Le problème littéraire est beaucoup plus compliqué que le problème pictural. En effet, la littérature met en œuvre le langage qui sert quotidiennement à des fins utilitaires.
Que pourrait faire un peintre, s'il devait, par exemple, pour commander son repas de tous les jours, employer non sa langue mais ses pinceaux ? C'est pourtant une chose équivalente qui arrive tous les jours à celui qui écrit.
(…)
Toutefois, c'est peut-être une erreur de poser le problème de cette façon. Le langage est un simple instrument ; il n'est nullement matière première pour la littérature. La vraie matière première (picturale comme littéraire) c'est le monde de nos perceptions et de nos sentiments ; et seule importe cette matière première, - non l'instrument duquel nous nous servons. Il suffit par conséquent d'éviter tout verbiage, et de veiller à ce que la réalité soit vraiment mise en jeu lorsque nous écrivons. Que les phrases ne soient pas de simples phrases avec sujet, verbe, complément, mais soient chargées d'un événement qui – naturel ou surnaturel – se passe véritablement. Mais si l'on adopte cette solution, un problème continue tout de même de se poser : l'importance qu'il convient d'accorder au rythme et à la valeur sonore ? (Ce qui réintroduit la question formelle …).
11 mai 1929
Ce que je tente en ce moment, c'est une autocritique, aussi rigoureuse que possible. Je préfère ce terme à celui d'introspection, parce qu'il comporte quelque chose d'actif, alors que l'introspection se réduit à une contemplation purement passive de soi-même, pleine d'une détestable complaisance. Je n'éprouve aucun plaisir particulier à observer les rouages de mon activité. Si je les observe, c'est dans un but tout à fait intéressé et pour l'accomplissement duquel il faudrait que je ne recule devant aucune sévérité.
(page 144 - mai 1929)
Lorsque je me sens inapte à faire quoi que ce soit, je copie des textes (pour lesquels, après tout, je n'ai pas un intérêt si passionné), colle des articles sur des cahiers, etc. J'ai toujours l'impression que le rapprochement matériel de deux textes de provenance très différente produira – même si ces textes n'ont pas grande valeur en eux-mêmes – une espèce de déflagration. Je crois qu'il y a là quelque chose d'assez enfantin (Justification peut-être du goût qu'ont les enfants – ou tout au moins que j'avais étant enfant – pour se faire des cahiers, réunir en un seul objet tout ce qui peut leur plaire.)
(Page 144, mai 1929)
Michel Leiris – Il me suffit de retourner mon nom (→ Siriel Lechim) pour être instantanément transformé en vieux rabbin.
(septembre 1926)
Le nominalisme n'est-il pas avant tout une excuse à l'activité la plus terriblement littéraire ? Y a-t-il vraiment intérêt à rapprocher des mots pour que leur choc nous découvre (soi-même) des idées ? Ces idées ne sont-elles pas déjà toutes faites dans nos cerveaux et ne pourrions-nous pas les déceler par des moyens plus purs, moins littéraires ?
(19 avril 1925)
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Michel Leiris, écrivain et ethnologue, auteur de L'Âge d'homme et de l'autobiographie en quatre volumes, La Règle du jeu, appartenait à la génération fortement marquée par la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Dès les années 1920, il s'engagea dans une démarche critique qui mettait en cause les fondements philosophiques du monde occidental. Il contestait la rationalité considérée comme le principe fondamental d'organisation de la société moderne et explorait les forces motrices irrationnelles et les courants sous-jacents. En recourant à la notion de « merveilleux », qui dans ses écrits littéraires et ethnographiques devient un outil d'analyse, Leiris explore « l'au-delà ».
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Bonnes lectures !
Crédit : école EMC, la prise de son, d'image et montage vidéo
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