Fanatique de
Lovecraft, le riche Foster Morley, quelques années après le décès de son idole, entreprend de visiter ces régions du Massachussets qui l'inspirèrent. Morley découvre ainsi le petit bled côtier d'Innswich, modèle évident pour le mythique Innsmouth…mais à quel point
Lovecraft s'est-il basé sur la réalité pour construire son univers ? Foster Morley s'apprête à le découvrir.
Ecrivain ayant déjà une belle carrière derrière
lui,
Edward Lee (né en 1957) donne volontiers dans le « splatter punk » et l'excessif comme en témoigne ses recueils de nouvelles (non traduits) généralement gratinés qui ne lésinent jamais sur l'horreur sanglante et le sexe explicite. Les titres parlent d'eux-mêmes : BRIDES OF THE IMPALER, HOUSE INFERNAL, NIGHT LUST, etc.
Il s'est attaqué plusieurs fois à
Lovecraft avec des pastiches HAUNTER OF THE THRESHOLD ou DUNWICH ROMANCE et, comme son titre l'indique, cette ABOMINATION D'INNSWICH constitue son hommage aux classiques
LE CAUCHEMAR D'INNSMOUTH et
L'ABOMINATION DE DUNWICH. Excepté ce court roman seuls trois de ses nouvelles furent traduites en français.
Cependant, Lee écrit d'une manière totalement différente de
Lovecraft, quoiqu'il
lui reprenne certains « tics » (construction alambiquée, vocabulaire suranné, etc.) et surtout son écriture se montre nettement plus frontale. Sans être érotique, ce court roman patauge dans la sexualité, devenue pivot central d'une intrigue à la fois référentielle et déjantée. L'horreur, elle aussi, y est décrite frontalement, avec tout ce que cela implique de monstruosités tentaculaires gluantes. Et comme l'auteur n'hésite jamais à en faire trop il convoque même, lors d'un final outrancier,…Non ! n'en disons pas plus et laissons la surprise au lecteur qui passera un bon moment avec cette ABOMINATION D'INNSWICH très fréquentable.
Bien sûr il faut accepter un certain second degré (plus ou moins volontaire) et la modestie de l'entreprise qui se contente de reproduire
LE CAUCHEMAR D'INNSMOUTH en y ajoutant un paquet de sexe et de sang. On imagine très bien le présent récit servant d'inspiration à une bonne série B cradingue après le passage de
Lovecraft au rouleau compresseur de producteurs avides (« bon coco, ton histoire elle est sympa mais si tu pouvais y mettre des filles à poil qui baisent avec des bestioles à tentacules ça serait quand même plus vendeur »). Pour le meilleur et pour le pire, le tout se rapproche beaucoup du roman graphique
NEONOMICON d'
Alan Moore qui,
lui aussi, revisitait dans le sang et le foutre, la mythologie lovecraftienne. Plus récemment, le Suédois
Anders Fager a suivi,
lui-aussi, une voie similaire avec ces recueils
LA REINE EN JAUNE et
LES FURIES DE BORAS. Bref, après des décennies d'auteurs imitant plus ou moins habilement
Lovecraft (ou
Derleth !), voici venir les « cultistes » du XXIème siècle, plus démonstratifs et délirants.
Pas un chef d'oeuvre, loin de là, L'ABOMINATION D'INNSWICH reste un divertissement tout à fait acceptable qui eut très bien pu figurer dans les pages de la Collection Gore durant les années 80.
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