuet, l'ode au sacré de l'autre, papillon de nuit. le macrocosme filigrane. Résurgence, interlude, cri dans la nuit noire. La mort après son premier jour. le plein de ce cruel, bête immonde.
« Mes choses sont teintées de toi. »
«
Lettre à Benjamin » n'aura pas le retour à l'expéditeur. C'est une lettre adressée à l'homme-fée, suicidé, car trop malade. Un manège arrêté malgré le rire de l'enfant. «
Lettre à Benjamin » est immanence. « L'amour sera toujours plus fort que la mort. » Publié par les majeures Éditions La Peuplade.